

MARGOTH 5
PDF5
This too shall pass
Grandma's ashes
Baco music
2 février 2023 à 15:43:27
Dématérialisé
2023
12 titres. Durée: 46'03''
Une petite vidéo:
Le trio féminin revient en ce début d'année (le 17 février) avec un nouvel album qui fait suite à leur Ep de 2021 'The fate'. L'album aborde le passage à l'âge adulte et des thématiques plus précises comme la mort, le deuil ou encore l'amitié. On est toujours sur une approche stoner rock. Mais l'album recèle aussi une évolution du trio. On voit ça ensemble (enfin, séparément, chacun derrière un écran mais bon, vous avez l'idée).
L'écoute s'est faite en ligne, ce qui change un peu mon écoute (étant du genre à écouter en allant au boulot et à distance, plusieurs fois), ce qui me laisse un peu moins à l'aise.
L'album s'ouvre sur un court titre servant d'introduction. On y retrouve cette finesse et la douceur du trio mais le titre prend une approche plus symbolique, prenant des accents celtiques, notamment dans le chant. On est un peu éloigné dans l'idée de ce qui va suivre mais le titre introduit déjà une notion de mélancolie.
Mais dès le second titre, on retrouve la puissance du trio, avec ce côté stoner marqué, qui offre un contraste avec le chant, tout en finesse. On retrouve donc cette marque du trio, ce qui nous replonge directement dans ce qu'elles font (et bien).
Il y a toujours ce sens de la mélodie, qui est poussé plus loin ici puisqu'il va être déployé à travers divers instruments, afin d'amener diverses approches qui apportent de la variété et une certaine densité, sans renier l'esprit même du trio. Cela s'exprime aussi bien par le chant que les instruments (avec quelques évolutions dans le choix et le jeu de ceux-ci). Ca engendre toujours une cohérence claire, avec une précision que les dames ne laisse pas fuir. Mais aussi l'introduction d'un clavier / synthé (raye le mot inutile) qui arrive parfois, jamais de façon hasardeuse mais bien calculée. Celui-ci va amener du détail qui fait sens, juste ce qu'il faut pour donner de la profondeur au titre.
On retrouve aussi ce travail sur les ambiances et les atmosphères que le trio maitrise complètement. Si la marque de 'The fate' est là, il y a une évolution sur l'approche et la façon de les construire. C'est plus intense, renforçant les aspects émotionnels qui marquent aussi la musique du trio. Et le spectre proposé est assez dense là aussi, tablant sur la mélancolie mais aussi des choses plus joyeuses et d'autres plus dures.
Et il y a les structures que nous proposent le trio. Là aussi, on retrouve des structures parfois alambiquées, qui nous maintiennent dans leur univers et nous concentre plus dans leur musique, nous amenant ainsi de la réflexion par ces fameuses structures, qui n'hésitent pas à aller prendre des éléments d'autres styles (jazz, blues et j'en passe) qu'elles intègrent à leur stoner (oui, je simplifie).
Il y a aussi cette façon d'intégrer des symboles qui est présente, de façon plus marquée ici mais aussi de façon plus subtile (ou pas, au besoin). Cela se retrouve aussi bien sur l'artwork que dans les textes et peut-être même certaines structures intègrent cette donnée.
L'album renferment deux interludes, qui scindent l'album en trois partie. La première démarre de l'intro et va jusqu'au 4è titre 'Borderlands'. Cette partie offre quelque chose d'assez léger, où l'énergie que déploie les dames amène des notions subtiles. C'est assez léger mais ce n'est pas nécessairement joyeux. Bien au contraire. Il y a une part sombre qui se dissimule dans les titres, abordant de façon délicate mais frontale les thèmes que leur album va explorer. Cette première partie amène ce côté puissant qui vient rencontrer une certaine finesse, offrant des contrastes, que ce soit dans la forme, le fond ou même la nature. Les titres semblent suivre une logique de développement (qui se fait aussi sur la continuité de l'album).
Il y a un travail sur les rythmiques et les tempos, pouvant varier fortement ou offrir quelque chose soudainement improbable, qui colle pourtant complètement au titre et à son contexte.
L'interlude 'grow' fait la transition avec la seconde partie qui se concentre sur deux titres. La tonalité est un peu différente, avec un peu de dissonance et d'altération au sein de 'Sprin harvest'. Et cela va impacter le jeu des instruments, glissant une ambiance singulière que le titre 'Cruel Nature' entretient, tout en jouant sur quelque chose de plus subtil et pointu Cela se retrouve en partie dans les mélodies mais aussi le chant, qui offre des variations qui font mouche. Le tempo est la clé du titre, jouant sur une notion lente, dégageant une lourdeur discrète qui est contrecarré par les riffs, plus lumineux.
L'interlude 'Melt' offre une sonorité et une approche smooth jazz, avec un son lo-fi. C'est un interlude important car il contraste avec le reste de l'album (que ce soit le côté lo-fi) ou le style qui le marque. Mais aussi parce qu'il ouvre la troisième partie, qui est certainement la plus sombre. Ici, les contrastes sont plus marquées, très nettement. Le jeu des instruments est encore plus impacté, avec le côté stoner qui est poussé plus loin, associé à la puissance du rock et cette approche pourtant en finesse du trio. Mais ce qui se démarque un peu plus, c'est la notion de lourdeur qui devient plus pesante, comme si le poids du monde reposait sur les seules épaules du trio. Si 'La ronce' reste encore assez proche des autres titres, 'Caffeine' introduit la dissonance assumée et cette lourdeur de plomb, avec une structure très particulière, qui glisse vers un paradoxe entre le chant et les parties qui s'y rattachent, plus jazzy mais qui garde un côté plus rugueux avant se se mêler à cette lourdeur. L'ambiance y est singulière car poisseuse mais en aucun cas étouffante. On retrouve sur les derniers titres ('Cassandra' et 'lost at sea') cette notion de lourdeur, avec un jeu plus spécifique, nouant le début de l'album avec son évolution jusqu'à 'Caffeine'. On y retrouve alors des relents de 'Melt', appuyant des moments smooth jazz lo-fi qui viennent en contraste avec la mélancolie puissante qui se rattache au chant (et qui intègre aussi la dissonance). 'Lost in sea' cloture l'album avec ce stoner pesant, ces dissonances et un rythme qui va progressivement s'altérer et ralentir, donnant plus d'impulsion à cette lourdeur avant de finir sur quelque chose qui place une lueur dans ce monde sombre.
On sent clairement qu'il y a vraiment une réflexion derrière tout ça, que ce n'est pas un simple album pour faire un album.
Le chant est très modulé, aussi bien au besoin des titres que par l'envie d'Eva de sortir des chemins déjà tracés, impliquant l'ajout d'un élément émotionnel dans le chant et modulant son timbre, pour mieux toucher ce qui écoutent. Il y a beaucoup de finesse et de subtilités mais Eva amène parfois des passages plus puissants, cassant la routine et impliquant l'auditeur.
Le son est très bon. La basse est bien présente. L'aspect années 70 du son n'est plus là mais le côté stoner / southern rock est plus marqué, donnant plus d'impact et de profondeur à l'album. On a une notion plus subtile qui vient avec les quelques éléments qui s'éloignent du matériel de base, ouvrant des horizons qui s'intègrent complètement à la musique. Il y a un vrai travail de composition mais aussi de traitement du son et des arrangements, confirmant l'identité sonore du trio.
Grandma's Ashes s'est lâché avec cet album, qui confirme que le trio sait ce qu'il veut et que les dames maitrisent leur approche singulière mais efficace. Manque plus que de voir le trio en concert, pour parfaire le tout!