

MARGOTH 5
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Pluie Cessera est un jeune groupe d'émo / screamo fraichement formé (en terme de temporalité) qui m'a conctaté pour leur premier Ep (chronique ici: https://margothpdf.wixsite.com/margothpdf/coin-des-chroniques-1/we've-been-alone). Comprendre un peu ce genre que je ne connais pas vraiment et approfondir la vision du groupe a débouché sur cette interview. (Benoit)
1- Bonjour à vous ! Comment ça va ? On va commencer tranquillement en narrant l’histoire de Pluie Cessera.
Salut ! Ça va bien, merci. On est content·es de pouvoir parler un peu de ce qu’on fait !
Pluie Cessera est né à l’initiative de Chloé (chant) et Ronan (guitare), qui sont ami·es de longue date et qui avaient envie de monter un groupe ensemble. Chloé a ensuite rencontré Emma (guitare) et Flo (batterie) grâce aux ateliers “Salut les Zikettes”, des ateliers d’empowerment musicaux en non-mixité choisie à Paris. Et c’est en allant à des concerts que Chloé et Ronan ont fait la connaissance de Robin, qui a rejoint le groupe à la basse.
Pour pas mal d’entre nous, c’était une première vraie expérience de groupe, avec ses tâtonnements, ses doutes, ses petites galères… Mais c’est aussi ce qui fait qu’on est hyper fier·es aujourd’hui d’avoir réussi à sortir quelque chose, ensemble.
2- D’ailleurs, puisque l’on y est, le nom de Pluie Cessera est-il lié à l’espoir et de manière plus détaillée, que représente-t-il ?
À la base, “Pluie Cessera”, c’est juste une phrase que Ronan et Chloé ont vue sur le widget météo de Windows et ça les a fait rire. Iels se sont dit que ça ferait un super nom, surtout pour un groupe emo : tout ce qu’il faut de drama et de poésie combinés.
La formule a quand même du sens pour nous : il y a eu assez vite cette envie de laisser une place à l’espoir dans ce qu’on fait. On aborde parfois des choses sombres, des émotions lourdes, mais sans jamais perdre de vue qu’il y a toujours une lumière quelque part, un moment où “la pluie cesse”.
3- Vous naviguez dans l’émo / screamo, un style que je ne connais pas vraiment, loin de que j’écoute (mes amours premiers étant le grind et ses dérivés et pas mal de metal extrême). Pouvez-vous présenter cet univers musical, ses codes, ses thématiques… ?
L’émo, c’est un univers super vaste aujourd’hui, avec plein de sous-genres et de ramifications différentes. Musicalement, ça peut aller d’un son très mélodique et lumineux à quelque chose de beaucoup plus intense, voire brutal, comme le screamo ou l’emoviolence.
Mais au-delà des formes, ce qui relie un peu tout ça, c’est l’importance donnée à l’émotion. L’idée, c’est de proposer des morceaux qui sont vraiment intenses sur le plan émotionnel, sans chercher à lisser ou à cacher ce qu’on ressent. C’est pas forcément une musique “dépressive”, c’est plus une manière d’assumer pleinement des émotions souvent tues.
Et pour nous, ça a aussi une dimension politique. Parce que rendre visible un mal-être, c’est aussi pointer du doigt ce qui, dans la société, le provoque. On trouve que cette scène évolue dans ce sens-là : elle gagne en inclusivité, avec des groupes qui construisent une esthétique punk, DIY, ou queer, ou en tout cas qui remettent en cause les postures virilistes ou élitistes qu’on peut retrouver ailleurs. Cet aspect-là nous tient vraiment à cœur : l’émo, c’est autant une esthétique qu’une manière d’exister autrement, de créer un espace plus bienveillant et sincère.
4- Votre Ep joue sur l’idée de clair / obscur, mélancolie / espoir. Est-ce un fait voulu, déterminé à l’avance ou est-ce venu lors de la création des titres, d’un besoin émergent ?
C’était clairement une envie consciente dès le départ. On ne voulait pas faire un EP purement déprimant, ni s’enfermer dans quelque chose de trop lourd émotionnellement. Une référence qu’on citait souvent pendant la composition, c’était Reminders de Touché Amoré. Sans prétendre qu’on atteint ce niveau-là, on aimait beaucoup cette manière qu’ils ont de parler de douleur ou de perte tout en gardant une forme d’élan, une ouverture vers quelque chose de plus lumineux.
