1- Salutation à vous ! Comment ça va en ce beau mois de juin ? On va commencer simplement : pouvez-vous raconter brièvement l’histoire de Primal Age, pour ceux qui ne vous connaîtraient pas ?
Salut, on va bien malgré ce manque de concerts. On fait PxA depuis 28 ans avec plus de 800 concerts dans 17 pays, avec notamment des tournées au Mexique, Japon, Brésil... de nombreux festivals dont 2 Hellfest. Didier au chant et moi à la basse sommes les 2 membres fondateurs restants. Ben et Flo nous ont rejoint aux grattes il y a près de 6 ans et Miguel vient d'intégrer la formation à la batterie.

2- Masked Ennemy est votre cinquième album. Il marque plus que jamais les deux aspects caractérisant votre musique (le hardcore et le metal).
a) En regardant en arrière pour comparaison, comment voyez-vous cette évolution de votre style ?

Je dirai une évolution dans la continuité. Nous avons une vraie identité musicale. On a également mûri et gagné en efficacité à tous les postes. 

b) Est-ce un besoin naturel d’appuyer les deux aspects individuellement, pour apporter un impact plus marqué collectif ou c’est venu comme ça, sans besoin, ni contraintes, juste une logique inconsciente ?

On a baigné dans ces 2 cultures et le mix est très naturel. Pour nous la puissance du metal liée à l'énergie du hardcore donne un mélange explosif. C'est le son qu'on souhaite produire et on ne s'intéresse pas plus que ça aux nombreuses étiquettes qui peuvent nous être attribuées tant que ça nous plaît.

c) Cet aspect est-il un marqueur spécifique à cet album ?

Non on a fait ce qu'on sait faire, mais en mieux. Cet album garde les ingrédients pour un résultat plus abouti dont on est très fiers.

3- En rentrant plus dans les détails, un autre aspect qui marque est le contraste. Celui entre les mélodies et un coté brutal (que je trouve plus marqué). Est-ce là aussi un choix ou est-ce lié à l’album en lui-même, dans sa nature profonde ?

Nous avions le souhait d'envoyer des parpaings, du brutal ça c'est clair. Les finitions amènent ce contraste dont du parles, beaucoup de relief. Mais on voulait que chaque titre, tout en amenant des choses différentes des autres servent un ensemble façon rouleau compresseur.

4- L’album semble suivre un fil rouge. Il s’ouvre sur un extrait du discours de Greta Thunberg et semble suivre une évolution thématique liant les titres au tout et est clairement raccord avec votre coté engagé.
a) Avant d’aborder plus le sujet du fil rouge, pouvez-vous parler justement de ce dans quoi vous êtes engagés et e développer un peu ?

Le groupe dès ses débuts a voulu utiliser le potentiel de vecteur de messages pour aider à la protection des animaux et de l'environnement. Ce thème est abordé dans tous les albums sous des angles différents. En général je consacre 2 ou 3 titres à ces sujets. On en discute surtout avec Didier qui va les incarner au chant. Un album est un tout cohérent qui amène de la variété donc je ne veux surtout pas limiter l'écriture à ces sujets, ce serait lassant. 

b) Il y a aussi une association de protection animale. Pouvez-vous en parler, histoire de lui offrir un focus ?

Bien sûr, sur chaque skeud que nous sortons nous mettons un coup de projecteur sur une asso de protection animale. Nous l'avons fait pour Peta, One Voice, Le Droit des Animaux... Cages Vides et Hardcore Cares pour cet album.

5- Donc on part maintenant vraiment sur cette histoire de fil rouge et de développement de celui-ci.
a) Celui-ci est très clairement lié à la situation actuelle (changement climatique, évolution des modes de vie…). Quels éléments mettez-vous en valeur (ou plutôt sur quels problèmes mettez-vous le doigts) ?

Sur tout ce qui va nous toucher et les sujets sur ce thème sont malheureusement vastes : élevage intensif, déforestation, animaux de cirque ou de laboratoires, sur exploitation des ressources, la collusion entre les lobbys agro-alimentaires et pharmaceutiques... 

b) Il y a aussi du symbolisme (qui se retrouve dans l’artwork) qui se mêle aux titres (par exemple ‘The devil is hidden in shadow’). A-t-il un rôle plus important que d’être simplement un moyen de pouvoir pointer du doigt avec subtilité ?

