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Sol Draconi Septem a sorti récemment un premier album de black industriel dépeignant l'oeuvre de l'écrivain Dan Simmons, notamment sur sa saga du même nom et offrant ainsi une sorte de bande son pour accompagner la lecture. Suffisamment à part et foutrement bien foutu, il fallait bien que suive une interview que voici, à laquelle on répondu Tauon, Kaon ainsi que l'artiste derrière l'artwork.
Photo de David Fitt
1- Bonjour à vous ! Comment ça va en ce riant mois de mars ?
Tauon - Bien merci.
Pouvez-vous nous nous narrer l’histoire de Sol Draconi Septem ?
Tauon- SDS est un projet musical dédié à la saga Hyperion de Dan Simmons alliant le black metal ainsi que l'électro avec des textures indus. Il est composé de Muon (Composition, chant, synthé, guitare), Kaon (synthé, saxophone, chant, guitare) et moi-même (batterie et arrangements).
2- Évacuons d’entrée de jeu le mystère entourant le nom du groupe, ainsi que sa signification, en nous livrant ses secrets.
a) Le nom fait référence à la saga de Dan Simmons. Le choix vient-il de la volonté d’amener avant même l’écoute l’auditeur à plonger dans l’univers ?
Tauon – Nous voulions un nom permettant une première accroche pour l'auditeur et qui sonne à nos oreilles. Sol Draconi Septem est une des planètes de l'Hégémony, planète particulièrement hostile à la vie et entièrement recouverte de glace. Ce qui sonne terriblement bien comme nom pour un groupe de black metal. Cela nous a plu tout de suite quand Kaon nous l'a proposé.
b) Pourquoi justement ce choix, au-delà du point a) ? Existe-t-il un lien vers autre chose (le mot draconi m’évoque quelque chose de flou dans ma mémoire, lié à la lecture mais pas de roman de Dan Simmons) ?
Tauon – « Draconi » est issus « Draco ». Deux mots latins qui font référence au dragon ou encore au législateur dans l’Athènes antique. Différents noms en découlent comme Dracon ou Dracul qui vous évoqueront sûrement d'autres œuvres littéraires.
c) Est-ce un moyen de pouvoir vous détacher du lot, en adoptant un nom qui va à l’opposé des noms plus calibrés pour le black metal ?
Tauon – Comme dit plus haut, ce nom est un excellent pont entre le black metal et la littérature.
d) Pouvez-vous nous en dire plus sur vos pseudo (lié aussi à la saga et en partie à la physique des particule, pour Muon par exemple) ?
Kaon - Nos pseudos sont effectivement liés à la physique des particules, c’est peut-être le seul élément qui ne provient pas de la saga, prendre le nom d’un personnage aurait peut-être un peu trop « on the nose ». Mais ça permet de toucher encore plus notre côté nerd.
3- Vous évoluez dans un black mélodique industriel, utilisant les codes musicaux de l’industriel pour amener le coté science-fiction. Est-ce pour vous une évidence ou ce n’était pas prévu et cela s’est fait pendant le processus de création ?
Tauon – A la base nous étions partis sur un projet de black metal spatiale avec Muon. Les arrangements indus / SF sont arrivés avec Kaon quand nous avons réorienté les compositions pour parler d'Hypérion. La suite a découlé d'elle-même et nous nous y sommes donnés à cœur joie.
4- Les claviers sont présents dans votre musique (le coté indus), amenant des atmosphères ou appuyant des ambiances. Mais ce qui est moins habituel est l’utilisation du saxophone. a) Comment vous est venu l’idée d’inclure du saxophone et quel était le but premier (le saxophone ayant un rôle bien au-delà du simple esthétisme ?
Tauon – Kaon est multi-instrumentiste en plus d'être un saxophoniste d'excellent niveau. Nous nous sommes rapidement rendu compte que nous voulions exploiter le saxophone à l'instar de White Ward ou encore Ihsahn. Cependant, nous ne voulions pas juste simplement colorer les morceaux avec quelques touches éparses. Nous voulions en faire un instrument leader comme les guitares. Il est donc présent dans tout les morceaux avec plus ou moins de travail de sound design et d 'effets.
b) L’industriel ayant généralement un coté froid, voire synthétique, trouve chez vous une toute autre essence, appuyant le concept. Est-ce un choix mûri et assumé ou est-ce plus compliqué ?
Tauon- Nous voulions quelques choses qui nous rappelle la science-fiction des années 80, ses mystères, son ambiance et ses couleurs musicales. Cela a mûri avec le temps.
Kaon - Pour l’instant, je pense que notre côté indus est encore assez peu exploité finalement, surtout des synthèses et quelques kicks. Le but est clairement d’étendre cette influence dans les prochains albums, d’intégrer plus de parties électro et de textures.
5- On est bien obligé d’évoquer du coup le concept et l’œuvre d’où il tire sa force (ben oui, sinon, ce serait un peu bizarre cette interview, sans aller dans le dur du sujet…).
a) Que raconte la saga (de façon simple) et comment est sa construction ?
