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Suite au contact de Thomas qui me permis la découverte des enfants de Dagon et de la claque que je me suis pris, il y a eut forcément la chronique de l'album 'De profondis'. Un concept profond, efficace et qui rejoint clairement certains de mes centres d'intérêts. Plusieurs écoutes faites avec le même plaisir et à chaque fois la découverte de nouveaux aspects, et cette descente en enfer du protagoniste de l'histoire. Il est clair qu'il était utile de creuser plus loin avec le groupe sur le concept. Ainsi, Thomas (guitare), Laurent (chant) et Céline (chant) ont répondu à mes questions. Préparez vous une boisson chaude et un ou deux biscuits car c'est dense!

1- Bonjour à vous ! Comment allez-vous ? Bon, on va commencer dans le calme et la volupté avec la narration de l’historique du groupe, avec un thé et des biscuits (parce que ça va être long).

Laurent : Nous allons tous bien et nous sommes heureux de pouvoir prendre le temps de répondre à tes questions, nous tenions à te remercier car ce genre d’interview est un peu une madeleine de Proust pour nous (on reste dans les délicieusetées sucrées), nous avions tous une idée d’une interview rêvée et tu nous donnes occasion de vivre ce type de moment...merci !
Les Enfants de Dagon est né en 2019, et, à l'initiative du projet, Thomas notre guitariste qui a pensé à Dagon et à Innsmouth, il est venu me parler de chansons qu'il était en train d'écrire, à l'époque il avait la structure de "the shadows over Innsmouth" et le début de "Haunted Relic", je sentais qu'il voulait faire un truc d'envergure, on travaillait souvent ensemble musicalement pour nos projets respectifs (c'est un bon ingénieur du son aussi), je lui ai dit qu'on pouvait écrire une histoire sur l'intégralité de l'album avec un personnage principal et peut être même sur plusieurs, il m'a laissé carte blanche sur l'histoire, au fur et à mesure que le storyboard naissait, çà nourrissait aussi ses idées de compos et inversement…A la base de l’alchimie, ce sont ses notes sur mes mots et mes maux sur ces notes...

2- Pour ceux qui connaissent l’œuvre de Lovecraft et l’excellent film Dagon (Stuart Gordon), il est simple de faire un parallèle avec le nom du groupe. Mais pour les autres, pouvez-vous le situer et expliquer un peu la genèse du nom ?

Laurent : à l’origine du nom du groupe, nous voulions un nom en français parce que la musicalité des mots nous plaisait plus dans notre langue maternelle que « children of Dagon » qui sonnait comme un titre de heavy metal de 70’s, nous voulions aussi accentuer la notion de groupe et de troupe car nous sommes 12 en tout dans la troupe des LED, deux guitares deux chanteurs un bassiste un batteur un clavier une violoncelle un ingénieur son un ingénieur lumière une maquilleuse et un gardien du temps qui nous anime en loges pour être dans le timing, ce qui est parfois compliqué.
Le nom sonne comme un ordre religieux, un rassemblement d’occultistes voués au seigneur Dagon, c’est une notion phare dans notre narration également et nous reprenons ainsi un thème majeur du maître de Providence en révérence des notions de sectes qui parcourent son œuvre

3- Avant d’explorer plus en profondeur l’univers du groupe et la musique, pouvez-vous donner expliquer le concept qui tourne autour, celui-ci ne se bornant pas qu’à la musique mais s’alliant à la littérature ?

Laurent : L'idée qui nourrit notre concept est basée sur un triptyque alliant plusieurs dimensions de « l’art », la musique en premier car il s’agit là de notre premier vecteur de prosélytisme, ensuite la littérature qui est venue très rapidement, car, en s'inspirant de l'univers de HPL, nous avons été percuté par l'idée qu'il fallait écrire plus que des paroles pour que notre histoire ait l'envergure que l'on souhaitait donner au projet, nous sommes donc partis sur une répartition Album-roman-album-roman-album, nous en sommes au démarrage de notre aventure avec le roman "sous ses profondeurs" et notre premier album "de profundis". Enfin la dimension visuelle avec les spectacles scéniques, les divers éléments graphiques qui gravitent autour de nous comme notre logo ou nos illustrations qui animent en images nos chansons.


4- Vous vous inspirez en partie de l’œuvre de Lovecraft (notamment des segments évoquant Dagon) et de la base du film Dagon, créant des liens. Mais vous prenez une autre voie, déjà dans le choix du prêtre Pierre Duval, ce qui vous permet de tracer une trame différente, notamment dans la rencontre du culte et les évènements induits.
a) Comment en êtes-vous arrivés à cette idée ?

