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Jirfiya

Autoproduction

24 mars 2023 à 15:06:40

CD

2023

8 titres. Durée: 45'38''

Une petite vidéo:

Jirfiya est un groupe de metal mélodique (pour simplifier) parisien ayant à son actif un Ep ('wait for down' en 2019 donc voici le lien de la chronique: https://margothpdf-webzine.blogspot.com/2019/06/jirfiya-wait-for-dawn.html) et un premier album en 2020 ('Still waiting'). Saut dans le temps et nous voici en 2023, avec leur nouvel album.

Dès le début, j'ai retrouvé ce qui m'avait accroché l'oreille avec leur Ep, à savoir cette ligne un peu floue en rock et metal, qui sied si bien au groupe. D'entrée de jeu, le quatuor pose les bases en même temps qu'il réactive ma mémoire, pour directement me plonger dans leur musique paraissant simple mais très riche (que ce soit les arrangements, les structures ou des détails peaufinés). Et dès le premier titre, le groupe fait fort, non d'une pipe en bois!
'Asylum' s'ouvre sur un pattern de batterie et distille rapidement une puissance très rock, mêlée de mélancolie, nous offrant une atmosphère qui va servir de trame sur une introduction qui lâche soudainement la pleine puissance, que ce soit par le côté mélancolique (avec un appuie de violon) ou l'aspect purement musical qui dérape dans un metal mélodique mais qui permet de retrouver cette maitrise dans la gestion des opposés. Et ces opposés qui deviennent complémentaires parfois. Et c'est là que ça devient foutrement intéressant, qui plus est avec une notion de progressif qui apparait, plus marqué 3 titres qui vont prendre le temps de développer des parties très riches, n'hésitant pas à intégrer des passages musicaux venant d'autres sphères.

Le groupe offre vraiment une immersion qui peut être franchement profonde, au travers des ses titres, jouant la corde de la mélancolie mais aussi d'émotions plus brutes. On est vraiment emmené dans un univers crédible, très puissant où le groupe va offrir des moments de complémentarités, en même temps qu'un traitement d'opposition, voire de polarisation, s'appuyant sur plusieurs éléments (j'y reviens plus loin). Cette immersion passe clairement par la notion de mélodie mais qui ne serait rien avec cette puissance qui émane des titres (puissance polymorphe ici).
Cette puissance se retrouve aussi au travers d'un élément qui m'avait bien plus, qui est aussi lié à l'immersion, à savoir une sorte de colère (pouvant être contenue ou plus débridée, au besoin des morceaux). Et c'est un élément qui est indissociable du tout, l'un de ceux nécessaires au fonctionnement des titres. Cette colère va s'exprimer sous diverses formes, toujours pertinentes et allant à l'essentiel. Elle n'est pas là pour faire du remplissage, très clairement.
Jirfiya va ainsi nous emmener dans des titres gardant ce lien entre rock couillu et metal mélodique, sans que cela empêche quelques passages d'être plus soutenu, notamment dans la gestion des rythmiques, de certains patterns de batterie abordant un visage un peu plus martial (qui rejoint cette idée de puissance, sous une autre forme) ou même à travers des structures qui parfois peuvent être un peu plus dépouillées, jouant là encore sur cette notion de puissance mais aussi de complémentarité / opposition.

