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The seven crowns

Trounce

Hummus Records

16 novembre 2023 à 15:30:49

Dématérialisé

2023

11 titres pour 43'58'' (album) et 11 titres pour 57'46'' (live at Roadburn festival)

Une petite vidéo:

Trounce est un projet né en 2020 lors de l'enregistrement du 4è album de Coilguns. Jonathan Nido (voix, synthés, guitares) écrit les titres de l'album pour compenser le côté ultra exigeant et méticuleux de Coilguns, s'octroyant des moments plus fun, passant notamment par des programmations de batteries complètement folles. Ce qui devait ne rester qu'un projet est devenu un groupe si à son invitation au Roadburn Festival. Je passe les détails pour les parties batteries (qui ont eut besoin d'un batteur afin de pouvoir entendre un vrai rendu). Octobre 2022 voit l'accélération du projet, avec un véritable enregistrement, en partie avec des synthés. Alors, j'ai simplifié à mort l'historique, car mine de rien, le contexte est dense et assez long et la chronique ressemblerait à une nouvelle. Et du coup, l'album est sorti avec deux parties: le studio et le live. Je me suis concentré sur la partie studio (sous forme de duo avec au chant Renaud Meichtry), le live ayant les titres dans un autre ordre (et une configuration de membres plus denses, avec plus de voix) et me laissant un plaisir d'écoute sans avoir besoin de me concentrer dessus (juste une évocation).

Donc l'album se présente sous forme de 11 titres, qui, d'entrée, voient un déferlement de violence et un ordre par le chaos émergé. C'est très psychotique comme approche, avec un défouloir absolu, un côté fun et décomplexé. Et, contrairement à certains groupes vus en live, ici pas besoin de chercher la noise: elle s'exprime sans détour, de manière frontale, en se confrontant avec un mélange de metal extrême siphonnant un black assez dur mêlé d'un punk presque raw et d'éléments rock totalement hybrides. Cela commence directement par un assaut en règle.
L'album a vu sa genèse par les parties batteries, qui servent de support aux guitares qui délivrent des riffs à la fois massifs et dans le même temps, à l'image des parties batteries, complètement folles. Si le but de base était avoir un côté fun et décomplexé, pas de doute, on y est. Mais il s'y mêle de la folie furieuse, avec une approche qui pourrait faire tiquer sur la santé mentale des protagonistes tout psychiatre psychorigide (les autres psychiatres s'en taperaient). Et du coup, ça délivre des structures très singulières parfois, l'aspect chaotique dominant et imprimant de son désordre pris à la noise les structures et les morceaux.
On se retrouve face à quelque chose de particulier, visant le dantesque, jouant avec le grotesque (mais en le mettant à son avantage) et ça m'a directement accroché, avec cette volonté d'offrir une pure raclée. Il n'y a pas de concessions, pas d'instants de répit: c'est volontairement destructeur, destructuré, chaotique, réussissant portant, dans tout ce bordel chaotique, à sortir un ordre clair, précis, offrant un contraste marquant par rapport à l'essence même du projet.

Et malgré ce flot de violence et de brutalité, que ce soit par la musique et ses structures folles, le rythme soutenu et la démence qui suinte, Trounce apporte aussi une touche de sensibilité, jouant avec de brefs moments posés, où la musique va déployer une aura différente, presque onirique, s'accompagnant alors d'un chant lui aussi plus calme, allant chercher parfois une lumière dans l'obscurité du chaos. Et c'est ce qui, paradoxalement, caractérise le mieux l'aspect noise, en renforçant les structures et certains patterns de batteries.
Mais le côté onirique dissimulé peut aussi s'exprimer dans les phases les plus virulentes à travers des riffs plus posé, très ciselés, regardant en face un black assez vénère qui laisse s'exhaler un peu de mélodie, rendant le tout très structuré. Ce qui est un vrai contraste par rapport à l'aspect complètement décousu qui existe ailleurs.
Et c'est avec ces deux aspects majeurs (l'onirisme parcimonieux et la brutale violence décousue) que le groupe crée une trame puissante, jouant avec des codes qu'il intègre et digère, les détruisant pour mieux créer autre chose (parfois titillant un côté indus un peu sale ('The circus')), dévoilant un aspect plus martial, à l'opposé de ce que l'on attend mais pourtant complètement cohérent au contexte. Mais est-ce là le plus fou?

