

MARGOTH 5
PDF5
Til klovers takt
Kampfar
Indie recordings
24 janvier 2023 à 15:10:12
Dématérialisé
2022
6 titres. Durée: 44'32''
Une petite vidéo:
Kampfar est un groupe norvégien formé en 2014, avec un minimum d'une démo, de 3 Ep, de huit albums, d'un split et de divers singles (rien que ça). Et voici donc son neuvième album ici même.
C'est surement l'un des groupes les plus connus qui soit passé par ici. Le groupe nous propose donc 6 titres qui naviguent entre black et pagan. Et il utilise habilement cette navigation qui lui permet de déployer des titres pouvant afficher des durées assez conséquentes (jusqu'à presque 9 minutes) et qui leur laisse ainsi le loisir de déployer leur art et les subtilités de leur musique.
Il y a vraiment les deux entités musicales qui se retrouvent dans la musique du groupe, avec leurs codes, développant des aspects spécifiques mais s'entrecroisant et se mêlant régulièrement, livrant des titres avec divers aspects, couvrant un spectre intéressant.
Le pagan amène une certaine douceur, un côté presque chaleureux. A travers celui-ci, le groupe crée des atmosphères, ouvrant des portes sur des paysages musicaux superbes. Le groupe crée ainsi une trame reposante (dans le contexte du black, on se calme, on n'est pas dans un truc mou), jouant pas mal sur certains aspects purement émotionnels, ainsi que les rythmiques qui s'imposent de manière plus subtiles. Il y a quelque chose de parfois très atmosphérique qui s'exhale alors, offrant dans une puissance contenu une beauté sublime. Le chant qui suit cette logique vient aussi ponctuer ses paysages que le groupe nous emmène voir et cela crée un contraste avec l'autre entité: le black.
Celui est nettement plus agressif, plus rapide, jouant avec des rythmiques alternant des passages rapides et d'autres plus martiaux, œuvrant à offrir un aspect très brut. Le groupe joue la carte à fond car il n'hésite pas à intégrer des altérations, des contretemps, des larsens (et autres éléments dissonants) et cherche a distiller quelque chose de pernicieux, presque de malsain. Leur black offre vraiment quelque chose d'assez primaire mais pourtant pas primitif car ayant en lui un côté résolument actuel. C'est très vif (comme un blizzard cinglant), avec cette déferlante qui ne laisse pas de répit. Ainsi, chacune des entités prises à part fait plaisir. Mais voilà, le groupe ne fait pas quelque chose d'aussi facile que d'alterner les deux styles. Non non.
Kampfar mélange complètement les deux styles, jouant avec les codes inhérents à chacun. Il génère ainsi une approche où la subtilité va rencontrer une certaine bestialité. Cela structure les titres mais sans que l'un ou l'autre se ressemblent. Que ce soit par des transitions ou un mélange plus détonant, le groupe utilise les deux genres, pour livrer quelque chose de très accrocheur et même attachant. Et c'est là que tout l'art du groupe se révèle: avoir une base très black, avec une rythmique plus lourde et derrière, un clavier (dans des arrangements) qui amène cette touche pagan qui vient faire le truc en plus. Ou l'art du contraste par les structures, qui vont jouer sur des sonorités ou même amener des éléments antagonistes qui se recoupent, du fait d'un choix réfléchi par un riff ou un thème qui va revenir.
Il y a aussi quelque chose qui confine à une complémentarité plus redoutable, malgré les différences des styles. Le groupe arrive a mettre en affinités ces éléments opposés, servant à la trame que l'album tisse, titre par titre. Mais ce n'est pas que ça.
Kampfar amène une certaine philosophie, qui repose aussi bien sur l'art de prendre son temps, de déployer lentement ses atmosphères que de savoir y aller plus frontalement, sans faire de concessions et d'offrir des fulgurances qui viennent se complaire avec des passages nettement plus posés, sans que cela ne dénature l'idée ou l'essence que crée le groupe. On assimile rapidement cette approche d'une main de fer dans un gant de velours (mais que parfois, le gant, il tombe et tu t'en prends une sacrée).
Mais au-delà de tout ça, il y a quelque chose qui se rapproche plus d'une expérience rituelle ou spirituelle, se retrouvant dans certains éléments musicaux, que ce soit des passages très chargés symboliquement, cette manière de poser des riffs très différents dans leur essence avec le même but ou encore cette alternance de rythmiques, cette gestion de certains breaks se différenciant des autres. C'est quelque chose qui va au-delà de la musique, au-delà même de la notion de style que Kampfar pose là, nonchalamment, comme si de rien n'était.
Et tout ça pose une trame sophistiquée qui nous emmène dans leur monde, ouvrant une vision sur la beauté d'un monde de glace, d'obscurité et de lumière. Et le groupe le fait par cette alternance qu'il pose, que ce soit dans la musique, les rythmes ou à travers les paroles, qui parfois, alternent norvégien (dont je ne pipe pas un mot) et l'anglais, me permettant ainsi de glisser vers le chant.
Car le chant offre une variation de thème, que ce soit dans les aspects black ou pagan, modulant le chant et jouant sur la corde émotionnelle qui se lie au pagan. Il y a une approche plus subtile qui se crée aussi dans certains titres, s'appuyant en partie sur des chœurs, jouant sur les contrastes et la complémentarité. Et le chant joue aussi sur la carte spirituelle / rituelle que le groupe cultive en filigrane, ajoutant de la cohérence au tout. Et cela va jusqu'à amener un chant qui regarde vers les chants rituels, comme le chant de gorge ('fandens trall').
Le son est puissant, très propre, excellent. On entend chaque instrument, qui sont égaux avec la voix. La basse est présente et elle développe plusieurs aspects qui changent un peu sa tonalité, collant au maximum à la vision du groupe. Il y a dans l'essence du son un lien avec la musique en elle-même, s'appuyant sur les caractéristiques parfois plus atypique de la musique (les altérations, tout ça). Les arrangements apportent une certaine profondeur et cette notion diffuse liée au pagan, avec ce côté plus posé, serein (contrastant ainsi avec le reste, là encore).
Kampfar livre un album très intéressant, qui joue avec les deux genres. Un album vraiment sublime, ouvrant une porte sur quelque chose qui va plus vers une voie mystique, liant sa musique à un état d'esprit. Juste excellent!