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Think of it

Pamplemousse

A tant rêver du roi

3 juillet 2023 à 15:05:55

Dématérialisé

2023

9 titres pour 36'46''

Une petite vidéo:

Pamplemousse est un agrume dont l'amertume me rebute et dont je ne comprend pas pourquoi les gens apprécient cette diablerie. Mais ici, ce n'est pas ce qui nous intéresse, je me suis déjà égaré.
Pamplemousse est un groupe réunionnais qui débarqua avec un album en 2017 puis un second en 2019. Badaboum, en 2021, changement de line-up et le groupe devient duo et en 2022, celui-ci enregistre le nouvel album, sorti en mars et qui nous intéresse ici. Le groupe a une base plutôt punk noise mais, évidemment, comme de par hasard, ce n'est pas si simple... et tant mieux!

'Mexican boy' ouvre l'album et pose des bases intéressantes, avec ce punk noise qui se teinte de sonorités plus grasses et qui d'entrée va poser une certaine tension - se traduisant par un sentiment d'urgence qui va suinter sur tout l'album - mais aussi quelque chose de plus surprenant, jouant avec un aspect plus antagoniste car appelant des émotions (j'explique plus loin, tu vas voir, c'est facile (oui, je vais te tutoyer maintenant, depuis le temps, on se connait un peu)). Mais ce n'est que le début de l'album et le duo va rapidement implanter d'autres éléments, qui même si parcimonieux, vont amener un effet certain.
Ce premier titre nous permet aussi d'appréhender le chant de Nicolas, qui s'échappe quand même des sentiers battus et va explorer quelque chose d'inhabituel. Que ce soit l'approche ou le traitement. Mais ce titre amène aussi, dans son début, une notion singulière de la mélodie, qui va jouer sur la texture de la musique, notamment l'aspect des opposés qui se complètent, parfois étonnamment.
Le duo va ainsi tisser une trame qui sert de fil rouge, plutôt abrasif celui-ci, jouant avec les codes musicaux mais aussi les patterns de la batterie (il y a pas mal de recoins à explorer ici), sans compter l'idée que le duo à des sonorités et des traitements voulus.
Cela engendre des titres qui déploient une certaine urgence. Alors, oui, rien à voir avec l'urgence que l'on retrouve dans du grind, bien évidemment. Il y a nettement plus de subtilités ici. Mais cela n'empêche pas le duo de jouer avec les rythmiques. Et cela amène des passages parfois chaotiques, propre à la noise, mais avec, systématiquement, cette approche soignée qui fait appel à un ressenti émotionnel.
Et enfin, il y a une approche de fonctionnement avec un système de boucles que pose le duo, amenant une atmosphère singulière parfois, un peu déstabilisante au début mais qui va très rapidement devenir essentiel à la forme musicale du duo. Et avec ça, je crois que j'ai fait le tour globalement de la présentation de la musique.

Mais bien évidemment, ça va nettement plus loin, offrant de nombreux recoins et des strates que l'on découvre au fur et à mesure de l'album, jouxtant une forme de colère (issue de la base punk noise), déployant quelque chose de plutôt sombre mais qui, étonnamment, va engendrer une énergie positive. Car derrière cet aspect un peu brut et sombre, il y a une approche plus lumineuse qui va s'exprimer. Mais de manière subtile, avec beaucoup de finesse, amenant un contraste avec les titres qui offrent des moments de charges, très punk dans la gestion des rythmiques et n'hésitant pas à donner quelques passages plus destructurés, voire à glisser une notion de chaos, (faisant écho à l'aspect sombre). On a un mélange entre rage, hargne et une forme de résignation résiliente. Et on se prend ça en pleine face, sans trop s'y attendre, créant un effet où l'efficacité est là, en plus de refermer un piège attractif dans lequel tu es tombé.
Mais où le duo va loin, c'est qu'un titre va se détacher du reste, amenant un aspect plus posé et donner un côté plus poétique à la musique du duo. Et c'est comme ça que se pose le titre 'One millions doors': quelque chose de posé, avec une véritable approche émotionnelle, contrôlée mais sans pour autant renier la base de leur musique. Le duo dévoile juste une facette plus en retenue où les émotions se font plus puissantes, viscérales. Et d'amener dans les mélodies quelque chose de plus profond, nous permettant alors de percuter que les titres précédents et ceux qui suivent ont une profondeur qui va plus loin que ce que l'on entend, notamment quand on va focaliser notre attention sur la musique.

