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Jiro est un groupe de metal moderne que j'ai pu découvrir par le biais de son Ep 'Elevate spirit'. Celui-ci recélant des éléments qui me questionnaient (oui, je sais, c'est incroyable), le groupe a joué le jeu de répondre à une volée de questions, dont certaines à tiroir. L'occasion du coup de creuser plus loin et de voir ce qu'il y a derrière ces 4 lettres.
Benoit
1. Salutation du lundi ! Comment allez-vous en ce riant début de semaine ? J’espère que vous êtes prêts, ça pourrait être dense. Commençons joyeusement avec un historique de JIRO !
Salut ! Merci pour l’invitation. On démarre la semaine avec la tête pleine de projets, donc on est prêts à plonger dans cette interview !
JIRO est un groupe né en 2022, des cendres d’un ancien projet, avec l’envie d’explorer un metal viscéral, sincère, à la croisée du metalcore, du hardcore et de touches plus introspectives. On a d’abord sorti un premier album Resilience début 2023. À l’époque, le groupe comptait un autre chanteur, William, et ce disque représentait une période marquée par la recherche de sens dans le chaos. Depuis, on a connu un tournant important : William est parti, et Romain nous a rejoints au chant. Ce changement a été un vrai catalyseur pour faire évoluer notre musique vers quelque chose de plus personnel, plus cohérent et plus audacieux. L’EP Elevate Spirit marque cette nouvelle phase — c’est notre véritable point de départ artistique, avec une vision claire.
2. On enchaîne sans la moindre transition avec le nom JIRO. Revêt-il une signification ou est-ce un mot aléatoire sorti d’un chapeau de nulle part ?
JIRO, c’est un nom court, direct, qui sonne à la fois humain et un peu énigmatique. À l’origine, on cherchait quelque chose de simple mais évocateur, facile à dire dans toutes les langues. Mais c’est surtout un clin d’œil à notre salle de repet on nous jouions quand nous étions ado, dans le 93, Rue du Général Giraud ! On l’aime aussi parce qu’il laisse une part d’interprétation ouverte, comme notre musique.
3. Vous évoluez dans le metal moderne. Avant d’aller plus loin, je profite de l’occasion pour que l’on m’explique le terme metal moderne. Existe-t-il un metal antique ?
Très bonne question ! Le "metal moderne", c’est un terme un peu flou qui sert surtout à distinguer une approche actuelle du metal, plus hybride, souvent mieux produite, plus riche en dynamiques. On y trouve des éléments du metalcore, du djent, du post-hardcore, parfois même des influences électroniques ou ambiantes. C’est une scène qui s’affranchit des codes stricts du metal “classique” pour mieux exprimer des émotions contemporaines. Chez nous, ça se traduit par un jeu sur les contrastes : agressivité et poésie, tension et introspection.
4. Vous avez un premier album Resilience.
a) Partage-t-il la même fibre musicale que votre nouvel EP ?
Non, pas vraiment. Resilience a été enregistré avec notre ancien chanteur William, à une époque où le groupe cherchait encore sa voix. Musicalement, c’était plus brut, moins nuancé. Depuis l’arrivée de Romain, notre style a évolué : plus structuré, plus contrasté, avec une vraie volonté de raconter une progression intérieure. Elevate Spirit incarne cette transformation, c’est notre ligne artistique actuelle.
b) Aborde-t-il la thématique de la résilience ?
Oui, complètement. C’est même ce qui lui donne son nom. Il évoquait la lutte intérieure, le fait de se reconstruire malgré les blessures. Mais aujourd’hui, on considère ce disque comme appartenant à une période révolue. Il a été une étape importante, mais on ne se reconnaît plus totalement dedans.
c) Existe-t-il un concept reliant vos productions (Resilience, Elevate Spirit) ?
Disons qu’il y a une progression logique plus qu’un concept narratif. Resilience parlait de survie, de résistance dans un temps de crise. Elevate Spirit, lui, est tourné vers l’après, vers l’idée d’élévation intérieure, de transformation. Il ne s’agit plus juste de rester debout, mais de s’élever. Ce sont deux faces d’un chemin introspectif, mais qui marquent une vraie rupture, notamment avec le changement de line-up.
5. Petite question vicieuse : entre Resilience et Elevate Spirit, quels sont les points communs et les différences ?
Il y a des similitudes, notamment l’énergie brute qui caractérise le groupe, mais Elevate Spirit est clairement plus abouti. Avec l’arrivée de Romain, il y a une dimension nouvelle, plus réfléchie, qui fait écho à la musique et aux thématiques abordées. Resilience faisait écho à une époque plus tumultueuse et brute, tandis qu’avec Elevate Spirit, on a cherché à équilibrer les éléments plus agressifs avec des instants plus aérés et réfléchis. En résumé : Resilience était un cri, Elevate Spirit est une élévation.
