MARGOTH 5
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Derrière ce mystérieux acronyme à la signification quasi-mystique qui vous sera très personnelle (explication dans l'interview) se cache un homme aux idées bouillonnantes et qui aime quand sa défouraille (mais pas que). H.RaM a pris le temps de répondre à quelques questions qui envahissaient l'intérieur de ma cervelle et dévoile pleins de choses cool sur Transfiguration, son dernier méfait que je recommande fortement (et un peu de lui).
1- Bonjour à toi ! Ça va bien et tout ? Bon, on va commencer dans la tradition : la présentation du groupe, tout ça. Où, quand, comment, pourquoi, qui, quoi qu’est-ce donc, dans quel sens… ?
H.RaM : Salut à toi. Alors K.A...a une histoire bien trop longue pour que je te la résume en peu de lignes. Il faudrait une interview complète dédiée à cette question pour en faire le tour. Pour faire simple, on va dire que j'en suis l’instigateur depuis 2001 (ce qui n'est pas tout à fait vrai pour la date...), que je me suis entouré de line-up différents au fil du temps. Pour ce 6ème opus (ce qui n'est encore pas tout à fait vrai), le nouveau line-up est composé de Thomas Menudier, guitariste rythmique et compositeur, Chee Salis à la guitare solo et moi même. Je suis ce que l'on pourrait appelé, le grand manitou. Je compose, mais surtout je structure, j'assemble, j'arrange, je créé l'univers dans lequel vont reposer les différents morceaux pour leur donner un sens profond. Suite au départ de notre batteur R.U.L, j'ai du faire appel à un batteur de session pour enregistrer l'album. Après moults recherches et tractations avec différents artistes français et étrangers, notre choix s'est porté sur Kevin Paradis.
2- On va percer le secret derrière ce nom K.A. Quoi qu’est-ce donc ce mystère (ou ce mythe) derrière cet acronyme ? Quel est son sens ? Un acronyme évolutif ?
H.RaM : Nous ne percerons rien du tout aujourd’hui. J'ai souvent fait tourner en bourrique les journalistes en leur donnant une signification différente à chaque fois. L'important reste la musique, l'important, c'est ce qu'y met l'auditeur. Donc, il est évolutif et pourrait très bien avoir une signification différente à chaque opus.
3- Forcément, avec la durée d’existence du groupe, il y a une évolution musicale. Qu’est-ce qui vous a poussé à aller dans une voie plus extrême encore ? Faut que ça chie ?
H.RaM : Oui, il y a eu la volonté d'aller plus loin dans la rapidité surtout et la technicité. Même si K.A n'a jamais été un groupe purement technique, nous avions tous besoin d'explorer certaines limites, de voir de quoi nous étions capables, de se tester. D'autre part, le thème de l'album s'y prêtait.
4- ‘Transfiguration’ est votre dernier album (qui bute bien!). Il a demandé une sacrée durée de gestation (3 ans si je ne trompe pas dans les chiffres).
a) Est-ce pour vous, une volonté d’offrir un album aux petits oignons ou c’est un peu de ça et c’est surtout plus prosaïque : des vies à coté à gérer ?
H.RaM : En effet, tu ne te trompes pas. 3 ans de composition au total. Il y a bien évidemment la vie de chacun, mais surtout ce que l'on a tous traversé à différents niveaux. Et l'envie d'aller plus loin musicalement demande du temps, de la maturation. Chaque morceau a été longuement analysé, décortiqué. C'est d'autant plus vrai qu'il n'y a jamais eu beaucoup de reliquat dans les différents albums. Cela nécessite une implication totale et de savoir vraiment ce que l'on veut lui faire dire.
b) Vous a-t-il fallu faire des choix brisant le cœur et des prises de risques pour arriver à offrir cet album ? Une gestation dans la douleur ?
H.RaM : Je dirais que le choix de R.U.L. de partir a été très difficile pour tout le monde, et en particulier pour moi. Mais il ne se reconnaissait plus dans ce que j'essayais de bâtir. Ça... c'est un choix qui brise le cœur. Mais il faut parfois faire ces choix pour aller de l'avant, quoi qu'il en coûte.
Pour la composition, la remise en question a été permanente. Chaque pas en avant était pesé, sous pesé et analysé. Les morceaux ont énormément évolués sur la période, et ce aussi de part notre vécu personnel. Gestation dans la douleur ? Absolument.