Le plus fou, à mon avis, est clairement ce melting-pot de genres, allant du black au punk, en passant par un rock protéiforme où la noise sert de catalyseur. Car celle-ci est le moteur de l'ensemble et sur ça, le groupe joue un autre élément que je n'ai pas évoqué. Si il y a inconditionnellement un coté brutal et massif, le groupe amène aussi une lourdeur qui a son importance. Pas une lourdeur omniprésente, mais une lourdeur impacté par la noise.
Celle-ci survient souvent dans l'album mais sans aspect régulier: elle vient par le chaos, asséner son effet terriblement efficace, jouant avec une étrange légèreté pouvant apparaitre dans les parties les plus tordues ou brutales et arrivant alors soudainement, oubliant le concept normalisé des transitions. Car, comprend moi bien: il y a des transitions mais qui ne sont pas du même acabit que celles dont on a l'habitude. Sont-elles d'ailleurs de notre monde et de notre époque? Car elles sont là, présentes, palpables. Mais complètement improbables et surtout, certaines se basent sur un aspect lié à la basse, avec une sorte de hammer bend (oui, je sais, c'est différent mais ici, la folie se trouve aussi dans les détails) très gras et soudain, entre distorsion et infra basse soudaine. Mais pas que ça. Car le groupe propose finalement un large spectre de transitions, parfois très surprenant avec du recul mais qui, dans le moment est totalement cohérent avec l'ensemble.

Et tu te doutes qu'il y a quelque chose d'autre, quelque chose de lié à la folie: un truc vicieux que le groupe maitrise: des putains de breaks soudains, à te détruire les 7 cervicales (je pense que c'est le but secret de l'opus). Car le groupe, malgré les pulsations démentielles et la brutalité qu'il assène, avec un sens du dérisoire absolu, balance parfois de soudain breaks, de ceux qui amène une rupture violente (et bim, une autre forme de violence, en même temps qu'un lien vers le côté noise). Ca n'a rien d'aléatoire mais pourtant, ça fait cet effet alors qu'au fond de soi-même, on sait que c'est quelque chose de très réfléchi et que tu comprends que derrière l'aspect décousu, noise et le chaos, il y a une réflexion pour mettre le tout bout à bout et que cela tienne, à travers une cohérence puissante, malgré le conditionnement purement bordélique.
Et en prenant l'ensemble, au-delà de l'injection d'éléments punks (alors, pas le punk à la Sex pistols mais les formes radicales), le groupe aborde une mentalité punk qu'il mêle à sa noise, livrant à nos oreilles avertis plusieurs niveaux d'écoutes ou d'assimilations, au choix. Ca a beau être un projet de base fun, ça n'en demeure pas moins réfléchi et abouti. Même si le groupe joue à estomper les codes des styles, il garde néanmoins quelques repères et des éléments dans son ADN, pour mieux ancré sa musique et son approche dans l'un des rejetons du punk, venant de courants bruitistes.

Les chants sont intéressants car complémentaire, en même temps qu'ils vont aller dans la folie mais aussi jouer sur les trames, jouant avec les codes, principalement du black, du punk et, évidemment, de la noise, où ils sont les plus intéressants et stylés. Choix assumé et cohérent avec l'ensemble. Les deux chants jouent aussi sur les tonalités et les timbres de voix, signant à la fois une entité black et la noise
Le son est très intéressant. Il a un coté gras, joue sur la lourdeur et son contraire, appuie des éléments très destructurés et d'autres à l'opposé, jouant l'opposition clarté / saturation, le tout avec de la puissance et un son d'excellente qualité. Les instruments sont présents, très audibles malgré l'appropriation de codes issu de la noise (sur les notes très basses par exemples). Les chants sont à l'équilibre et très importants aussi, vecteur d'une folie proche d'une schizophrénie.
Et tout ça, tout ce bordel qui engendre un ordre dans le chaos livre un album dantesque, inattendu et massif, qui ne fait pas de concessions.

Un petit mot concernant l'aspect live: celui-ci à un son vraiment excellent et c'est d'autant mieux que l'aspect onirique développe un coté ambient (porté par les voix féminines qui se joignent dans les parties violentes aux deux chants studio). Le live donne une autre dimension: tu reprends ce que j'ai écrit au-dessus, tu boostes le tout et tu ajoutes cet aspect onirique plus marqué, avec cette touche ambient. La folie y est plus folle, la noise plus puissante et l'essence du groupe en est sublimée.

Une découverte à faire, absolument et sans détour. Si tu es fan de metal extrême, de noise ou de musique dense, décomplexée de façon assumée et pourtant terriblement réfléchie, achète l'album et offre toi deux voyages différents dans la même trame, entre le studio et le live. Un album qui rejoindra ma collection.

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