C’est un peu ce qu’on a voulu faire à notre échelle : ne pas nier la mélancolie ou le mal-être, mais chercher ce qui permet d’en sortir, ce qui relie, ce qui soigne. Il y a souvent cette idée qui revient dans nos morceaux : “ça va mal, mais on est ensemble”.
5- Quels sont les thèmes que vous abordez dans votre Ep et sont-ils les prémices de ce qui va venir, ouvrant une porte sur un domaine particulier ou serez-vous plus sur l’actualité au moment de la création de titres ?
Les morceaux de cet EP abordent surtout des thèmes très personnels : des traumas individuels ou familiaux, le deuil, la nostalgie… Mais ils parlent aussi de la fin de la solitude, de la manière dont le collectif peut aider à surmonter ces peines et ces douleurs, et du réconfort que l’on peut trouver dans l’amour et le soutien qu’on se porte les un·es aux autres.
On ne réfléchit pas trop aux thèmes à l’avance, ça se construit plutôt de manière spontanée, selon ce que le morceau inspire et la direction qu’il prend. Pour cet EP, il n’y avait pas de plan pré-établi, et on a plutôt l’impression de découvrir en même temps que l’on compose ce que notre musique peut devenir.
Peut-être que la suite suivra cette même ligne, peut-être qu’elle nous emmènera vers d’autres horizons : c’est encore un peu trop tôt pour le dire !
6- Est-ce que l’emo / screamo est un genre qui laisse plus facilement apparaître un côté personnel, autobiographique, qui ressort sur certains titres, peut-être une mécanique nécessaire au style ?
Oui, fatalement, comme c’est une musique centrée sur l’émotion, il y a forcément une part de vécu personnel qui s’y glisse. On s’appuie souvent sur nos propres expériences, nos ressentis, même si ce n’est pas toujours de manière directe ou autobiographique.
Mais tout ce qui part du personnel dans l’émo, tend aussi vers le collectif. On cherche finalement à transformer une expérience individuelle en quelque chose de partagé, de reconnu. Et c’est là que ça devient politique aussi : dans cette idée qu’on n’est pas seul·es à ressentir, à lutter, à chercher du sens.
7- Etes-vous représentatif du genre ou plus à la marge, avec une approche plus singulière ?
On pense qu’il y a une certaine originalité dans ce qu’on fait, au moins sur le plan musical et stylistique. Déjà parce qu’on n’est pas des “expert·es” de l’émo ou du screamo. Notre son s’est construit un peu de manière instinctive, à partir de ce que chacun·e apportait.
On vient tou·tes d’horizons musicaux assez différents, avec des influences variées, parfois assez éloignées de l’émo. Et c’est sans doute ça qui fait notre singularité : on a mélangé nos sensibilités, nos manières de jouer, nos références, sans chercher à coller à un modèle précis.
Ça donne quelque chose qui, on l’espère, reste sincère et identifiable, même si c’est peut-être un peu à la marge des codes du genre.
8- Quelles sont vos références et quels conseils d’écoutes suggérez-vous ?
Nos références principales sont probablement La Dispute et Touché Amoré, autant pour leur intensité que leur capacité à bâtir des ponts entre douleur et espoir. Parmi les groupes qu’on a pu découvrir ces derniers temps, on peut aussi citer L’Idylle, qui nous a beaucoup touché, dans un registre emoviolence cette fois-ci.
9- Quel est le déclencheur qui vous a poussé à faire de la musique et vous exprimer à travers elle ?
C’est difficile de répondre de manière collective, mais ce qui est sûr, c’est qu’on avait d’abord tous et toutes envie de faire de la musique, tout en ne se sentant pas forcément autorisé·es à le faire. Le milieu musical peut être assez élitiste et intimidant, et il y avait clairement un enjeu à s’autoriser à créer, mais aussi à trouver des personnes avec un vécu ou une sensibilité proches.
Chacun·e d’entre nous, à des degrés et pour des raisons différentes, a ressenti un complexe de légitimité ou un syndrome de l’imposteur en se lançant dans ce processus. Ça a beaucoup marqué notre manière de créer et de construire notre collectif. Aujourd’hui, on progresse petit à petit là-dessus et on gagne progressivement en confiance.
10- Comment est reçu votre Ep, aussi bien dans les sphères emo / screamo que dans les sphères de styles différents ?
