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Witchorious

Witchorious

Argonauta records

2 novembre 2024 à 14:32:52

CD digipack

2024

10 titres pour 56'21''

Une petite vidéo:

Witchorious est un trio formé en 2019 avec un guitariste (Antoine) et une fratrie constituée d'un frère et sa sœur, respectivement Paul à la batterie et Lucie à la basse. Le groupe pratique un doom avec du caractère et, en abrégeant l'histoire, finit par sortir cet album qui devait initialement être un Ep (mais une saloperie de maladie a changé la donne, apportant pour le coup du bon). Et c'est donc cet album qui nous intéresse, c'est fou non?

Dès les premières notes, j'ai cru que j'avais remonter le temps dans les années 70, avec un très puissant relent poisseux et bluesy à la Black Sabbath, déversant un doom à la puissance évocatrice, posant une certaine lourdeur plutôt plaisante. Je pensais, sincèrement, que j'aurai une sorte d'hommage (au mieux) ou d'un copie (au pire) de Black Sabbath. Si c'est une de tes craintes, alors tu peux souffler et essuyer la sueur froide de ton front: très rapidement, la musique oblique plus sur une approche doom nappé de heavy (en y prenant les éléments les plus massifs) et prenant un virage plus moderne. L'ombre de Black Sabbath plane au-dessus mais il est impossible de dire que c'est la même chose. Witchorious s'oriente vers une approche un peu différente, reposant sur plusieurs éléments savamment calculés.

Les titres développent une lourdeur certaine, posant une pesanteur plutôt efficace pour nous piéger dans une rythmique axé à la fois sur cette lourdeur mais aussi quelque chose de plus extérieure, associée aux atmosphères. La rythmique pose à la fois une certaine simplicité en même temps qu'elle peut développer des fragments complexes (souvent associés à des circonvolutions musicales), offrant à la batterie un éventail de patterns et jouant sur une sorte d'oscillation avec la basse, très présente. Le groupe imposant un son en lien avec la pesanteur, mettant un peu le système rythmique au cœur des titres, il y a une importance mise sur la rythmique et notamment plus particulièrement sur certains éléments.
Le groupe amène de la variété qui permet aux titres d'offrir des visages très différents, bien qu'inextricablement lié à la nature du doom (et de l'orientation du trio), permettant, mine de rien, d'explorer un univers vaste, plutôt sombre, nous embarquant avec lui dans cet univers assez lugubre, déployant une ambiance globale baroque nous renvoyant vers les films d'horreurs, notamment ceux de la Hammer. C'est une des puissances évocatrice du groupe, clairement: nous plonger au centre d'un univers totalement piégeur.
Mais cette variété permet d'offrir une structuration nette des titres, certes reposant souvent sur la lourdeur ou une certaine lenteur mais offrant quelques passages où le rythme s'emballe, glissant une énergie différente, dérivant du heavy, sans le moindre doute. Le trio casse un peu les codes et le rythme, pour mieux nous enfoncer dans l'univers qu'il prend soin de créer avec beaucoup de cohérence

Et cette ambiance permet de lever le voile sur les atmosphères que j'ai évoqué rapidement. Les atmosphères imprègnent la musique de Witchorious, étant là aussi un des piliers de celle-ci. Elles nous emmènent aussi bien dans l'évocation des années 70 que celle des films de la Hammer mais aussi dans un voyage musicale, jouant avec à la fois les codes musicaux, la force de l'évocation et les émotions. Le groupe crée aussi des moments suspendus, faisant un lien entre les années 70 et notre époque, assumant sa modernité. Il y a une sorte d'aspect onirique poétique qui apparait parfois, engendrant des moments sublimes, quand ce n'est pas un titre au complet ('To the grave' est un monument à lui seul). Les atmosphères sont sombres, caressant sans vergogne un aspect occulte présent, sans essayer de le dissimuler derrière un voile de tromperie. Le groupe offre une cohérence de ton et de forme, pour nous maintenir captivé, voire captif.
Witchorious livre une musique qui a le don de me donner la chaire de poule, du fait de son appuie multiple sur les émotions et les évocations mais qui porte aussi sur un aspect qui serait plus poétique. Que ce soit par la musique ou les chants, il y a une dimension poétique, qui passe par une recherche esthétique évidente. C'est d'ailleurs là que les émotions sont le plus palpables dans leur diversité, apportant une sorte de strates dans le genre. Ce n'est pas quelque chose d'aléatoire ou de hasardeux, mais bien un autre aspect réfléchi de la musique.
Et celle-ci est liée à beaucoup de choses que j'ai déjà évoqué mais qui prend vraiment sens sur la globalité de l'album et du sens du traitement de la musique et de sa nature profonde, venant à la fois des origines et de ce que le groupe explore. Et ce qu'il explore dans les thèmes est aussi profond que la musique.
Les titres développent des thématiques explorant la psychologie et la face sombre de l'humain, des frustrations, les titres devenant des exutoires. Le trio joue aussi sur l'évocation de la sorcière, comme personnage servant d'incarnation des aspects les plus sombres, parlant des monstres en nous (comme le dit ouvertement le premier titre 'Monster'). C'est une approche sombre, logique pour du doom et qui, pourtant, ouvre la voie à quelque chose de plus profond, semblant laisser voir une lecture plus profonde, laissant peut-être une place à une interprétation plus personnelle.

On retrouve deux chants: un masculin et un féminin. Et si habituellement c'est assez simple, ici le groupe va un peu plus loin dans la dissolution des repères. Le chant masculin domine assez, offrant un chant clair ou plus agressif, selon les aspects ou les besoins de la musique, rejoint parfois par le chant féminin en duo ou sous forme de chœurs. Mais Lucie intervient parfois seule sur des passages, laissant entrevoir que les chants ont aussi un rôle symbolique et cathartique. C'est là que le trio se plait à jouer sur la ligne qui devient floue, ouvrant une brèche vers un lien entre la musique, les chants, les atmosphères et les thèmes explorés, amenant divers niveaux de compréhension.
Le son est excellent. On entend chaque instrument, la basse étant largement présente elle aussi. Il y a un appuie sur les basses, marquant un son lourd qui laisse pourtant des contrastes avec des aspects plus clairs, créant un lien avec l'aspect onirique mais aussi permettant de nous plonger dans l'univers du groupe. Il y a un travail sur la texture du son, avec un son plutôt gras et grumeleux de la basse, qui vient remuer les tripes. Les arrangements présents apportent encore plus d'immersion dans les atmosphères et vont même jusqu'à, parfois, rendre un aspect dissociatif plus présent, avec une efficacité très nette et créant une cohérence avec le reste. Il y a un soin important au son, évoquant aussi bien Black Sabbath que revendiquant une identité forte que l'on ne peut nier.

Witchorious est une excellente découverte à faire, dans une vision réfléchie d'un doom heavy attractif et immersif. L'album s'avère être puissant, dans sa forme et son fond mais aussi à travers les évocations et les émotions. Un peu de curiosité bien placée à avoir!!

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