Laurent : La première chose que nous souhaitions était d’écrire sur un personnage et son cheminement dans la cité portuaire d’Innsmouth, il est important pour notre premier arc narratif de suivre le destin d’un homme qui ne devrait pas être « désarçonner » ou sombrer facilement, nous avons décidé de prendre un prêtre aumônier qui a déjà vécu ce que l’homme est capable de faire de pire : une guerre mondiale, il a été avec ceux qui sont tombés dans les tranchées de France. Il nous fallait un authentique homme pieux, jésuite, convaincu et convaincant. Dans un second temps, nous allons voulu lui donner une substance supplémentaire en en faisant un prêtre français, c’est essentiel pour nous car nous voulions utiliser notre langue maternelle à certains moments des textes et que nous avions une raison factuelle qu’une personne à Innsmouth parle Français et enfin, il devait aussi être fracturé, sa double origine père américain qu’il n’a pas connu et sa mère française nous donnait de la matière pour étayer notre propos.

b) Aviez vous déjà une idée du cheminement que prend l’album, notamment dans les aspects plus sombres ?

Laurent : Oui le texte du premier arc narratif a été écrit avant que l’ensemble des chansons ne soient terminées, sa mise en abîme, sa « descente aux enfers » et ce côté tragédie grecque ont été voulus dès le départ. Cela ne pouvait pas se passer autrement à Innsmouth, nous voulions explorer les aspects sombres de plusieurs noirceurs, la cité, le conflit du personnage, sa foi, les croyances des villageois, la présence insondable du seigneur Dagon… Thomas a souhaité avoir le fil complet de l’histoire avant de proposer à la troupe que chacun ne mette des notes plus personnelles sur sa « maquette ».

c) Faites vous ainsi coexister deux réalités différentes au sein du même espace temporel (car mine de rien, il y a une notion diffuse dans l’album et nette dans l’œuvre de Lovecraft) ?

Laurent : Exactement, c’est une volonté qu’elle soit plus diffuse sur l’album, nous avons aussi choisi un homme d’église pour cette raison, il y a quelque chose d’irrationnel dans la foi, de croire de tout son être qu’une entité supérieure existe, Pierre Duval notre personnage principal n’est pas si éloigné des préoccupations de villageois dans l’intention. Dans le roman, la notion de deux réalités est plus nette car l’action est portée par des hommes de raison, notre lieutenant, Philipp Wohard, le héros, est un individu avec une belle intelligence déductive, le fossé avec Innsmouth est plus large et ne sera comblé qu’en fin du texte.

5- A la manière des romans de Lovecraft ou du film, vous glissez progressivement une part horrifique, reposant elle aussi sur l’atmosphère (faisant un lien entre l’album, l’œuvre et le film et créant par essence une extension de l’univers). Le voyez-vous comme un élément indispensable et celui-ci peut-il aussi revêtir un autre aspect, plus singulier ?

Laurent : Tout à fait nous voulions que le récit glisse lentement et subrepticement vers une face sombre de la narration, nous sommes avant tout des fans de métal, de littératures et de films fantastiques, nous souhaitions l’intensité du mal, de la folie et de la chute inexorable dans la musique et le texte mais en même temps et de concert, l’horreur est là dès les premières notes et les premiers mots avec la brume qui noies tout autour de Pierre, il s’agit plus d’une modélisation différente de l’horreur au fil des chansons.

6- La trame narrative est intéressante. Car vous amenez différents aspects (incluant l’explosion du quatrième mur, impliquant l’auditeur) pour mieux glissez progressivement dans l’horreur et la folie (celle du culte mais aussi celle du prêtre). Est-ce facile de créer cet aspect, tout en gardant la cohérence et d’arriver à structurer le tout de manière logique, malgré l’aspect folie qui va dominer progressivement ?

Laurent : Dès la création du récit et du personnage du prêtre, nous savions qu’il sombrerait dans la folie au final, ne l’était-il pas déjà avant d’arriver à Innsmouth avec son vécu et sa foi catholique. Pour nous, c’est le personnage qui crée naturellement cette cohérence, nous suivons la dégradation de sa santé mentale. La troupe a extraordinairement bien traduit cela en musique et cette adéquation des mots et des sons a fait le reste. Quand au quatrième mur, nous voulions que l’auditeur sente les odeurs putrides de dégénérés, la moiteur insoutenable de la brume, l’ambiance malsain qui règne à Innsmouth et la puissance incommensurable qui se dégage de Dagon, fracturer le fin voile avec l’auditeur est une des meilleurs moyens de faire venir à nous de nouveaux disciples.

7- Ce qui est aussi intéressant, c’est que vous abordez des thèmes ésotériques, en même temps qu’apparaît un blasphème (via entre autre par les paroles du prêtre en français qui doute de l’existence du dieu catholique, le chant liturgique sur Facing Darkness). Peut-on y voir un lien de la vision des cultes, qui sort du cadre strict de la musique, pour regarder notre réalité et le rapport à dieu d’une partie de la population ?