6. Je vais plus me focaliser sur Elevate Spirit. Celui-ci est plutôt concis, avec à peine plus d’un quart d’heure. Est-ce un choix volontaire, pour apporter un impact percutant ou cela découle simplement du processus d’écriture ?
C’est avant tout un choix artistique. L’idée était d’avoir un impact immédiat, sans fioritures. On ne voulait pas que l’EP soit trop long, car chaque morceau devait avoir une intensité et une tension particulières. C’est une forme de compression : on te balance une énergie concentrée, pure et sans détour, sans perdre de temps. C’est aussi une volonté de garder une sorte de mystère autour de l’EP, en laissant à l’auditeur le soin de digérer chaque note, chaque parole.
7. Vous apportez une dimension intéressante dans votre EP, en jouant les contrastes, entre les phases typées hardcore et les moments plus sereins, empreints d’une certaine poésie onirique. Vouliez-vous mettre en place une mécanique spécifique, qui joue sur la pluralité des éléments, plus sombres, m’évoquant la part des ténèbres en chacun de nous, et cette idée de l’élévation spirituelle, au sens large, vous offrant en même temps un moyen de structurer les titres ?
Oui, c’est exactement ça. Il y a une volonté de contraste dans l’EP, et cette dualité était cruciale pour nous. On parle d’élévation spirituelle, mais pour y parvenir, il faut d’abord passer par les ténèbres. L’idée d’un chemin de transformation est présente dans chaque morceau. L’alternance entre des moments de tension extrême et des passages plus aérés est une sorte de métaphore de cette recherche de lumière après l’obscurité. Chaque titre est comme un palier dans ce processus.
8. Il semble que vous amenez aussi une progression sur les titres, apportant à la fois un regard psychologique et un lien avec la mythologie (Kairos). N’ayant pas eu les paroles, j’en suis réduit à spéculer, n’étant point bon à l’écoute de l’anglais.
a) Est-ce le cas et vers quelle réflexion cela dirige les titres ?
Effectivement, Kairos évoque une notion mythologique et temporelle importante. Le terme “Kairos” fait référence à un moment précis où l’action devient décisive — c’est un concept central dans la mythologie grecque. Dans notre musique, on parle de ce “temps suspendu”, ces instants où les décisions ont un poids particulier, et la réflexion qui les accompagne. Les titres et les paroles de l’EP tournent autour de cette idée de saisir l’opportunité d’agir, d’évoluer.
b) En me posant un peu, cela me fait aussi penser que vous amenez une trame temporelle. En quoi est-elle liée au concept éventuel et cela n’amènerait-il pas un lien avec Resilience, au-delà d’un simple rappel ?
Absolument. Cette trame temporelle est liée à l’évolution. Resilience parlait de survie, de résistance dans un temps de crise. Avec Elevate Spirit, on se positionne dans une sorte de moment de transition, où l’on peut agir sur notre propre trajectoire, changer de direction. C’est comme si l’on faisait le lien entre une époque révolue, une survie d’un temps passé, et un “Kairos”, où le passage à l’action est essentiel pour se libérer et s’élever.
9. Elevate Spirit est concis mais intense. Vous jouez sur la polarité des éléments, transposant l’intensité sous différentes formes (que ce soit via les mélodies, les parties plus féroces et même certaines structures).
a) Est-ce une nécessité qui est issue d’une volonté d’offrir quelque chose avec plusieurs niveaux d’écoute et de compréhension ?
Oui, chaque morceau cache plusieurs couches. L’idée était de donner à l’auditeur l’opportunité de revenir plusieurs fois sur l’EP, de le décortiquer. La structure même de l’EP est pensée pour offrir à la fois une écoute instantanée, mais aussi un approfondissement à mesure qu’on y revient. Cette volonté de créer des niveaux d’écoute est aussi liée à la manière dont on conçoit notre musique : comme un voyage, une exploration.
b) Pourrait-ce être une symbolisation de l’ambivalence (qui signerait du coup un lien éventuel avec Resilience), qui caractérise l’humain ?
Exactement. Il y a une forte dimension ambivalente dans la musique, entre l’agression et la douceur, la lumière et l’ombre. C’est une réflexion sur la complexité humaine, sur ce qu’on traverse à un niveau personnel, mais aussi sociétal. C’est une mise en lumière des contradictions de l’existence. L’ambivalence, c’est l’humain, dans toute sa splendeur et ses contradictions.
c) Glissez-vous aussi une dimension plus spirituelle, allant au-delà des paroles, amenant l’auditeur à réfléchir, se remettre en cause et, par ce biais, évoluer vers quelque chose de mieux ? Ou je vais bien trop loin, faut que je me calme ?