Le groupe offre des titres offrant différents aspects musicaux, où il y a un aspect plus technique qui ressort parfois (que ce soit dans un jeu spécifique ou dans des effets isolés qui font leur effets). Ca entraine une variété au sein de leur musique, qui me semble plus mature que ce que j'avais pu percevoir en 2019. Car ici, le groupe appuie vraiment sur les émotions, dévoilant une palette plus riche car nettement plus subtile. Il y a une part large d'émotions, qui, même si elles sont autour d'une trame plus ou moins mélancolique, n'hésite pas parfois à s'en éloigner et nous amener en terre inconnue, pour mieux nous surprendre, que ce soit par un plan improbable mais cohérent ou bien par une incursion vers quelque chose de plus subtile et qui bouscule les barrières.
Car il est impossible de ne pas les passages prenant des accents jazzy ici et là, prolongeant l'exploration de la mélancolie et de l'approche du groupe, appuyant ce sens de la retenue et du contraste. Et cela engendre des ambiances efficaces et d'une puissance, en terme de charge émotionnelle, à l'image de 'An endless journey', qui bouscule les codes et qui là aussi amène cette notion que j'évoquais plus haut (complémentarité, opposition et polarisation) et qu'il est temps de poser ici.
Il y a aussi un travail évident sur l'aspect rythmique, qui offre ces différents visages à leur album. Si les possibilités sont du rock au metal, le fonctionnement des rythmiques ne sont pas hasardeuses et vont permettre au groupe de structurer très nettement ses titres et de permettre aussi bien des envolées que de poser des moments où les cervicales sont sollicitées. Le groupe pose des bases qu'il va moduler au besoin et s'offrir des moments de bravoure et cela pas nécessairement à travers une partie virulente. Il y a toujours cette idée de retenue, mais aussi de contraste.
Et la polarisation passe aussi par le traitement des émotions (entre la mélancolie, la colère et d'autres sentiments puissants), qui n'hésite pas à amener des contrastes d'émotions au sein du même passage, jouant sur la forme du morceau ou de poser deux éléments opposés qui se complètent alors, dans la ligne de cohérence que le groupe maitrise.

La force du groupe est en effet plus subtile que l'on y pense. Car si la puissance et le sens de la mélodie est clairement un des moteurs (en plus d'un sens aigu de la composition), les différentes facettes vont offrir des moments qui peuvent être assez opposés, en terme de structures, de mélodies ou d'approches musicales. Mais toujours avec en ligne de mire une cohérence et une volonté de proposer quelque chose qui va offrir de la réflexion en même temps que d'offrir quelque chose de plus instinctif. Et c'est là que des éléments plus polarisés apparaissent, servant à la fois de contrastes, de trame et de liant. C'est là qu'apparaissent les passages plus posés, en contraste d'un précédent plus soutenu ou bien de glisser des éléments purement jazz, quand il n'y a pas des choses plus exotiques, plus arabisante comme sur 'The path of hate' C'est amené dans la mélancolie une soudaine décharge de puissance qui va pousser une colère contenue ou un soudain moment nettement plus céleste qui succède à un passage tendu, offrant un moment de plénitude pour reprendre son souffle, car émotionnellement, l'album est plutôt vigoureux.

Mais c'est aussi à travers les chants qu'apparaissent les opposés et les polarisations. On a deux chants, un féminin, celui d'Ingrid et celui de Jérôme. Ingrid domine le chant mais en jouant sur deux types de chants, un clair et l'autre saturé et va parfois offrir une modulation de l'un à l'autre, de façon pertinente. Ingrid offre un chant à la fois très mélodique et révèle parfois un chant nettement plus agressif, les deux livrant une facette de puissance différente. Jérôme vient en appuie sur certain passage, amplifiant le côté plus agressif car sur des passages où une colère s'exprime plus mais va parfois amener une autre notion à travers son chant dans un contexte différent.
Le son est juste énorme, très propre, permettant de pouvoir saisir toutes les subtilités des instruments, en même temps que de pouvoir les entendre nettement. La basse n'est pas en retarit et sonne bien, couplé au côté plutôt percutant du soin de la batterie (qui a là aussi une importance au-delà de son simple rôle de batterie). Du fait des itérations jazz ou autres qui émaillent l'album, de la force des détails, les arrangements sont très soignés, aussi bien pour l'immersion que la compréhension et la ligne de la trame.

Jirfiya est un groupe qui m'a marqué en 2019. Et bien, ici le groupe fait encore plus fort, livrant un album qui est toujours dans cette ligne floue de rock metal mais à la puissance et l'efficacité indéniable, créant un univers empreint d'une certaine poésie mais aussi de quelque chose de plus pragmatique. C'est beau, parfois instinctif mais nous emmène clairement avec lui, au travers d'un putain de bon album!

© Margoth PDF

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