Laurent : La foi est d’actualité depuis plusieurs milliers d’années pour l’humanité, nous avons crée des panthéons de dieux multiples biens ou malveillants, élémentaires ou conceptuels puis nous les avons brisé au profit de Dieu unique omniscient et omnipotent dont les desseins sont insondables et paraissent très tourmentés aux yeux de pragmatiques sibyllins, nous vivons une période de questionnement, peut être le dernier questionnement qui reste à l’homme, trop subjugué par la consommation, l’envie et les écrans bêtifiants. Nous pouvions y voir effectivement un certain prisme avec des fanatismes divers qui grondent dans notre monde actuel, les cultes officiels ou officieux fonctionnement finalement de la même façon, il n’existe que par leurs fidèles. Nous ne dressons plus de statues d’Osiris parce que nous ne sommes plus assez nombreux à y croire. Cette dimension est rampante dans l’album, nous y racontons finalement la confrontation entre deux Fois, la religion chrétienne de Pierre Duval et le culte de l’ordre ésotérique de Dagon.

8- Je ne peux pas ne pas faire le lien que j’évoquais dans ma chronique avec deux aspects importants qui apparaissent : la psychologie et la philosophie, deux points qui sont au cœur de l’univers de Lovecraft (et en partie lié à sa personnalité et son état psychologique).
a) L’aspect psychologique marque aussi bien l’emprise du culte, la folie du prêtre mais aussi une chose plus abstraite, dont un possible lien avec notre réalité. Est-ce le cas et si oui, à quel point descendez dans les abysses de ce domaine ?

Laurent : l’aspect psychologique est important dès lors que nous nous employons à décrire avec un peu de finesse la chute mentale puis physique d’un homme de foi. Toutefois, nous ne voulions pas que le personnage principal se recroqueville sur lui même et sur sa haine de l’autre comme l’a fait HPL, la nature de base du prêtre est bénéfique, la contamination de sa psyché par la folie née des découvertes incompréhensibles qu’il fait à Innsmouth le conduise à son état final, il cède aux sirènes du mal.
b) L’aspect philosophique est-il plus quelque chose comme une partie d’une entité (liant le prêtre, le culte et Dagon) en même temps qu’une sorte d’arc qui ouvre finalement les portes (on retrouve un appel dans Facing Darkness part II) de votre univers ?
Laurent ; Effectivement, c’est une de nos volontés que de travailler sur des thèmes de philosophie, le fatalisme, la prédisposition au mal, le refus, l’abnégation, l’élévation… L’image de la porte dans facing darkness partII n’est pas très subtile mais elle illustre simplement des concepts trop compliqués à développer dans des textes dans une langue « étrangère » (l’anglais), nous l’avons résumé à la notion de passage, dès le moment où le prêtre ouvre la porte, son sort est scellé...mais il l’ouvre pour un personnage, Eleanor, qui représente la bonté dans le mal, la dualité inhérente de ce concept, l’ombre n’existe que grâce à la lumière et la lumière est plus éclatante que confronter à l’ombre.

9- Au-delà de l’histoire et de l’univers, peut-on considérer que la portée de l’album va bien plus loin que celui-ci et fait une sorte de regard / analyse de notre société (et même de sa folie), par un prisme clairement différent, rejoignant la partie philosophique (qui expliquerait en partie le côté sombre de l’album) ?

Laurent : L’album a été écrit par des contemporains de notre temps, nous vivons dans un monde qui perd pied où l’homme abandonne ce qui fait de lui un homme pour le profit, son bien être immédiat et son contentement personnel, nous rêvons secrètement d’élévation mais nous sommes dans la fange de la déchéance et la foi qui devrait nous illuminer nous plonge la tête plus profondément dans le purin de la médiocrité, alors oui notre univers sombre, malsain et désillusionné a une part charnelle avec notre monde de tous les jours.

10- La musique est aussi un élément très intéressant. Vous avez fait le choix d’un death black emplit de doom, pour apporter un côté baroque. Comment en vous est venu l’idée et est-ce un agrégat de plusieurs facettes liées avec l’œuvre de Lovecraft, l’imagination et l’imaginaire collectif ?

Thomas : Laurent et moi avons passé notre adolescence à écouter et jouer du death et du black. Pour coller à notre histoire et mixer les ambiances, nous devions avoir des styles musicaux pour chaque tableau, les émotions des différents protagonistes de notre aventure ont amené ces différentes couches musicales.

11- Même si sur le papier la musique est simple, celle-ci s’avère d’une incroyable complexité, que ce soit par les structures ou les éléments d’autres styles qui s’imbriquent à l’intérieur.
a) Cela induit une ambiance singulière, qui fait lien avec la musique baroque. Est-ce un choix qui été déjà acté ou est-ce venu lors du processus créatif ?

