Hell Gate est un combo lorrain formé en 2012 qui sort en 2014 et 2016 respectivement une démo et un Ep dans un registre black death. En 2018, le groupe a évolué et a glissé vers le registre actuel, un post black et sors en 2020 un premier album autoproduit. Celui-ci est donc leur second album qui sort le 17 novembre 2023.

L'album démarre avec 'Au plus loin de la terre' qui pose les bases de ce qui va nous intéresser tout au long de l'album. Des éléments marquants se manifestent dès le début: une mélancolie assez marquée, un sens mélodique qui fait mouche, une forte noirceur, le tout associé à un post black qui offre des régurgitation black death parfois. Mais surtout, ce qui démarque un peu le groupe est un chant en français, associé à un fil rouge sur l'album, qui file sur une trame maritime, pouvant rappeler la sphère pirate metal. Mais le groupe diffère fortement par la musique et le sens du développement, faisant l'inverse avec une arrivée sur les terres, en partant de la mer.
Au-delà de ça, on ne peut pas dire que le groupe se rattache à un quelconque courant puisant dans les sphères pirates metal. On en est loin, le groupe achevant rapidement tout lien de filiation. On serait plus dans une lignée proche de ce que peut proposer Lhaäd, mais avec plus de mélodies et de mélancolie pour Hell gate. Niveau noirceur, on est sur un même segment, peut-être plus impactant ici, Hell gate recelant un atout redoutable.
Le groupe a en effet une section rythmique qui marque sévèrement, pouvant avoir aussi bien de la finesse que le pouvoir de bien te maraver la face, passant aux différentes phases avec une facilité et une fluidité déconcertantes. On parle ici de glissement en quelques mesures ou avec un break impromptu terriblement efficace.

Cela permet au groupe de mêler une agressivité parfois très marquée à cette mélancolie visqueuse qui imprègne la musique, l'agressivité pouvant vraiment fusionner avec la mélancolie, renforçant l'aspect sombre de la musique. Mais cela permet aussi au groupe de jouer avec la trame émotionnelle, lui offrant plusieurs axes qui se développent et se recoupent au sein des titres que le groupe nous offre.
Et à l'intérieur de ça, il y a des sonorités plus particulières qui font le lien avec le monde maritime et qui offre ainsi un contraste intéressant avec la musique qui, parfois, va offrir quelques instants plus primitif ou, du moins, faire appel à quelque chose de plus primaire. Loin d'en faire des abus, le groupe distille ce point de manière aguerri, insufflant une dimension particulière qui va nous prendre aux tripes quand celle-ci rencontre frontalement la mélancolie, la noirceur et la rudesse du post black qui se dévoile.
Et l'univers du groupe va ainsi se dévoiler (du moins, l'univers dépeint sur cette album) et faire une sorte de parallèle entre la trame maritime (ou l'univers déployé) et quelque chose de plus symbolique, que les textes révèlent en partie, avec certains éléments très forts.
Le groupe déploie son arsenal avec intelligence, offrant mille facettes, qui donnent aussi bien de la variété que de la densité mais aussi des niveaux de compréhension différents (appuyés par certains éléments musicaux ou sonore, voire des structures servant de ponts entre différentes parties). Et mine de rien, si on est attentif aux paroles et à l'imbrication des éléments musicaux, le groupe nous pousse à une certaine réflexion, allant bien au-delà d'un simple ressenti. Le groupe nous offre une sorte d'allégorie sombre, avec une dimension philosophique.

J'évoquais plus haut la section rythmique. Celle-ci est particulière efficace, jouant sur différentes approches (allant de l'association de la lenteur mélancolique à des fulgurances redoutables, sans concessions) et ne laissant jamais le moindre ennui s'immiscer dans la musique. Le début laisse augurer que la suite sera bonne et c'est même plus que ça, puisqu'elle est excellente. Le travail sur les rythmiques est vraiment soigné, le groupe gardant toujours en tête les liens avec la mélancolie, la noirceur et le post black (et je n'ai pas parlé des ambiances qui habillent les titres). Le groupe offre une section pouvant être d'une finesse incroyable tout comme elle peut offrir un véritable assaut en règle, ne laissant pas vraiment de répit. Juste une modulation efficace de celle-ci, qui apporte de la densité. Et cela frise la folie quand le groupe va associer cette section rythmique avec les éléments les plus mélodiques, qui servent de support aux ambiances mais aussi à cette mélancolie qui imprègne le tout.

Le chant est très typé et caractéristique. Le choix du français permet de comprendre les paroles (bien que si on fait autre chose à côté, on ne captera que des brides). Hel Max offre différentes facettes qui contrastent aussi bien qu'elles soient complémentaires des phases musicales. Il peut aussi apporter un chant clair où la mélancolie est très nette, avec une forme de nostalgie diffuse. Quelques variations du chant black apparaissent ici et là, glissant un brin de death.
Le son est excellent. Puissant et très propre, il offre un grande richesse dans les subtilités que la musique offre. La section rythmique est très présente, avec une basse vraiment audible, qui permet au groupe de jouer des contrastes avec les guitares (surtout dans les moments plus subtiles). Le chant est très compréhensible, malgré qu'il soit presque au même niveau que la musique (mais ça participe à l'immersion et à la cohérence de l'album). Les arrangements permettent d'ajouter des moments plus posés et d'appuyer les éléments clés de la musique.

Hell Gate est une découverte pour moi, avec un album qui me met une bonne claque dans le genre. Il est clair que c'est un album qui rejoindra en physique ma collection, l'album recelant des moments de bravoure. N'hésitez pas une seconde. Et niveau qualité, c'est Music Records et vous pouvez y aller franchement!