L'artwork a une nouvelle fois été confié à Greg de Visual Injuries. Il connaît très bien l'univers visuel du groupe. En lisant les textes il s'est dit inspiré et nous n'avons quasi rien eu à lui donner comme élément. On a tous validé son taf à 100%. Tout compte quand on fait un album et le visuel à une place très importante.

c) Est-ce simple de pouvoir concentrer des thématiques denses et complexes, au sein des textes qui se doivent d’être pertinents ?

J'écris assez facilement donc je me concentre sur l'équilibre de ces thèmes au sein de l'album et laisse simplement mes ressentis s'exprimer. Je sais que tous ceux qui nous écoutent ne vont pas forcément s'intéresser au fond, mais qu'importe. Au sein du groupe nous sommes plusieurs à avoir connu cet éveil de conscience à travers la musique de groupes qu'on adore et dont on s'est intéressé au contenu, donc on plante des graines qui peut-être émergerons plus tard. 

6- Votre album semble développer deux parties distinctes. Une plus axée vers la situation climatique et sociale (les deux étant imbriquées) et l’autre (qui va être un peu développée après) plus dans un aspect technologique / économie.
a) Est-ce une logique réfléchie, mûrement pesée ou est-ce venu naturellement, le second découlant du premier ?

Non rien de tout ça. Je te dis, l'essaie d'aborder différents sujets qui feront écho chez Didier et ensuite l'idée est d'agencer l'album surtout en fonction des musiques, par exemple si un morceau débute par une guitare et part sur un gros speed, en choisir un derrière qui démarrera par un break batterie et une rythmique plus lourde. Après bien sûr, si 2 morceaux ont des thèmes similaires l'idée sera de les espacer également.

b) Existe-t-il une différence musicale entre les deux parties justement, pour peut-être appuyez ça ?

On a composé l'album à 2 avec Flo mais nos morceaux sont évidemment mélangés car nous sommes complémentaires. On aurait pu avoir ce ressenti de 2 parties distinctes si on avait regroupé nos compos respectives. Mais ça justement on a voulu l'éviter.

7- Vous êtes engagés, ancré dans le 21è siècle, âge de ‘progrès’ et pourtant, même en étant dedans, vous avez la lucidité de pointer du doigts sa face cachée à travers justement cette seconde partie (suivant l’instrumental ‘the downside of progress’). Transition préparée par le titre ‘I warn your’.
Pouvez-vous nous parler de ‘I warn you, qui fait la jonction finalement entre les deux parties ?

Ce qui donne cet aspect en 2 parties c'est sans doute cet interlude qui n'est là que pour prendre une brève respiration avant de repartir dans le dur. Alors comme je n'ai pas cette impression d'un album en 2 parties distinctes, je vais avoir du mal à expliquer un aspect non voulu)). Pour la petite histoire I Warn You est un morceau que Flo a amené avec des riffs qu'il avait composés quand il jouait dans un autre groupe et s'est dit que ça ne leur correspondait pas. Quand il a écouté mes premières compos il s'est dit que ça collait bien. 

8- Vous avez aussi une approche critique de certains sujets qui vous sont chers, lié justement à cette deuxième partie. Notamment les dérives qu’il peut y avoir d’une cause engagée vers du n’importe quoi. C’est ce à quoi me fait penser justement le titre ‘Passion vs Fashion’. Que porte vraiment ce titre dans son ADN ?

Il s'agit d'un constat de vieux)). Didier va arriver à 40 ans de carrière dans la scène metal et HC et moi 35. On a vu beaucoup de monde faire des passages éclairs avec un besoin de reconnaissance rapide. On arbore toute la panoplie et 3 ou 5 ans plus tard, on switche et se met à jouer les anciens combattants auprès des plus jeunes. Bref, peu de sincérité et un esprit plus proche du jet setter qu'autre chose. Pour notre part la passion nous anime car il n'y a rien à gagner dans l'affaire et il a fallu faire preuve de beaucoup de ténacité pour franchir tous les obstacles qu'on a pu rencontrer.