Kaon - La saga est constituée de deux cycles de deux livres chacun, Hyperion et Endymion. Ces deux sagas parlent de l’histoire de l’humanité, dont le futur se joue sur la mystérieuse planète Hyperion, au milieu de fanatiques religieux, d’IAs complotistes et d’invasions extra-terrestres. Le premier cycle est un genre de préambule à la catastrophe, tandis que le second se concentre sur la renaissance de la civilisation, imprégnée de religion.
b) Retrouve-t-on dans Hyperion (qui est lié au premier livre) ce même type de construction ou est-ce justement la construction du premier livre qui vous permet de structurer l’album ?
Kaon - Oui, l’album est plus ou moins calqué sur le premier livre de la sage, en se calant sur les différentes histoires des côlons. 8 personnages, 8 histoires, 8 morceaux … la coïncidence était trop belle pour la laisser passer.
c) Et donc, fort logiquement, qu’aborde donc cet Hyperion ?
Kaon - Ce premier volet est finalement une introduction à l’univers. 8 colons envoyés sur la planète Hyperion, passent le voyage à se raconter leur histoire, et de quelle façon chacun est lié à cette planète. Leurs récits croisés posent les bases de l’univers de la série. Les religions omniprésentes, l’Hégémonie, le Gritche, l’art, la technologie … permettant à l’auteur de multiplier les styles de récits et les thèmes.
d) Peut-il y avoir un sens plus profond, au-delà de la simple saga, allant effleurer la philosophie, entre autre ?
Kaon - Comme toute œuvre de SF digne de ce nom, il y a effectivement beaucoup de messages dans cette œuvre. Entre les œuvres référencées plus ou moins directement, et les réflexions aussi bien théologiques que morales, la saga Hyperion fourmille de pistes à étudier !
6- Avez-vous du trouver des solutions à des difficultés inhérentes à la transcription d’une œuvre littéraire en un album musical ? Est-ce cela vous a posé des défis ?
Kaon - Pour cet album, le travail a été fait à l’envers, puisque Muon avait déjà composé la plupart des squelettes de chansons quand je lui ai proposé de baser l’album sur cette saga. J’ai donc surtout suivi mon ressenti personnel par rapport à ce que m’évoquait les chansons, et comment elles pourraient coller avec chacune des histoires des pèlerins.
7- Une question que tout le monde doit se poser maintenant (ou alors je suis le seul) : pourquoi ce choix à la fois musicalement et conceptuellement (une admiration de l’œuvre) ?
Kaon - Très clairement, tout d’abord une grande admiration de l’œuvre. Avec Dune, c’est une de saga de SF qui m’a le plus marqué, et je voulais utiliser ce champ des possibles depuis de longues années. Le manque de reconnaissance de l’œuvre dans les autres médias (ciné ou série par exemple) m’a toujours frappé, et c’était l’occasion de la faire découvrir à d’autres personnes, ainsi que de se replonger dedans !
8- Et du coup, le fait de lier cela à du black industriel, est-ce pour donner du sens au tout ?
Kaon - Nous avions déjà pour intention de faire du black metal, mais beaucoup moins marqué indus au départ. Nous devions avoir un claviériste, mais pour cause d’imprévus, j’ai finalement repris le taf et ai apporté cette touche spatiale, qui a beaucoup plu aux autres membres. Muon étant un gros fan de musique indus, les influences et expérimentations des uns et des autres se sont plutôt bien complétées !
9- Les chants sont aussi un des éléments importants chez vous, bien au-delà de leur simple nature. Pourquoi ce choix de plusieurs voix/chants ? Est-ce aussi pour une cohérence avec la trame et l’habillage sonore du concept ou tout autre chose, pauvre de moi, je ne suis pas prêt ?
Kaon - Comme pour le reste de la musique, une envie de variation et d’expérimentation. Muon prend des cours de chants, donc c’était bienvenu pour intégrer des apports plus « religieux » dans la musique, et les guests apportent des couleurs que je suis incapable de faire.
10- Un autre élément que j’apprécie et qui est important dans l’immersion est le coté visuel et graphique, qui lui aussi vous sort du lot.
a) Que représente l’illustration (superbe au demeurant), qui est derrière l’idée et qui est l’artiste derrière ?
Tauon – L'illustration a été réalisée par « Guibz ». Elle représente « The Shrike » (le Gritche en vf), l'antagoniste principal de l'histoire. Une sorte de Terminator de l'espace. Je n'en dirai pas plus à son sujet. Son histoire est exceptionnelle et en dévoiler serait du spoil pour tout futur lecteur aventureux.
b) Du coup, cette question sera peut-être plus pour l’artiste. L’illustration m’évoque fortement les couvertures des livres de la collection Présence du futur de l’éditeur Denoël. Hasard, coïncidence ou hommage ?
