

MARGOTH 5
PDF5
The great suffering
Vain Valkyries
Autoproduction
14 mars 2023 à 14:29:22
Dématérialisé (dispo en CD et vinyle)
2023
10 titres. Durée: 34'38''
Une petite vidéo:
Vain Valkyries est un duo de frère normand auteur d'un premier Ep en 2019 (Party On Deimos) et qui nous arrive de nouveau avec leur premier album. Alors, une question doit vous brûler les lèvres: que font-ils? Ben évidemment de la musique (oui, elle est facile celle-là). Plus précisément, c'est une autre paire de manche. On voir dire que les frangins officient dans un rock saturé. Sans plus rentrer dans les détails, car c'est une petite dinguerie, en même temps qu'un truc qui sort des sentiers, que l'on a ici.
Si l'album s'ouvre sur une intro atypique, c'est normal. Mais on reste encore sur quelque chose de proche de la normalité. Car dès que le morceau se lance, terminé les repères. Il y a deux éléments clés qui apparaissent et qui seront les guides: une lourdeur (parfois incroyable) et une approche de la batterie qui livre des patterns complètement hallucinés, balançant des breaks, des changement de tempos ou encore offrant une variation de la nature du jeu. Et ce n'est que le début, parce que ce titre ('resolutions') n'est qu'une mise en bouche.
Rapidement, on veut avoir des repères, venant des influences. Et là, c'est à la fois vaste et vague, ce qui permet au duo d'offrir des titres très variés, très accrocheurs, aux milles ambiances mais qui partagent tous cette lourdeur et cette approche rythmique, n'hésitant pas à verser dans des parties chaotiques (et ce sans être nécessairement dans la rapidité), noyant l'auditeur dans un flot disruptif où la quête de repères est parfois une lutte. Et là, ce n'est pas un défaut, c'est clairement assumé et voulu, créant une ambiance complètement folle, cultivant une approche qui se veut une rupture avec les règles établies.
On a quelque chose qui va passer d'un rock bien défini à des choses nettement plus alambiquées ou même tordu, qui glisse de façon impromptue dans une lourdeur poisseuse, bien collante et qui soudain, sans prévenir, va lâcher des patterns pouvant être binaire, complexes ou puisant dans le hardcore. Cela déclenche une déstructuration complète des titres, évoquant parfois une évasion dans un champs noise. Car oui, certains plans évoque la noise parfois. Et c'est diablement malin, car avec ça, les frères structurent les titres (enfin, offre des trames structurelles bien pétées parfois) en jouant aussi sur les tempos, les contretemps, quand ce n'est pas une opposition complémentaire entre la guitare et la batterie. C'est purement de la folie que les deux frères injectent dans leur album, une sorte de tornade qui va là où elle veut, sans se soucier de l'avis des autres.
Les titres eux-mêmes échappent aux standards définissant les titres. Comprenez que vous pouvez vous retrouver avec des titres qui vont s'échapper de la structure usuelle (voire même de leur propre structure) vers quelque chose qui tient d'un ambient dégénéré ('Daily dos of fun'). Et pour ce faire, il y a des recours assumés une une dissonance, une distorsion parfois primitive ou encore une approche singulière de la sonorité de la guitare (le rack d'effets doit être conséquent). C'est barré mais réfléchi, une approche simple mais à la complexité de réflexion. Car parfois, ça part n'importe où, comme, au hasard, comme ça, du black teinté de noise ('No reply'). Les deux frères sont fous, assurément. Mais géniaux car ils balaient du revers de la main nos repères et balance leur vision musicale, naviguant de phases parfois oniriques à des choses plus primitives et frontales, à travers des transitions courtes mais terriblement efficaces et retorses.
Mais c'est aussi autre chose, qui va plus effleurer un aspect abstrait et irréel. Le duo a un sens de la mélodie qui rapproche la subtilité et la finesse avec une pelle à neige, offrant un contraste constant (que l'on a déjà par les patterns de la batterie mais aussi dans le flux des variations de styles, des breaks, des incartades soudaines...). Et le duo va très loin car le contraste se joue aussi entre la musique et les histoires des titres, étant toutes macabres où la folie n'est jamais loin (et se transcende à travers la musique). L'album est une ode à la folie mais en prenant un angle d'attaque qui élimine vraiment les repères. Et qui rejoint là encore le concept de contrastes, du fait que leur pose de leur repères va complètement changer la donne face à nos repères.
Et ça ouvre quelque chose de délicieusement abscons, du fait de cette approche qui élimine et brouille les repères. Mais qui se recoupent aussi à travers les thèmes abordés et la musique en elle-même. Leur musique n'est pas simple, loin de là et c'est ça qui fait mouche, du moins en ce qui me concerne, faisant travailler l'intellect en même temps que d'offrir du plaisir et une évasion par ce biais. Et qui ouvre une envie de voir ça sur scène, cette folie prendre forme.
Le chant est lui aussi un peu à part. Non pas dans la technique ou le timbre mais dans la façon d'être. Le chant a en effet quelque chose d'un peu irréel lui aussi, poussé par quelques effets ici et là, qui renforce cet aspect et qui colle du fait aux thèmes que le duo explore et qui ajoute à cette improbabilité, glissant parfois vers un onirisme qui a un pète au casque. Le chant est ainsi modulé, amenant différentes ambiances.
Le son est excellent, amenant aussi bien un côté pesant mais cultivant aussi les contrastes. Il y a un travail sur les sonorités de la guitare, amenant ces incursions ici et là. La batterie offre un côté assez compacte avec un impact intéressant entre les caisses claires et la grosse caisse, amenant une identité forte. Le groupe offre aussi des arrangements qui viennent enrichir leur musique et ouvrir des fenêtres sur des sphères non définies, collant complètement à leur approche.
Vain Valkyries est une sacrée découverte, une sorte d'improbabilité qui prend vie. C'est contrasté, chaotique et pourtant, il y a un côté fluide, laissant les titres passer sans aucun accrocs. C'est efficace, avec un côté barré et très bien ficelé. Une idée simple à l'approche complexe, réfléchie. Essayer de ne pas passer à côté et moi, j'espère voir les normands dans le coin à l'occasion.