9- ‘Blinded by cruelty’ me semble être le titre qui touche vraiment le véganisme, qui est votre mode de vie inscrit dans ce qui vous êtes. Pouvez-vous nous parler de ce titre et développer son lien avec l’album, mais aussi de son implication ?

Ce titre est particulier dans la mesure où il figure sur notre premier MCD de 99 A Light to Purify. C'est la première fois qu'on décide sur le tard de ré enregistrer un morceau qui a toujours figuré sur notre set list. Il a toujours bien fonctionné en concert et on a constaté (sans que ce soit calculé car on a pris cette décision assez tardivement) qu'il se fondait parfaitement dans cet album. C'est un bon signe car ça a toujours été notre morceau emblématique. 

10- Même si l’album en lui-même est assez brut, il y a le dernier titre, un instrumental (Awakening of consciouiness’) qui ouvre une porte vers l’espoir. Etait-ce important pour vous de finir sur une note plus optimiste, la tonalité de l’album étant assez sombre ?

On voulait finir en douceur après la déferlante. C'est Flo qui a fait cet instru très réussi qui offre une sortie tranquille. 

11- Quels sont les retours que vous avez sur cet album ?

Ils sont unanimes et très bons. On sait quand on est en stud (et même avant) si ce qu'on a composé tient la route. Heureusement que Flo m'a rejoint sur le processus de composition et qu'on savait où on allait car les péripéties (notamment avec les batteurs) ont été nombreuses. On y a cru et quand Rudy d'Explicit Silence nous a sorti du sable en amenant cette batterie qui colle à la perfection et sonne comme ce qu'on avait en tête, tout s'est enclenché et on n'avait plus de doute sur le fait de faire notre meilleur album.

12- Comment voyez-vous ces 25 années avec Primal Age ? Pensiez-vous avoir une carrière aussi longue à vos débuts ?

C'est même un peu plus que ça, mais franchement non on n'aurait jamais pu imaginer ça. C'est encore une fois beaucoup de passion et de ténacité, mais il faut aussi réussir à capter un public, sinon l'aventure aurait été finie depuis longtemps. On a beaucoup de gratitude par rapport à ça et d'humilité car on sait que l'équilibre reste fragile et que des "modes musicales" peuvent de reléguer au rang de dinosaure. Donc il faut aussi une part de chance pour faire les bonnes rencontres. 

13- Primal Age a-t-il évolué avec le gain de maturité et les expériences de vie ?

J'espère)). Entre 20 et 50 ans j'espère qu'on a su tirer des enseignements. En même temps on est amené à jouer avec des plus jeunes, notamment Ben qui n'était pas né quand on a commencé, donc on essaie de faire profiter de cette longue expérience. Mais clairement on a su évoluer puisque sur ce projet on a été meilleur à tous les postes.

14- Avez-vous des projets de concerts (suivant les contraintes) pour les mois à venir ?

A priori pas avant novembre et on commence à caler surtout sur 2022 (et même 2023). C'est triste et frustrant de rester à la maison car ça nous démange sévère de reprendre la route et aller partager cet album, mais bon... on sait qu'on va avoir de bons moments à vivre encore à travers notre musique.

15- Quelles implications a Primal Age, au niveau de vos engagements qui vous animent ? Et comment en tant qu’individus injectez vous de vous dans Primal Age ?

Chacun est libre au sein du groupe de vivre comme il l'entend. Donc la démarche est propre à chacun. La passion pour cette musique nous réunit et chacun amène ce qu'il peut au groupe en fonction de ses compétences. On fait beaucoup par nous-mêmes donc on essaie de réunir tous les ingrédients nécessaires au bon fonctionnement de PxA. 

16- Merci à vous d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Je vous laisse conclure comme vous le souhaitez !

A l'heure actuelle, on veut juste jouer, jouer et jouer. On a l'équipe au complet et un album dont on va jouer un max de titres sur les prochains sets, ce qui est une première. Donc on espère vous retrouver tous au plus vite. Merci à toi pour ton soutien.
Vous pouvez nous suivre içi