Thomas : Ce choix était effectivement présent lors de la genèse de l’album. Cela permettait une mise en lumière de certains passages de l’histoire et d’accentuer le ressentit des personnages par rapport aux évènements qu’ils vivent dans Innsmouth.

b) Est-ce essentiel pour vous d’immerger l’auditeur dans ce côté sombre et malsain ?

Thomas : C’est primordial pour rentrer dans notre univers et que l’auditeur parte dans notre voyage. Il est compliqué pour un auditeur de rentrer dans une histoire si la route musical qu’il prend ne colle pas à 200% à ce que le narrateur raconte. C’est pour cela que l’on s’applique à garder une cohérence note par note, au même titre que pour les visuels, pour que l’auditeur comprenne ce qu’on lui raconte.

12- Au-delà de la noirceur et de la folie qui suinte de l’album, il y a aussi un aspect onirique (clairement perverti par la nature du culte de Dagon). Quelle est la difficulté qui existe pour créer cette engeance et la rendre à la fois cohérence et la lier à l’aspect musical de base ?

Laurent : Thomas écrit les musiques sur mon histoire, on discute beaucoup des ambiances, des atmosphères et des sentiments qui passent dans les textes, cela se fait très naturellement, il a un réel talent pour mettre en son des mots, nous souhaitions qu’il y ait un aspect contemplatif et onirique souvent symbolisé par la venue de la brume qui fond en elle l’existence du culte et la présence de Dagon. En faisant un peu de teaser pour notre seconde pièce musicale, nous allons explorer plus profondément cet aspect de notre musique et forcer l’engeance avec l’apport d’un autre aspect du mythe : « les contrées des rêves ». Dans le roman, nous avons ébauché l’idée avec le chapitre cinq : songes d’une nuit, il s’agit d’un appel que nous renouvellerons dans le deuxième album.

13- Le travail sur les structures est important, ainsi que les rythmiques. Car tout ça crée une trame singulière, qui fait ressortir la folie, le côté indicible de l’horreur et ce qui gravitent autour des deux pôles. 
a) Comment s’est passé la gestion de ces éléments et leur imbrication, à la fois dans le concept (pour la cohérence) et en même temps pour l’atmosphère de l’album ?

Laurent : Comme je te le disais, Thomas travaille la musique sur les intentions de l’histoire, le storyboard de la narration du premier album a été écrit dès les premiers temps de l’existence des Enfants de Dagon. Le plus difficile a été d’être cohérent sans être répétitif mais Thomas a réussi un tour de force en montant graduellement l’intensité des chansons, l’aspect compact de la musique et à développer la folie du riff en même temps que notre prêtre plongeait en elle.

b) Le choix d’imposer une lourdeur qui s’appuie sur le doom est-elle un moyen de faire un  lien à la fois avec l’ambiance poisseuse, le côté sombre mais aussi l’immense monstruosité de Dagon ?

Laurent : Nous sommes plus fan d’Old school en Death et en Black, les gravity blast et tous ses trucs tech sont arrivés après notre initiation aux arcanes du métal, nous n’avions pas le sentiment que cette approche du toujours plus rapide que le voisin était intéressante dans le cadre des enfants de Dagon et effectivement l’ambiance que nous voulions pour Innsmouth, poisseuse, malsaine et transfigurante se mariait avec un mouvement plus lourd. Dans notre représentation de Dagon, Il est immense, posé, oppressant, écrasant même à l’image des Grands anciens, l’utilisation d’un « style » plus doom apportait cette touche que nous souhaitons amener à l’histoire, les choses arrivent inexorablement, la fuite n’est pas une issue…

c) Et du coup, est-ce un moyen d’amener dès le début la présence de Dagon mais sans le mentionner ?

Laurent : Exactement, la lourdeur, la brume, certains claviers, certaines voix de « sirènes » de Céline sont autant de rappels de la présence omnipotente du seigneur Dagon. En vue de simplifier cette approche, nous avons également fait de la « pédagogie » lors d’un monologue de la divinité dans Fallen Angel, il « avoue » à Pierre Duval qu’il le regarde depuis sa première respiration à Innsmouth. Cela permet d’avoir une nouvelle lecture de l’album en se disant : il est là depuis la première note, le premier mot et le premier souffle, le groupe a-t-il laissé des « Easter egg » tout au long des chansons ?

14- Du coup, j’en reviens à l’histoire : ne serait-ce pas un appel de Dagon au prêtre, déjà choisi avant même son arrivée et d’où l’incarnation par cette lourdeur ?

Laurent : Tu es la première personne à avoir perçu cette dimension, dès la première chanson, Dagon est en présence onirique dans la Brume, il a su dès la première respiration du prêtre à Innsmouth qu’il serait avec lui pour consolider son culte. Il a tout ce que Dagon recherche pour sa secte du charisme, une vrai foi posée sur un terreau livresque, une expérience de la guerre et là je te livre un teaser sur le troisième album, ce passé d’aumônier dans les tranchées va lui servir !

