MARGOTH 5
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The day of the damned
Scorched Earth
Music Records
7 novembre 2024 à 15:57:40
Dématérialisé
2024
9 titres pour 46'08''
Une petite vidéo:
Scorched Earth est un quatuor toulousain qui a sorti en juin son premier album, comme ça, sans prévenir, en jouant la case du death metal. Alors, je vois poindre en toi une question: quoi qu'est-ce donc comme forme de death?
Le groupe joue la carte d'un death sombre, plutôt morbide, avec un sérieux côté dark death parfois, évoquant Immolation dans les sections plus lourdes. Je précise ça car le groupe navigue dans le death, en effleurant diverses rives du genre, qu'il entremêle au sein de sa musique. On a aussi bien des aspects plus proche du brutal death d'un point de vue musical que du dark death, quand il n'intègre pas des choses très différentes au sein des structures des titres. Et crois moi, la manière de faire du groupe est assez particulière.
Ces jeunes fous furieux y vont avec à peu près tout ce qui leur tombe sous la main et notamment cette gestion rythmique / tempo particulière qui développe deux aspects dans sa forme. La première est assez classique avec une alternance de tempos, tantôt rapide, tantôt plus lourd. Enfin, classique oui et non. Parce que l'alternance ne suis pas nécessairement une règle définie et le groupe distille quelque chose qui est parfois chaotique (les patterns de la batterie offrent des moments de bravoures et de défouraillage en règle, jouant avec les éléments de la batterie), collant très bine à l'ambiance que l'album exhale.
L'autre est plus étrange: on a un jeu des riffs rapides sur un tempo lourd, poisseux ou, plus fou, des riffs trainant la patte, de manière à amener un malaise, qui contraste avec la rythmique soudainement sous acide. Ca génère quelque chose de puissant, notamment dans l'aspect très sombre, déclenchant, clairement, un danger pour les cervicales en ayant un côté rouleau compresseur.
Mais le groupe ne se borne pas à ça. Il y a pléthores de rythmiques, pouvant offrir un appui sur l'aspect morbide aussi bien que le côté horde de mammouth en rut sous acides qui te course. Il y a énormément de passages de branlée, dus au nombreux changement de rythmes et aux breaks pouvant être atomiques. Cela engendre des structures rythmiques très variées, au sein de l'album, comme des titres, qui donnent un côté très riche et profond où l'ennui n'est pas possible. Car mine de rien, on en vient vraiment à prêter attention aux sections rythmiques, donnant de nombreuses formes (du moins, c'est mon cas). Mais ce n'est pas tout. Le groupe joue aussi sur d'autres plans, vicieux ou retors. Ou les deux. J'hésite encore.
Et il y a un aspect plus martial qui, parfois et soudainement, débarque. Et là, si il te reste un bout de sourire, crois moi qu'il va partir. Cet aspect est souvent lié avec les passages jouxtant la lourdeur pour mieux amplifier l'efficacité et l'aspect brutal de la musique. C'est clairement une machine de guerre.
On ne peut pas passer sous silence des éléments entre la structure musicale et le son. Le groupe propose une approche où les altérations sont présentes, ajoutant à ce malaise et au côté morbide et sombre. Ce qui est intéressant, c'est que l'usage n'est pas automatique ni systématique mais arrive vraiment sur certains segments. Parfois on s'y attend, dans le contexte et parfois, le groupe nous surprend, en plaçant un plan assez fou, avec cette altération soudaine ou une modulation du son, toujours dans le but de créer un malaise qui nous relie à la base du groupe et au concept qu'il développe (le premier et le dernier titre offre une globalité où les autres titres vont explorer des facettes précises).
Le groupe glisse aussi de la dissonance, plus caractérisée dans les passages chaotiques ou ceux qui pose une alternance vraiment rapide de la lourdeur et de fulgurances. C'est très immersif, captant l'attention et ajoutant à la cohérence de l'ensemble, ajoutant même un catalyseur glissant vers une forme de démence.
Et il y a les moments où le groupe va changer les codes musicaux, posant des passages pouvant suinter de blues rock gras ou de heavy rock avec de la pédale wahwah- en gardant un lien avec le death en retrait - ou en jouant sur le jeu des structures et des repères qu'il nous a imposé, s'amusant à brouiller les pistes. Quoiqu'il en soit, c'est l'efficacité qui est visée, avec réussite.
Les titres offrent aussi une ambiance particulière, appuyant vraiment cette idée d'un dark death plutôt vénère pour le coup. Et le quatuor propose ainsi des titres aux durées variables, amenant au-delà de la variété un effacement des repères, sans que les titres ne deviennent ennuyeux et gardent toujours l'aspect raclée violente, notamment par la distillation du côté chaotique. On sent que les titres sont bâtis pour le live, pour bien te niquer la face, les cervicales et peut-être laisser des corps fumant après un set.
Le chant est, en toute logique, guttural. Il est entre le brutal death et l'évocation du chant d'Immolation, en jouant parfois sur un côté plus trainant. Lui aussi aime nous perdre dans les recoins et nous faire égarés nos repères. Il est très marquant, avec un timbre chargé de glaires parfois, jouant vraiment sur l'aspect morbide / sombre.
Le son est excellent. Massif, puissant, gras, avec une basse bien présente, apportant de la lourdeur que la rythmique s'approprie. La batterie joue avec des éléments plus en avant et d'autres un peu en retarit, glissant une stratification de la musique qui rejoint l'esprit du death que le groupe véhicule. Il développe aussi un grain particulier, un peu abrasif. Les guitares offrent deux niveaux d'approches, permettant de coucher des strates de riffs, jouant le contraste ou la complémentarité, au besoin. Mais il sait aussi s'offrir des moments plus fin, notamment dans les aspects moins death qu'il y a parfois, jouant sur la profondeur. Le chant est bien audible, en équilibre avec la musique.
Scorched Earth livre un premier album violent, sombre et foutrement bon, nous offrant une première offrande très efficace, qui laisse présager la guerre en concert. Une machine de guerre que je te dis! Un album insdipensable!