Guibz : Je dirai que c'est un hommage indirect à cette flopée d'artistes oubliés de l'école sous Frazetta, Repka, Melki et cie, qui prospéraient dans les années 70 / 80, de l'affiche de film à la pochette de metal. Je cherche à faire revivre l'étrange que m'ont toujours procuré toute ces jaquettes consommables qui sont pour beaucoup des œuvres surréalistes fourmillantes d'idées. Au-delà de la nostalgie pure, on a tous connu cette sensation de vertige amer, face au psychédélisme ténébreux souvent maladroit qui se niche sur couverture de romans de SF étalés en vrac chez le bouquiniste du coin.
c) Vous poussez le concept en vous intégrant à celui-ci via la photo de l’insert (avec les crédits, entre autre), cultivant en même temps un certain mystère et un rappel au concept et à l’illustration. Pouvez-vous développer un peu plus ce point ?
Tauon- Parler de ce point sans spoiler le livre est complexe. Sachez cependant qu'il y a une tribu indigène dans le livre qui possède un symbiote appelé le cruciforme et qu'il est relié d'une certaine façon au Gritche.
Kaon - Notre prochaine sortie, un split, parlera plus en détail de cette tribu dont nous nous sommes inspirés pour les photos, les Bikuras. Probablement un des récits à l’atmosphère la plus étrange de toute la saga. Le rapport entre religion et zombification est poussé dans des confins assez géniaux.
11- Avez-vous, derrière tout ça, une volonté de poser une réflexion, allant bien au-delà de la musique, posant interrogation sur la nature humaine et d’autres choses ou je déconne, je vais vraiment trop loin ?
Tauon – Pas du tout. Nous cherchons à présenter le livre et ce qu'il propose sans y mettre nos visions, réflexions et conclusions sur les différents sujets abordés.
12-Tiens, je ne l’ai pas vraiment encore fait : la question à tiroirs !
a) Vu la musique que vous offrez, dense et assez complexe, quelles sont les influences derrière ?
Kaon - Perso, ça fait bien longtemps que le monde du metal ne m’intéresse plus trop, exceptée la scène prog et psychédélique. J’ai vraiment du mal à trouver un intérêt aux groupes deux neurones qui vont faire 15 fois le même CD. L’intérêt de la musique (et de l’art de manière générale), c’est d’expérimenter, de créer de nouvelles choses, de nouvelles façons de s’exprimer. Je ne trouve pas d’intérêt à faire la même chose que tout le monde.
b) Le saxophone puise son origine d’où ?
Kaon - Je fais du saxophone depuis plusieurs années, et en mets dans tous les groupes où je passe depuis, car c’est le meilleur instrument du monde, tout simplement ! Il se marie tellement bien au metal (et tous les autres styles de musique en vrai), et permet tour à tour de rendre les chansons, épiques, tristes, joyeuses ou n’importe quoi d’autre ! C’est un instrument hyper versatile. Et comme on l’a dit, on ne s’impose pas de limite, alors pourquoi ne pas en mettre ?
c) lié au saxophone, connaissez-vous Etienne Pélosoff, qui comme vous injecte du saxophone dans son black (il joue du brutal black jazz, le jazz étant partit intégrante de son projet) ?
Kaon - Ah ça me fait plaisir de voir ce nom ! Je suis HYPER fan de cet album. C’est pour moi, le meilleur mix de jazz et de metal qui existe, on sent que ce gars a fait des études de jazz, que ce soit dans la composition, les arrangements, les mélodies ou les harmonies. C’est un album hyper hyper intéressant.
d) Aimez-vous d’autres styles musicaux, étant peut-être des influences mineures (ou pas) ?
Kaon - Moi je suis surtout un gros fan de « musiques noires », donc le jazz, la funk, le hip hop etc etc Et aussi beaucoup d’IDM.
13- On va aborder la question littérature, trouvant cette fois très clairement sa place.
Quels sont les registres littéraires que vous aimez (et plus large, cinématographique), en plus de Dan Simmons et le space opera (Pif gadget n’est pas une réponse valable…) ?
Tauon – Télérama, Closer, Passion Escargot, Gala et Madame le Figaro dans la salle d'attente chez le médecin principalement.
Kaon - Majoritairement, la SF, et fantasy en littérature pure. Je lis beaucoup de comics/BDs, ainsi que de la non fiction autrement. Et à peu près tous les films que je peux bouffer. (Par contre je conseille la vidéo de Bolchegeek sur Pif Gadget, c’est hyper intéressant)
14- Que faites-vous en marge du groupe ? L’un de vous n’aurait-il pas une activité lié au littéraire (ou j’ai perdu, mais c’est bien essayé?) ?
Tauon – Pour ma part je suis musicien. Et Muon travaille également dans le milieu de la musique mais plutôt derrière les scènes.
Kaon - Développeur web
15- Quels sont les projets pour Sol Draconi Septem (compte tenu du contexte un poil nul) ?
Tauon – Faire une raclette dans un premier temps. Puis sortir un split en fin d'année et avancer tranquillement sur le second album qui abordera, oh grande surprise, « The Fall of Hyperion ».
Kaon - Peut-être faire un calendrier façon Dieux Du Stade, mais toujours drapés de nos croix de chairs boursouflées.
16- Merci d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. C’est à vous de conclure comme vous le souhaitez !
Tauon – Merci pour cette interview. N'hésitez pas à lire et relire Hyperion en compagnie de notre musique que nous avons vue comme une bande son originale pour le livre. Des bisous, on s'appelle, on se fait une bouffe.