Tu vas peut-être un peu loin, mais c’est pas forcément une mauvaise chose ! [Rires] On veut évidemment provoquer une réflexion, mais sans forcer la main. L’idée est de laisser de la place à l’interprétation personnelle. Si quelqu’un en sort avec une réflexion plus profonde sur lui-même, tant mieux. Mais on préfère laisser l’auditeur vivre sa propre expérience avec la musique.
10. Est-ce la manière d’aborder vos deux productions similaire ou est-ce quelque chose de très différent, étant en partie viscéral ?
Bien que les deux projets viennent d’un même groupe, la manière de les aborder a été radicalement différente. Resilience est plus brut, plus viscéral, une sorte de catharsis immédiate. Avec Elevate Spirit, il y a eu une volonté de prendre du recul, d’amener plus de nuances et de profondeur. On est passé d’une approche instinctive à une recherche plus structurée, plus cohérente.
11. L’aspect hardcore est intéressant chez vous. Au-delà du simple contraste, vous abordez cet aspect sous différentes formes ou plutôt, sous différents accents.
a) Est-ce quelque chose de naturel ou avez-vous amplifié un fond naturel, pour apporter ce côté impactant et marquant à votre musique ?
C’est avant tout naturel. Le hardcore fait partie de notre ADN musical. Cependant, on ne se contente pas de reproduire une recette, on cherche à explorer ses nuances, ses variations, ses différentes facettes. Le but est d’apporter une forme de puissance tout en maintenant une certaine finesse dans l’écriture. C’est un contraste qu’on aime.
b) Cela me fait me demander comment vous concevez votre approche musicale et si vous avez certaines règles spécifiques ?
Il n’y a pas de règles strictes, mais on privilégie avant tout l’authenticité. On cherche à ce que chaque morceau soit honnête, qu’il exprime ce qu’on ressent vraiment. Les contrastes dans notre musique ne sont pas artificiels, ils sont pensés pour rendre hommage à la réalité de nos émotions.
c) Au-delà de la simple polarisation, le hardcore a-t-il un autre rôle, allant au-delà de la musique, amenant peut-être une symbolisation ou autre ?
Oui, dans un sens, le hardcore, pour nous, symbolise une forme de résistance, mais aussi de liberté d’expression. C’est un terrain où l’on peut exprimer la colère, la frustration, mais aussi l’aspiration à quelque chose de plus élevé. C’est une manière de transformer la violence en quelque chose de créatif et de constructif.
d) Est-ce un élément indissociable qui vous caractérise ?
Oui, le hardcore fait partie de nous, mais comme un élément parmi d’autres. C’est indissociable de l’énergie qu’on veut transmettre, mais on n’est pas un groupe hardcore à proprement parler. On est un groupe qui utilise le hardcore quand ça fait sens dans notre musique.
12. Quels thématiques abordez-vous dans les titres et cela tisse-t-il une trame plus globale ?
Dans nos titres, on aborde des thématiques humaines et psychologiques, principalement autour de l’introspection, de la résilience, de la lutte contre soi-même et de l’élévation. Ce sont des sujets qui nous touchent profondément, car ils parlent de notre propre parcours et de celui de chacun, en quête de sens et de guérison. Chaque EP ou album devient une exploration de ces états internes, un reflet des luttes intérieures que l’on rencontre dans la vie quotidienne. Avec Elevate Spirit, on a voulu aller plus loin en intégrant une dimension mythologique, une sorte de recherche de rédemption, un chemin vers la lumière.
13. Est-ce un moyen d’apporter une association alliant un exutoire et une catharsis, ajoutant une autre dimension à votre musique ?
Exactement. La musique est un moyen pour nous de libérer des tensions, de mettre en lumière des émotions brutes. Cette catharsis n'est pas seulement présente dans la musique, mais aussi dans les paroles. On invite l’auditeur à libérer ce qu’il ressent, à se confronter à ses propres démons et à laisser la musique jouer un rôle thérapeutique. Pour nous, c’est aussi un exutoire personnel, un moyen de traiter nos propres expériences.
14. Êtes-vous dans l’idée d’apporter un moyen de réflexion à l’auditeur, tout en lui offrant un moyen de lâcher prise à travers votre musique ?
C’est exactement ça. On veut offrir aux auditeurs un espace où ils peuvent se retrouver, réfléchir et s’évader, mais aussi où ils peuvent lâcher prise, se laisser emporter par la puissance de la musique. Il ne s’agit pas seulement de poser des questions, mais aussi d’apporter un moment d’évasion. Chacun peut interpréter nos morceaux à sa manière, mais l’essentiel est qu’il puisse se sentir libéré par cette expérience.