15- D’ailleurs, l’atmosphère revêt plusieurs formes. 
a) Est-ce là aussi lié au concept ou avez-vous choisi d’explorer cette voie, qui vous ouvre des perspectives intéressantes ?

Laurent : C’était un choix volontaire, cela nous permet d’être varié, nous avons toujours l’appréhension de nous répéter, cela nous challengeait pour aller de l’avant, creuser plus les émotions des personnages et mettre à profit ses énergies pour coordonner la musique.

b) L’atmosphère repose aussi sur les sonorités et les tonalités. Comment avez-vous intégrer ces notions au concept et n’auraient-elles pas une espèce de personnalisation d’une entité ?

Laurent : Dès le début du projet, nous voulions que les sons personnalisent des émotions et au résultat final avec la présence de Dagon en influence sur l’album, les certaines sonorités et certaines    tonalités ont été mis en exergue à dessein. Nous avons peut-être poussés parfois le curseur loin et en forçant le trait, le côté très feutré de la brume pour suggérer dès « shadows » et le caractère martial de la fin de Fallen angel nous ont permis de marquer le niveau de présence de la divinité.

16- Il est impossible de faire l’impasse sur les chants. Ils sont deux, très différents (et complémentaire pour le coup puisque recoupant les aspects évoqués). Avant de creuser un peu ce point, les deux chants sont-ils un moyen d’offrir une polarisation des aspects, en même temps que poser une ambiance singulière ?

Laurent : Les voix sont aussi un instrument pour faire passer des émotions des couleurs et des intentions. En écrivant un album de musique extrême et en ayant la chance de compter parmi nous une chanteuse comme Céline qui est capable de varier en intensité, en hauteur et même en style de la variété à l’opéra, nous avons fait le choix que la voix growl devait aussi suivre cette pluralité pour coller en plus aux émotions que vivent les personnages de l’album De Profundis. Les voix sont là pour créer de la polarité et des volontés différentes sur certains titres et parfois se rejoignent, se doublent et se marient pour renforcer le propos.

17- Les deux chants ont-ils été trouvés facilement ou est-ce un aspect qui a été sans doute le plus délicat ?

Laurent : Dès la création des Enfants de Dagon, nous avons acté qu’il y aurait plusieurs voix, je ne voulais pas chanter tout de la même façon, le spectre des styles de growl me permet aussi de faire passer de la justesse sans chanter juste comme le ferait un chanteur en voix « clair ». Ce qui a été le plus délicat, çà a été de mettre la bonne voix growl au bon moment.

Céline : Les chants se sont posés assez intuitivement, en harmonie avec l’histoire des personnages, de l’ambiance mystique et horrifique et de la musique. Avec Laurent on se connaît bien, on se comprend et surtout, on se fait confiance. C’est primordial dans un projet créatif et participatif comme le notre. On sait qu’on peut librement s’essayer à des lignes de chant de tous types, de narrations voire même de bruitages comme les râles sur Fallen Angel par exemple. No limits :)

18- Céline, tu apportes un chant lyrique (ce genre de chant me sidère toujours), qui apporte un angle singulier. Alors question à tiroirs pour toi !

a) Comment en es-tu venu à ce chant et as-tu suivi un cursus ou des cours spécifiques ?

Céline : J’aime toutes les voix, à travers les époques. Pour moi, l’Homme porte en lui l’histoire de l’évolution de la voix, tant sur le plan physique qu’émotionnel. La voix me fascine. Elle est vibrante, et je suis convaincue qu’elle agit sur nos sens.  Sur ce premier album, je souhaitais aussi réaliser un de mes rêves : m’essayer en tant que chanteuse lyrique. Je n’ai suivi aucun cursus musical, seulement quelques cours, notamment avant le studio pour me sentir plus… sûre de moi. Ma timidité, est aussi forte que ma passion pour le chant, quel qu’il soit. La bienveillance des amis et membres du groupe m’a permis de faire naître ce projet génial. Merci.

b) Il y a aussi une dimension plus désuète qui apparaît parfois (hop, indice de temporalité dans le concept) notamment par l’altération du son (le côté vieux disques de cire). Est-ce un élément qui a été intégré collégialement ou est-ce une vision que tu as, qui a été intégrée ?

Céline : Avec Thomas, qui compose principalement, on échange toujours sur les effets de distorsions de voix. Tu parles d’Haunted Relic, en effet, finir avec une voix grésillante, comme pluvieuse, bruineuse, venteuse…reflète bien le paysage côtier d’Innsmouth et se marie avec les paroles en latin  (craignez la relique, méfiez vous, souvenez vous de la miséricorde divine) comme une vibration qui vous suit…partout.

c) Quelles sont tes influences (plutôt du coté de Chaostar (un des groupes hors norme que j’apprécie) ou de groupes comme Thérion, en plus sûrement d’artistes classiques plus commun) ?