5- Lors des écoutes de l’album, j’ai eu l’impression que celui-ci n’était pas simplement un assemblage de titres mais renfermait une ligne directrice, une sorte de fil rouge.
a) Ai-je gagné et si oui, peux-tu détailler plus cet aspect (thématique notamment, ce qui est derrière comme idées…) ?
b) Aussi bien dans l’essence du disque que dans les atmosphères qu’il véhicule, il y a une progression dans la musique elle-même (qui s’enrichit d’autres styles mais j’y reviens plus loin) et dans les textes (en se fiant aux titres des chansons). Et ne serait-ce pas pour explorer des facettes de ce qu’est l’humain et de ce qui peut conduire à une évolution (de situation, comportement…) ? Ou du tout, mais c’était bien tenté ?
H.RaM : Je vais répondre directement aux deux questions à la fois, car elles ne sont pas dissociables pour moi.
La douleur est la ligne directrice de l'album. La haine de soi, la haine dans l'amour, la folie que cela engendre. Puis la douleur de la maladie, du corps qui se décompose. La douleur des noires pensées qui se dégagent et s'imposent dans la tête. La douleur de ne jamais pouvoir en finir, de la mort omniprésente qui rode et peut frapper à chaque instant. Puis l'abdication devant l’inéluctable, l'acceptation de son propre sort. Vient enfin la lumière, la transfiguration après toutes ces épreuves...qu'il faudra malgré tout repasser...car la vie est un cycle sans fin. Voila ce que dit cet album. Il ne pouvait qu'être évolutif et conceptuel pour moi. Et pour la première fois j'écris les lyrics uniquement à la première personne. J'imagine que tu te doutes bien que ce n'est pas pour rien. Cet album est autobiographique, mais il me semble suffisamment large et simple pour que chacun puisse s'identifier...enfin je crois !
6- Vous auriez pu faire le choix d’une brutalité de bout en bout mais vous avez opté pour des passages plus subtils, amenant des phases très différentes dans les morceaux. Un besoin pour pouvoir aérer l’ensemble ? Une envie d’offrir quelque chose de plus orienté vers une sorte de quête initiatique et de pousser d’une certaine façon à une réflexion, tout en gardant à l’esprit le fait d’en découdre ?
H.RaM: Oui, il y a de ça. C'est aussi bien une quête musicale que spirituelle. Personnellement, 45min de blast beat non stop me casse les couilles et ne sert à pas grand chose si l'on veut exprimer autre chose que de la rage ou de la haine. La nuance est importante et permet de faire comprendre plus de choses. Elle était nécessaire pour aboutir l'album, mais aussi une évolution naturelle de la musique de K.A. Je pense que chaque morceau de Transfiguration est un Reborn...Again à lui tout seul. Le concept développé sur Reborn...Again est juste poussé plus loin. C'est pour ça que pour apprécier au mieux cet album, tu te retrouves à devoir enquiller les 45min de musique d'une traite ; chaque morceau amène le suivant. C'est une suite logique, un déroulement inéluctable, une inévitable descente vers la douleur et la mort.
7- Même si les titres sont là pour fracasser les esprits, il y a clairement entre le début de l’album et sa conclusion (oui, je pense que c’est le mot adéquat) une certaine sérénité qui se met en place de façon progressive de par les structures des morceaux (aucun ne ressemblent aux autres). Comment en êtes-vous arrivés à ce choix ? Est-ce une logique pour vous, venue naturellement, ou est-ce quelque chose de travaillé et de planifié, qui était nécessaire du fait de la nature même de l’esprit que contient l’album (bordel, elle claque cette question, non?) ?
H.RaM: C'était nécessaire bien entendu, puisque l'on parle d'un être qui sombre et descend de plus en plus bas (ou monte, c'est au choix) et fini submergé par ses propres douleurs et pensées morbides. La structure de l'album se devait d'être progressive tout en restant intense et de garder l'auditeur concentré sur l’expérience qu'il est en train de vivre. Et on arrive pas à ça en gardant toujours les mêmes schémas de composition. Il faut surprendre, savoir casser le rythme pour mieux redémarrer...c'est assez complexe à mettre en place puisqu'il faut avoir une vision globale de ce que tu es en train de créer. Un peu comme un peintre en fait... Tu pars d'un fond, puis tu peaufines chaque détail, chaque élément. Les arrangements et la production font donc partis intégrantes du processus et sont pensés dès le début.
8- Comme je l’évoquais plus haut, dans la question 5, il y a des phases musicales totalement éloignées du metal (et qui pourtant cultivent des liens), apportant vraiment un plus aux titres dans lesquels elles s’inscrivent. J’ai notamment ‘Orphan of the moon’ en tête, avec son passage très blues, qui fait mouche (et qui s’avère sublime). Ne serait-ce pas un aveu pour l’amour de styles moins conventionnels et qui peuvent apporter quelque chose de plus aux titres ? Ou juste pour le plaisir d’un jeu différent, touchant d’autres zones émotionnelles ?
