Storm Orchestra est un trio formé en 2013 qui évoluera vers la musique qui nous concerne ici en 2017. Le trio propose un rock alternatif (existe-t-il un rock continu?) puisant des influences du coté des incroyables Royal Blood, des impressionnants Nothing but thieves ou des hallucinants Muse, première période.
Bon, des trois je ne connais que Muse et j'ignore comment sonnaient leurs premières heures. Qu'importe, voyons donc la musique (et effectivement, entendre est plus pertinent)!

'Pieces of you' ouvre les hostilités, si je puis dire et propose d'emblée de mettre les pieds dans le plat avec un titre qui se veut efficace, avec un refrain qui va s'inscrire dans la cervelle (comme le reste du titre d'ailleurs), grâce à des riffs efficaces, avec un sens harmonique et de la mélodie qui s'extrait de suite de l'album. Mais qui va marquer aussi l'approche travaillée des rythmiques chez le trio. Car ce titre révèle une rythmique faite pour taper du pied, distillant une énergie directe, sans fioriture.
On va retrouver cette base sur l'album mais parfois avec des titres plus proche de ce que je connais de Muse (notamment dans le jeu et le traitement de la basse), amenant parfois un côté plus fluide, peut-être plus accessible (dans le contexte de certains titres, par rapport à d'autres). Et cela induit un choix d'amener quelque chose de plutôt positif, au travers de la musique, qui va contraster avec quelque chose d'un peu plus sombre, qui s'écoule des textes, une sorte de cruelle réalité relatée. Cette base n'empêche pas non plus le trio d'aller explorer des choses plus extrêmes (dans le contexte de la musique, ne vous attendez pas à un soudain goregrind noise) et de glisser certains titres vers quelque chose qui serait plus du heavy rock, recoupant cette notion de part sombre.
Et de découvrir une certaine culture des rythmiques, puissantes, parfois agressives mais qui ont toute un signal identique qui s'exprime par une certaine lourdeur: oui, le groupe amène avec son rock quelque chose de massif, qui renforce parfois l'aspect plus heavy rock, appuyé en ça par la basse et allant parfois titiller légèrement des choses plus proches du stoner. Et avec les constructions des titres et l'approche, ça m'évoque un peu l'approche de Wax Mecanix mais plus léger sur le côté sudiste/stoner.
Si les titres ont une approche de base, certains vont déployer des aspects plus agressifs. Et cela engendre une grande variété au sein des titres mais qui garde néanmoins une cohérence, de part la signature vocale, l'approche rythmique ou les mélodies.

Et là, concernant les mélodies, on peut dire que les gars sont des petits salopards de premier ordre. Pourquoi une insulte? Ben ce n'en est pas une mais c'est un vrai compliment. Le trio amène en effet certains titres vers des sommets et va soudainement nous offrir un moment hors du temps, presque céleste, aussi sublime qu'inattendu. A l'image du titre 'Criminal' qui amène un final juste onirique (putain, ce final me colle des frissons bordel!).
La mélodie est un élément clé chez le trio mais qui revêt plus aspects et que je soupçonne d'être traité parfois comme un quatrième membres, certains titres allant apporter une certaine altération de la mélodie, dans sa tonalité, sa texture ou la nature de celle-ci. C'est un peu abstrait comme concept mais les écoutes me confortent dans cette optique. Il y a clairement quelque chose d'autre derrière, pas juste sa nature simple. Au-delà du support avec le côté rock et les éléments plus stoner ou heavy rock, les mélodies apportent une sorte d'humanité parfois, qui induit vraiment une volonté d'être rassembleur (et qui rejoint dans cette idée certains titres).
La mélodie permet au groupe de balancer comme ça, en toute discrétion, une approche plus progressive, certains titres glissant des éléments bien différent, s'éloignant du rock. Et ces titres peuvent là aussi amener ce que je disais au début de ce segment sur la mélodie, le titre 'Criminal' s'y rattachant largement.
Et l'on retrouve ainsi, au delà du sens de la mélodie, une approche parfois plus singulière, qui amène un contraste sur la base du côté sombre du groupe, livrant des instants parfois suspendus ou qui vont accentuer des éléments plus diffus, dans la gamme du rock mais avec un savoir faire sur les rythmiques.

Et c'est là que frappe l'approche parfois lourde qui sourde des titres, sans que l'on s'y attende, apportant une facette plus abrasive, discrète mais bien présente (et depuis le début pourtant, des indices trainent, comme la basse par exemple). Le trio amène un traitement varié des rythmiques, toujours dans une base rock mais avec la circonvolution de la musique autour de cet axe. Cela se traduit par une variété de rythmiques mais aussi un jeu sur les sonorités, parfois plus efficaces que les patterns de batterie et ses liens avec la basse (qui pourtant assurent déjà sévèrement). Et qui permet de jouer sur différents aspects là aussi plus abstrait mais qui rejoint aussi cette idée que derrière le côté positif, des éléments plus sombres sont évoqués à travers les titres.
Certains passages appellent le pied quand d'autres vont amener une certaine retenue, amenant une ambivalence ici et là, un élément intéressant car dans la logique du tout et qui amène, mine de rien, de la densité à un rock assez dense de base. Sans compter le traitement en lui-même qui amène des accents modernes qui vont contraster avec d'autres qui s'appuient plus sur une base heavy rock diffuse.

Le chant est en ce qui me concerne un chant normal. Mais Maxime ne se contente pas de poser simplement sa voix. Il y injecte de la vie, ses tripes, livrant un chant qui s'ouvre sur quelque chose de plus large, livrant parfois un chant presque transcendantale. Dans que l'on s'y attende et appuie ainsi cette idée de quelque chose d'un peu plus sombre qui se terre. Il peut aborder un chant sensible, tout en finesse tout comme un chant puissant, tout en énergie, mais toujours dans la lignée d'un rock assumé. Les quelques chœurs qui apparaissent parfois sont liés à la mélodie et aux moments plus célestes qui apparaissent ou pour appuyer le côté un peu sombre.
Avant d'enchainer sur le son, j'ai un mot ou deux sur l'artwork. Au-delà de l'humour cynique en lien avec le titre de l'album, il y a cet aspect sombre qui suinte aussi, avec l'idée du contraste (résidant dans le choix des couleurs dominantes). Ne m'étant pas pencher sur les paroles des titres et en me fiant à ce que j'ai pu saisir, on retrouve cet aspect aussi dans les textes, qui m'incite à vraiment me dire que tout se recoupe mais surtout que le trio développe des sujets plus sombres.
Le son est excellent. Massif, puissant, avec une basse bien présente (comme Muse), le trio offre un son chaleureux, proche d'un heavy rock teinté de stoner mais surtout qui a un côté abrasif marqué, qui aide complètement à l'immersion mais qui lui permet aussi d'amener les contrastes et les envolées plus célestes. Les arrangements sont nombreux mais complémentaires et tissent une trame discrète qui sert de toile à la musique elle-même.

Storm Orchestra, c'est une découverte très intéressante, avec une approche à laquelle je ne m'attendais pas. Puissant, efficace et pourtant, au-delà du rock, au-delà d'un côté fédérateur, va juste transcender un moment de notre existence. Et juste ça, c'est déjà bien non?