Céline : C’est une question à laquelle j’ai toujours du mal à répondre. En fait tu sais, je dirais que mes influences racines sont plutôt de variété internationale, d’opéra et de rock. C’est déjà assez large en fait, car dans chaque sonorités il y a des exploits d’artistes, des athlètes de la voix et de l’interprétation. Je pense à Maria Callas, Céline Dion, Véronique Sanson, Michael Jackson, Freddy Mercury, Ozzy Osbourne notamment. Depuis, je tombe sous le charme d’artistes comme Einar Solberg (Leprous), Agnès Obel,    Brittany Howard et bien sur, Devin Townsend.

d) Ton chant amène aussi bien de l’onirisme, du sacré qu’une forme plus blasphématoire. Comment en es-tu arrivé à gérer ces aspects ?

Céline : Merci beaucoup. J’en sais rien…avec amour et mes tripes :)

e) Et surtout, comment as-tu rejoint le groupe et as-tu un passif lié à des univers artistiques sombres ou singuliers ou non, du tout ?

Céline : Le groupe, c’est avant tout une aventure vivante entre amis, certains de plus de 20 ans, d’autres plus récents, et c’est cool. Avec Laurent et Thomas on avait joué il y a quelques années ensemble dans un groupe rock métal, ELEANOR. LED, c’est mon premier groupe de musique, mes premières scènes. Quand Thomas et Laurent m’ont parlé de leurs idées j’étais super emballée! J’ai tout de suite aimé le concept énorme musico-littéraire et je les ai encouragé. Un soir, Thomas me fait écouter des passages de The shadow over Innsmouth, et naturellement j’ai fredonné. Il m’a dit « Ca tombe bien que ça t’inspire, tu vas chanter ! ». J’ai écarquillé les yeux, j’avais du mal à y croire : Moi?! Je trouvais la musique trop noire pour ma voix, je ne savais pas ce que j’allais apporter. Le projet artistique m’a séduite, le compositeur aussi :)
Côté perso, le monde invisible et ses interprétations me questionnent depuis l’enfance. De la prière, à la recherche spirituelle claire ou sombre, d’engagements médiumniques bénévoles, de rites collectifs ou improvisés…Le tout en adorant comédies musicales et comiques…je pense que c’est assez singulier comme passif.

19- Laurent, tu fais fort avec ton chant. Tu oscilles entre chant clair mais surtout guttural où tu navigues dans des méandres, souvent impressionnant.
a) Comment conçois-tu ton chant, aussi bien dans le concept que dans la trame musicale ?

Laurent : Mon chant est là en utilité comme les autres instruments pour faire avancer la narration et se marier à notre intention, sur ce premier album, nous avons souhaité attacher les growls à des émotions et surtout les amener au fur et à mesure du récit, sur la chanson introduction « The shadows over Innsmouth » il n’y a que deux growls la voix death classique et une voix black médium qui sont plus des voix de conteur (monstrueux mais de conteur), la voix la plus basse est là pour raconter de façon plus descriptive des choses liées au mythe, la voix black la plus aiguë symbolise en général la santé mentale du prêtre et lorsque nous l’associons avec un delay il est dans la folie. Les voix en Français sont utilisés lorsque le prêtre n’est plus capable de s’exprimer en anglais parce qu’il ressent ou se souhaite dire devient trop complexe dans une langue qui n’est pas maternelle. Certaines voix plus déclamés servent à exagérer le côté liturgique.

b) Mais surtout, bordel, comment fais-tu pour descendre aussi bas dans les fréquences, parfois proches d’infra-basse ?

Laurent : merci, ce n’est pas dans une recherche de « performance » que nous avons mis cette voix et ce qui est intéressant, c’est que c’est un des types de chant sur l’album qui me demande le moins de concentration alors que j’ai une voix naturelle plus de tête (assez aiguë pour un homme), il y a aussi les miracles du studio, Mick qui nous a enregistré au Warmaudio a été capable de récupérer jusqu’à notre souffle et c’est un chant qui ne vit que du souffle.

c) Tu offres aussi une polarité de chant : tu passes du chant guttural (death black) à des chants clairs voire parfois proche du sacré. Comment gères-tu ces aspects ?

Laurent : Comme dirait Céline « Travail ! » sur cet album, la narration est posée, la même voix a souvent un paragraphe, j’ai le temps de passer d’un type de growl à un autre, nous avons voulu aussi les présenter progressivement au fil des chansons, pour le prochain album, nous avons gardé quelques types de voix pour la « surprise » mais le jeu sera de les mêler plus dynamiquement à l’intérieur de phrases.

d) Quelles sont tes influences et comment as-tu rejoint Les enfants de Dagon ?