H.RaM : Si tu veux développer un sentiment, pour moi, il est nécessaire d'y mettre de la subtilité. Un sentiment n'est pas linéaire, il évolue, se transforme. Il était donc normal pour nous d'y amener des styles non « metal ». La présence du style blues évoque, entre autre, ces sentiments noirs. Mais cet album a aussi des influences plus progressives, jazzy ou classiques. Il faut trouver l'influence musicale la plus adéquate selon les moments. J'ai par exemple beaucoup écouté « The wall » de Pink Floyd pendant la composition. Cela reste pour moi un des meilleurs concept album de tout les temps et il m'a permis de voir comment faire cohabiter des ambiances et styles très différents les uns des autres tout en restant cohérent. D'autre part, nous écoutons tous des styles très hétérogènes et c'est important que tout le monde puisse se retrouver dans les compositions. Le cas contraire t'emmène inévitablement vers des morceaux qui ne seront pas joués avec le cœur et les tripes...et donc seront, au pire, mauvais, sans âme au mieux.
9- ‘Orphan of the moon’ se détache vraiment du reste de l’album se rapprochant d’un requiem dans son final.
a) Du coup, ce titre n’en serait-il pas un, renvoyant directement au titre de l’album, ‘Transfiguration’, fermant une boucle ?
H.RaM : Oui c'est un peu une messe des morts mais ce morceau s'inscrit aussi dans le cycle de la vie...enfin la douleur qu'implique la vie plus exactement. Il permet surtout d’atterrir comme le ferait ton esprit après une longue et lancinante souffrance qui finirait par disparaître ou te submerger. Ce morceau a une teneur particulière pour moi. J'ai voulu garder le contrôle total dessus. J'avais une idée très précise de ce que je souhaitais y mettre et je savais exactement ce que je voulais. J'ai donc beaucoup travaillé les arrangements de cordes violon, violoncelle et contrebasse. J'ai même continué à l'agrémenter jusqu'à la phase de mix. Il contient d'ailleurs une tirade que j'ai reprise du film « Seul contre tous » de Gaspar Noé, tirade que j'ai ajouté au tout dernier moment ! J'ai aussi fait la rencontre du duo MayFi a l'été 2017. Quand j'ai entendu leurs morceaux, le feeling au piano, la voix angélique, j'ai tout de suite accroché. Je leur ai donc demandé si elles souhaitaient participer a ce titre. Et lorsque j'ai entendu les pistes qu'elles m'ont envoyé, je savais que je tenais la fin de mon morceau, la fin de cet album.
b) D’ailleurs, ce titre est cohérent par rapport à des repères subtilement disséminés dans l’album. Même si ce titre peut être une conclusion, ne serait-il pas aussi, quelque part, une ouverture vers autre chose, une sorte d’élévation (ou je me prend trop la tête et il me faut des cachets…) ?
H.RaM : Va prendre tes cachets hahaha ! Non. C'est une évidence et c'est extrêmement satisfaisant pour moi que de voir que, ce que tu as souhaité faire passer, passe.
c) Et si c’est le cas, serait-ce un indice de la volonté du groupe d’aller plus loin, sans se renier et de commencer à explorer d’autres sphères intégrées à votre musique ?
H.RaM : Je ne saurais te dire...je ne lis pas l'avenir mais toutes les portes sont ouvertes. Je peux parler pour moi, et uniquement pour moi. Mais il est évident que je recherche autre chose actuellement en terme de composition.
10- L’artwork annonce la couleur dominante de la musique (et bordel, ça envoie le dessin et ça évoque un peu les artwork de Sadistik Exekution dans des détails).
a) Déjà, qui est l’artiste derrière ?
H.RaM : Nous avons choisi Headsplit Design... un putain d'artiste !
b) Même si en regardant de loin le dessin et même si on ressent la violence, le diable se cache dans les détails (si on zoom quand même un peu…) et ceux-ci, justement, ne referment-ils pas une partie de la réponse ?
H.RaM : L'artwork reflète bien le sens de l'album mais l'artiste l'a transcrit à sa manière. Et quelle manière ! Une âme perdue faisant face à la somme de ses propres peurs et douleurs dans un monde dévasté où chaque être oppressé est en perdition. Cet artwork, je le trouve personnellement magnifique. Et il aura fallu du temps pour le pondre aussi, trouvé le truc. Mais quel travail !
11- Avec tout ce que renferme l’album, peux tu nous éclairer sur les influences du groupes (bon, il y a déjà des pistes…), avec peut-être des conseils de découvertes musicales à faire ? Est-ce pour toi une nécessité, un exutoire obligatoire ?