Et cela ouvre une sorte de boite de pandore (mais à la cool celle-ci) où un flot d'éléments et de structurations explose à nos esgourdes, nous mettant devant le fait accompli: Pamplemousse est bien plus riche qu'il n'y parait, faisant montre que le duo maitrise son approche. Et amène une certaine réflexion, lié à la forme musicale et ses ramifications, par les structures ou les changements qu'amène Pamplemousse. Et cela va nous emmener dans des méandres étendus de leur punk noise, jouant avec la mélodie, les émotions et des variations qui maintiennent l'intérêt de bout en bout. Et c'est comme ça que l'on tombe alors sur 'Cactus', un titre qui marque lui aussi une différence avec le reste des titre mais prenant un chemin différent de 'One millions doors', jouant de façon plus nette avec les sonorités et le jeu de la batterie, en même temps qu'il y a un traitement des rythmiques différent.
Et cela me permet d'évoquer la durée des titres. Conventionnellement, les titres ont tendances à suivre une logique ou un schéma dans les albums. Pamplemousse s'en cogne de manière magistrale et va offrir des titres faisant aussi bien 2'20 que plus de 6'20'. La durée ou la forme n'est pas la finalité chez eux. C'est plus la puissance, le ressenti et cette notion de casser un peu la norme pour tracer sa voie qui nous fait naviguer dans leur univers. Et là dessus, 'La ballade de Steve' (qui clôture l'album) est une sorte de condensé du tout mais dans l'idée de l'approche du duo, allant nous emmener de quelque chose de plutôt posé, subtil vers des recoins noise, où le travail va se faire sur des sonorités et quelques changements structuraux mais avec une finesse assumée.

J'ai parlé des patterns de batterie, sans trop rentrer dans les détails. Il faut savoir que Sarah offre un large éventail de jeux et des boucles, glissant des éléments qui sont parfois plus proches d'une approche tribal ou rituel, jouant avec la binarité du punk ou offrant des moments plus alambiqués, jouant avec la destructuration (-entre autre, c'est assez large). Cela implique à la fois de la retenue tout comme une approche plus frontale et directe, impliquant moins de finesse et plus de choses en pleine face. Et c'est là que l'on sait que l'ensemble guitare et batterie est indissociable même si le duo va poser des moments en contradiction avec cette phrase. C'est avec le recul que l'on percute sur cet aspect.

Le chant est singulier. Nicolas offre un chant qui change, avec des effets dans la sonorité. Il est marqué par l'urgence mais aussi habité par l'émotion, offrant un chant modulé, traversé de moments suspendu, offrant un contraste avec la musique elle-même. Il arbore deux facettes: une plutôt frontale, brute et une où la subtilité apparait en arrière plan, posant des lignes de chants qui vont structurer les titres et amener des strates, sur l'album. Sarah arrive parfois en plus, donnant une notion de chœurs singulière, qui colle parfaitement à ce qu'engendre Pamplemousse mais qui pose aussi un contraste vocal plutôt subtile, les deux chants obliquant vers la même forme mais les timbres étant différents. Et cela crée une ambiance particulière, juste avec cet aspect.
Le son est abrasif, avec des sonorités torturés et un traitement bien marqué. Abrasif mais dégageant un côté plutôt chaleureux, de façon étonnante. On retrouve dans le son cette notion marqué par l'approche punk noise du duo mais traduit de façon sonore. Même si la base est un ensemble guitare - batterie, il y a beaucoup de subtilités et de profondeur, sur lesquelles les chants viennent se poser, aucun n'empiétant sur l'autre. L'approche et le traitement du son est peut-être singulier mais on y trouve cette sacro-sainte cohérence que j'apprécie.

Pamplemousse est une invitation à un voyage dans un univers singulier. Sous un aspect paraissant un peu sombre, on tombe sur un duo très accrocheur où la richesse musicale explose, nous submergeant sans prévenir d'un flot d'émotions et d'une approche jouant avec les codes. C'est étonnamment addictif et je vous le conseille franchement, offrant une bouffée d'oxygène de par son approche bien singulière, nimbé d'une certaine poésie.

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