Laurent : Mes influences sont essentiellement en metal, c’est la musique que j’écoute le plus, tout le temps depuis mon adolescence, je suis un peu le gardien du temple du Death dans le groupe. Comme je te le disais précédemment dans l’interview, je connais Tom depuis plusieurs décennies maintenant, nous avons joué ensemble dans diverses formations, je suis guitariste à la base et je suis le compositeur principal d’un groupe de Death Old School Lyonnais qui s’appelle ANKSUNAMON, Tom m’aide souvent pour maquetter des chants pour ma chanteurse Hélio (je ne fais que des chœurs dans mon groupe de Death) et un jour, alors qu’il enregistrait ma voix comme témoins sur mes riffs, il m’a demandé (à dessein je m’en rendrais compte) d’écouter des ébauches de chansons pour son projet, il me dit qu’il souhaiterais écrire sur Dagon ! Ne voyant pas le « danger » et aimant ce qu’il m’avait fait écouté, je lui dis que si il voulait je lui écris un texte pour ce qui deviendra « Shadows ». L’inspiration vient vite, je lui partages mon texte et ma vision de l’histoire, je lui dis que sa musique sera vraiment bien pour un concept album avec un récit romanesque à la King Diamond ou à la Mercyful Fate, je suis un grand fan du King ! Il est emballé par le texte que je lui envoie, çà me touche parce qu’entre nous on se parle vrai et quand l’un ou l’autre fait de la M...e, on se le dit ! Il attend un autre session d’enregistrement de mon autre groupe, on est efficace ce jour là, il nous reste du temps, il sort le texte que je lui ai écrit et me dit « tu peux me montrer comme tu l’imagine sur la musique », ces moments de partage et de sons sont toujours des instants que j’attends, je me lance, je lui dis qu’il faut plusieurs voix, qu’il serait intéressant de graduer les voix pour qu’elles expriment des émotions différentes. j’enregistre des voix types sur Shadow et à la fin il me dit « ben c’est toi le chanteur du projet !! », étant guitariste et caché derrière mon instrument dans mon autre projet, j’accepte en challenge le poste en 2019. Là nous commençons à développer le projet, j’ai beaucoup de matériels, lui également, nous sentons qu’il sera impossible de tout faire entrer dans un album si on veut poser notre style et nos atmosphères, nous décidons alors d’écrire l’arc narratif complet, qui est aussi trop important pour tenir sur « quelque » albums et nous décidons alors d’écrire sous forme de roman certains pan de l’arc. Le découpage final sera décidé album-roman-album-roman-album.

20- Quelles sont les influences du groupe, en ce qui concernent la musique ?

Laurent : le death old school je suis un fan absolu de Bolt Thrower, le black symphonique et le metal qui raconte des histoires (le king, Rapsody…)

21- Avant d’aller dans des choses plus légères, parlez nous du roman à venir (car chaque album se verra accompagné d’un roman / nouvelle). Est-ce dans le but d’offrir une extension à l’univers de votre concept en même temps que l’exploration d’une autre facette de l’œuvre de Lovecraft et de continuer à défricher un univers étendu peu exploité ?

Le premier roman « sous ces profondeurs » est sorti, nous nous sommes montés en association et en maison d’édition pour pouvoir garder les rênes de notre projet en qualité et en temporalité. Le roman s’inscrit dans notre arc narratif, c’est une partie de l’histoire mais nous avons voulu aussi qu’il se suffise à lui même il a un début et une fin, il peut se prendre de façon indépendante. Nous avons fait des recherches historiques sur l’organisation et les méthodes de la police dans les années 1920 à Boston, sur l’architecture de la ville et sur l’implantation jésuite aux Etats-Unis pour décrire une église à Innsmouth cohérente. Nous avons souhaité humblement écrret à la façon des nouvelles de Weird Tales dans lequel écrivait aussi HPL, une mélange de roman policier, fantastique, onirique parfois plus horrifique. Nous voulions que le style soit plus simple que ce que faisant Lovecraft dans l’esprit des boites d’initiation des jeux de Rôles des années 90, que le roman soit plus facile d’accès pour faire rentrer nos disciplines dans notre univers.

22- Parlez-nous un peu du concept visuel (album et live, un peu comme Skaphos) qui accompagne le groupe et qui lie la musique, le concept du groupe et l’immersion globale. 

a) Quelle est la vision qui se cache derrière et comment concevez-vous son implication dans l’emprise du groupe mais aussi de la réalité qu’il renvoie ?