C’est toujours un peu difficile de parler à la place des gens, mais d’après les retours qu’on reçoit, on a l’impression que l’EP a été très bien accueilli, et ça nous touche beaucoup. On a eu la chance d’être bien reçu·es par la scène, avec des retours bienveillants et des sollicitations vraiment chouettes. Pour un premier projet, on ne pouvait pas espérer mieux, et on est très reconnaissant·es de ça.
On a aussi remarqué que l’EP semblait assez accessible pour des personnes qui ne viennent pas forcément de cette scène. Peut-être justement parce que nous-mêmes, on n’en est pas des “produits” à 100 %, et qu’on y a mis des influences un peu différentes.
11- Vous verriez-vous faire un split avec un groupe ou artiste dans un style radicalement différent, tant que celui-ci ait un point commun thématique ?
Pour être honnêtes, on n’y a jamais vraiment réfléchi. Mais si l’occasion se présentait et que le projet nous inspirait, pourquoi pas ? On est assez ouvert·es à l’idée de collaborations, tant qu’elles font sens sur le plan humain ou thématique.
12- Est-ce simple pour un jeune groupe d’émerger tandis l’usage des réseaux et technologies de communication actuelle est essentielle ? Etes-vous ancrés dans l’époque ou avez-vous, quelque part, l’envie de pouvoir vivre l’expérience « d’avant », avec ce que ça implique de difficultés mais aussi d’un charme oublié ?
On est clairement des usager·es des réseaux sociaux, et surtout d’Instagram, qui est notre principal canal de communication. Et honnêtement, ça nous convient plutôt bien. C’est un format très visuel, et on a trouvé une esthétique à développer : quelque chose d’un peu nostalgique, faussement naïf, avec des couleurs lumineuses qui viennent contrebalancer les thématiques parfois plus sombres de nos morceaux. On a essayé de faire en sorte qu’il y ait une vraie cohérence entre la musique et l’image.
Après, on n’est pas non plus du genre à courir derrière les trends ou à produire des tonnes de reels ou de contenus calibrés. On essaie de rester sincères dans notre manière d’exister sur les réseaux, sans que ça devienne une contrainte. Donc non, on n’est pas nostalgiques d’une “époque d’avant”, mais on essaie de garder un rapport simple et authentique à tout ça.
13- Que faites-vous à côté du groupe (métier, hobbies, soyons fou!) et s’inscrivent-ils dans la musique ou sont-ils liés à elle d’une manière ou d’une autre ?
À côté du groupe, on fait plein de choses assez variées. Flo est bijoutière, elle fabrique ses propres créations sous la marque Panik Bijoux et elle mixe aussi parfois. Chloé édite des zines collaboratifs sous le nom de Rue Poule Zines. Emma travaille dans la vidéo, en réalisant des clips ou en filmant des live sessions. Ronan a aussi un autre projet musical en gestation, dans une vibe plutôt midwest emo (c’est-à-dire, avec des influences math rock, à la manière d’American Football). Quant à Robin, il joue dans un autre groupe, Anitya, qui évolue entre grunge et post-hardcore.
Toutes ces activités ne sont pas forcément directement liées à Pluie Cessera, mais elles nourrissent notre univers et notre créativité, et viennent souvent enrichir notre manière de penser et de vivre la musique.
14- Quels sont les projets dans les mois à venir ?
Dans les mois à venir, notre priorité est avant tout de défendre cet EP et de le faire découvrir au plus grand nombre. On a envie de jouer un maximum de concerts, que ce soit près de chez nous ou plus loin, pour partager cette musique en live et créer ces moments de connexion avec le public.
En parallèle, on souhaite prendre le temps de composer tranquillement, sans pression de résultat. Jusqu’à la sortie de l’EP, beaucoup de notre énergie a été concentrée sur sa création et tout le travail que ça implique. Maintenant, on a vraiment envie de retrouver un rythme plus libre, d’expérimenter et de construire la suite de manière plus détendue et inspirée.
15- Merci d’avoir pris le temps de répondre à mes quelques questions ! A vous de clôturez cette entrevue !
Merci beaucoup pour cette interview, ça a été vraiment intéressant de pouvoir revenir sur tous ces éléments !
Et pour conclure, peut-être qu’on aurait envie d’encourager les gens à créer des machins, les partager avec les autres, voire en créer à plusieurs et se laisser porter par ces moments. On espère qu’à travers tous ces échanges et ces partages, chacun·e pourra trouver des ressources pour aller mieux et contribuer à construire un demain un peu meilleur.
On souhaite aussi réitérer notre soutien au peuple palestinien, et à toustes les minorités, où qu’elles soient.