H.RaM : Les influences pour cet album sont très vastes. Comme je le disais plus haut, cela part de Pink Floyd en passant par Aborted, Opeth, Decapitated ou encore Meshuggah. Mais ça serait réducteur je pense...c'est difficile de savoir ce qui t'a vraiment influencé à tel ou tel album. Je dirais que c'est plus un truc de critique ou de journaliste ! Personnellement, ce qui m'influence le plus, ce n'est pas la musique, c'est ma vie. Et même si cela se calme avec les années qui passent, je dois dire que cela reste indispensable à ma vie psychique que de pouvoir composer.
Je conseille d'écouter David Maxim Micic et plus particulièrement son album Bilo 3. C'est un artiste serbe extraordinaire avec un univers très personnel. Une vraie révélation pour ma part quand je l'ai découvert.
12- Parler musique c’est bien, mais derrière la musique, on ne peut pas parler de l’aspect humain. Sans rentrer dans les détails personnels (je ne suis ni gala, ni voici, ni aucun autre truc/torchon/chiasse culturelle (rayer la mention inutile)), quels sont tes goûts personnels (musique, littérature et cinéma) ? Peux tu nous vendre du rêve ?
H.RaM : Pour ma part, je lis peu. Ma dernière lecture étant Introduction à la psychanalyse de Sigmund Freud. Niveau cinéma, j'aime énormément Darren Aronofsky et plus particulièrement son dernier film : « Mother ! ». Mais je suis très friand de cinéma d'horreur, surtout lorsqu'il s'agit de possession. Je recommande fortement « La possession de Michael King ». James Wan se pose bien dans tout le new school horrifique. Après, je reste grand fan de David Fincher. J'aime aussi la SF...mais il est plus difficile de trouver de bonnes choses. En musique, je suis très large. Je peux aussi bien écouter du brutal death que de la house music. J'ai même besoin de musique plus « vide », cela me repose l'esprit. Va pas me foutre du Coldplay quand même...
13- Je sais que conciliez vie professionnelle, personnelle et d’un groupe c’est compliqué (bien que pour beaucoup, la vie personnelle (et l’entourage) est une aide inestimable. Pour vous, avec votre longévité et expérience, est-ce plus simple ou non, c’est toujours des compromis et des choix difficiles ?
H.RaM : Les concessions avec le travail sont toujours difficiles à faire...mais néanmoins nécessaires. Nous sommes dans un pays qui refuse ses artistes et promeut la médiocrité. C'est malheureusement l'époque dans laquelle nous vivons. Et même en étant la risée du monde musical international, rien ne change. Alors il est plus que difficile de trouver le temps et l'argent pour monter des projets comme Transfiguration. Je me dois de repartir au travail pour pouvoir avoir la chance, si cela m'est possible, de refaire un album de cette ampleur là...mais dans combien de temps...
14- D’ailleurs, folie étant vie, avez-vous, à coté, d’autres groupes / projets (musicaux ou autre) ?
H.RaM : J'ai un projet grind que je gère seul. Un « one man band » comme on dit. Mais je n'ai sorti qu'un EP. J'aimerai partir sur autre chose aussi... J'aime composer pour violon, violoncelle et contre basse. Mais je ne sais pas si j'aurais le temps. Bref, des idées et des projets, très honnêtement, ce n'est pas ça qui manque. C'est le temps et l'argent qui font défaut, pas l'inspiration.
15- Quel est le programme maintenant que l’album est sorti ? Des dates envisagées ? Des conférences-concerts (ouais, c’est un nouveau concept…) ?
N'ayant plus de batteur attitré, c'est nettement plus compliqué. Kevin Paradis serait le plus à même à défendre cet album avec nous, mais vu son emploi du temps extrêmement chargé, cela sera difficile. Je ne désespère pas pour autant! De plus, l'argent, encore une fois, vient cruellement à manquer dans le milieu et je refuse de brader le travail qui a été effectué depuis tant d'années. Des propositions, j'en ai ...mais si c'est pour jouer gratuitement dans de piètre condition, je n'en ai plus envie.
16- Merci à toi d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. C’est à toi de conclure, de la façon que tu souhaites !
J'aimerai une fois de plus remercier Mathieu Pascal, Frederic Motte et Remy Headsplit pour leur collaboration, ainsi que Thomas Menudier et Chee Salis : De vrais passionnés totalement investis dans leur art. Je ne pouvais aboutir à cet album qu'avec eux. Ça a été un travail de longue haleine, intense et parfois difficile, mais pour un résultat dont je suis très fier.
Et enfin merci à toi pour cette interview intéressante et pleine de sens... c'est suffisamment rare pour le souligner.