Thomas : Je considère l’aspect visuel obligatoire pour que l’auditeur ou le lecteur puisse se projeter dans l’histoire que l’on veux lui raconter. Il est compliqué pour quelqu’un qui va à un concert de comprendre ce que l’on va lui raconter s’il n’a pas quelques clés /indices. D’où la mise en scène de nos concerts et les visuels de nos chansons.   

b) Peut-on parler un neuvième membre par rapport à l’univers visuel ?

Thomas : Disons que c’est une part importante de notre univers,  c’est une aide à la compréhension de l’histoire. J’en profite pour remercier Terence notre tech lumière et Myrtille notre maquilleuse pour le boulot qu’ils réalisent sur chaque live !

23- Que faites-vous à coté du groupe ? Exercez vous des métiers liés ou le groupe est-il un exutoire ?

Laurent : Nous avons tous des métiers divers et variés, certains comme Alexis qui est menuisier nous apporte leurs expertises professionnelles pour le groupe, il nous aide à créer des décors.

Céline : J’aime les arts du spectacle. A mon humble niveau, j’ai adoré dessiner et coudre, les costumes, penser le maquillage avec Myrtille, les décors de scène, la scénographie.

24- Quelles sont vos goûts musicaux, littéraires et cinématographique (car une part doit se retrouver dans le groupe) ?

Laurent : définitivement le métal et le classique en musique, les romans de HPL bien évidemment mais aussi des œuvres de Tolkien, de Doyle, de Poe (j’adore la nouvelle du corbeau) ou tout auteur qui a un univers personnel. Pour la dimension cinématographique, Georges Lucas, Peter Jackson, Christopher Gans, John Carpenter, les soeurs Brockevicth et les réalisateurs qui font fi des moyens pour présenter une œuvre originale comme par exemple Undead des Frères Spiering qui avaient trois bouts de ficelle et un budget de clip vidéo amateur te sortent un film complet avec des effets spéciaux et des idées ingénieuses et novatrices sur le genre film de zombie.

25- Comment vos proches et amis perçoivent-ils le groupe ? Comprennent-ils le concept et la musique ou même si ça leur est étranger, apportent-ils un regard extérieur intéressant ?

Thomas : Mes amis sont impliqués de prêt ou de loin au projet. Cela nous a permit d’avoir un oeil extérieur au projet. Certains amis non métalleux ont commencé par le livre et sont ensuite venu à notre musique. C’est sympa d’avoir plusieurs portes d’entrées.

Céline : Pas ma mère en tous cas lol mon père est plus rock and roll, il est fan de cette implication artistique.

26- Est-ce facile de concilier vie privée, travail et le groupe ?

Laurent : La musique est un exutoire absolument nécessaire pour nous, nos familles le comprennent et acceptent de ne pas nous voir quelques soirs car elles nous voient revenir avec le sourire. Pour le travail, il y a les congés payés ;-)

27- Le groupe représente-t-il l’essentiel de votre temps libre ou avez-vous d’autres centres d’intérêts (lié ou non) ? Voir d’autres projets musicaux ou autres ?

Laurent : Les enfants de Dagon représente une partie de mon temps, le groupe me permet de faire de la musique et d’écrire, je suis aussi dans Anksunamon dans un autre rôle musical (aka guitariste).
Céline : LED, c’est clairement beaucoup de mon temps libre. La recherche de nouvelles idées (de costumes, de maquillage FX par exemple), et de la gestion back office (réseaux, création de bougies, administratif de l’asso…).

28- Ce qui me fait penser : qui est derrière les livres à venir ?

Laurent : Je serais encore la plume des prochains textes et romans du groupe, je vais m’atteler cet été à écrire une partie du second roman, les chapitres et l’intrigue est posée, il reste le temps de mettre les mots sur le papier et puis le groupe annotera et corrigera comme pour « Sous ces profondeurs ».

29- Quels sont les retours que vous avez de l’album et celui des concerts que vous avez peut-être plus faire ?

Thomas : Les retours sont très positif, ce qui nous conforte dans les choix que l’on a fait. Les gens ont été agréablement surpris dans les concerts, grâce à l’ambiance que l’on arrive a instaurer.   

30- Quels sont les projets à venir, notamment en ce qui concerne la parution de la nouvelle à venir ?

Laurent : Nous nous devons de respecter l’ordre, il aura le second album, nous travaillons dessus actuellement, Thomas et la troupe rassemblent les idées et puis nous ferons paraître le second roman.
Céline : Laurent a raison, l’ordre est important pour la logique du déroulé de l’histoire. Nous aimerions aussi proposer le premier roman aux formats ePub et livre audio, c’est un beau projet qu’on travaille en fond avec Tom, notre super claviériste.

31- Merci de votre patience et du temps pris pour répondre aux longues questions. Je vous laisse conclure comme vous le souhaitez !

Surtout, merci à Margoth PDF d’exister et de mettre en avant la scène underground. Bienvenue dans la brume d’Innsmouth et n’oubliez pas de prier Dagon…

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