15. Du coup, cela nous amène aux influences du groupe. Quelles sont-elles ?
Nos influences viennent principalement du metalcore, du hardcore, mais aussi de genres plus atmosphériques et progressifs. On aime des groupes comme Architects, Bleed From Within, mais aussi des formations plus punk et hardcore comme Stray From The Path ou Stick to Your Guns. Mais on se nourrit aussi de tout ce qui nous touche, que ce soit dans le cinéma, la littérature, ou même dans des genres de musique plus expérimentaux ou électroniques. On ne veut pas se limiter à un seul genre, notre démarche est de fusionner ces influences pour créer quelque chose de personnel et unique.
16. A côté du groupe, avez-vous d’autres projets, des métiers / travaux fascinants (ou pas, comme tout le monde) et quels sont-ils ?
Comme beaucoup de musiciens, on jongle avec nos vies professionnelles et la musique. En dehors de JIRO, certains d’entre nous sont impliqués dans des projets créatifs ou professionnels liés à la musique, d’autres ont des métiers dans des secteurs assez divers, comme la gestion, la création visuelle ou la production. Tout ça nous aide à avoir un équilibre, même si la musique est clairement ce qui nous passionne le plus et ce qui occupe une grande partie de notre temps.
17. Est-ce encore facile de gérer l’aspect travail / musique ?
C’est un défi constant. On essaie de gérer au mieux, mais il faut reconnaître que le temps est toujours limité. On doit souvent jongler entre les concerts, les répétitions, la promotion et nos obligations personnelles et professionnelles. Heureusement, on a la chance de travailler ensemble sur ce projet et de partager cette passion, ce qui nous permet de rester motivés, même quand les emplois du temps sont chargés.
18. Et comment vos proches abordent la musique que vous faites. Sont-ils dans la compréhension ou offrent ils un regard extérieur bienvenu ?
La plupart de nos proches sont très compréhensifs et soutiennent le projet. Bien sûr, ils ne comprennent pas toujours l’intensité ou la direction musicale, mais ils nous soutiennent parce qu’ils savent combien c’est important pour nous. Le regard extérieur est toujours intéressant, car il nous aide à voir certaines choses sous un autre angle. Cependant, au fond, on fait avant tout la musique pour nous-mêmes, en cherchant à être honnêtes avec nos émotions.
19. On parlait quatre questions plus haut des influences du groupe. Et plus personnellement, quels sont vos goûts (on fait large : musique, cinéma, littérature) et avez-vous du temps pour d’autres choses (collectionner les timbres fiscaux, faire des cairns de lentilles, faire du crawl sur gazon…) ?
C’est varié ! Musicalement, nos goûts vont du metal à des genres plus expérimentaux, mais aussi du post-punk, de l’électro ou de la musique classique. Dans le cinéma, on est fans de films psychologiques, de science-fiction, mais aussi de documentaires sociaux. La littérature, c’est pareil : chacun a ses auteurs fétiches, mais on aime tous les livres qui ouvrent l’esprit. Quand on a un peu de temps libre, certains d’entre nous aiment faire du sport, jouer à des jeux vidéo, ou se perdre dans des projets créatifs à côté. Mais, oui, certains peuvent aussi être tentés par des activités plus bizarres comme collectionner des timbres (qui sait ?).
20. Votre musique reflète-t-elle ce que vous êtes, notamment l’aspect humain, et cela indique-t-il un éventuel engagement ?
Oui, notre musique est une extension de ce que nous vivons, de ce que nous ressentons. Elle reflète notre recherche de sens et notre volonté d’évoluer. Il y a un engagement dans ce que nous faisons, non pas au sens politique strict, mais plus dans un engagement envers l’honnêteté, la recherche de soi, et la transformation personnelle. C’est une invitation à s’affronter, à se remettre en question, à ne jamais rester figé dans une zone de confort.
21. Quels sont vos projets à venir (bon entre les 25 décembre et le 1er janvier, j’ai une vague idée) pour 2025 ?
En 2025, on a plusieurs projets excitants. Bien sûr, des concerts et des festivals, mais aussi de nouvelles compositions pour un futur album. Nous voulons continuer à évoluer musicalement et à partager notre vision avec un public de plus en plus large. On est également en train de planifier des projets visuels et de nouvelles collaborations. On a une année 2025 bien remplie en perspective !
22. Merci d’avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions (peut-être parfois incongrues). C’est à vous de conclure cette interview !
Merci à toi pour ces questions pertinentes et pour l’opportunité de partager notre histoire. On est super enthousiastes à l’idée de voir où notre musique nous emmène et on espère que nos auditeurs continueront à nous suivre dans ce voyage. À bientôt sur scène, et merci pour ton soutien !