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The dark pharaoh

Anksunamon

MTAF records

31 janvier 2024 à 10:12:54

CD

2023

11 titres pour 38'05''

Une petite vidéo:

Anksunamon est un groupe lyonnais orienté brutal death formé en 2000 et possédant à son actif une démo (2001), un premier Ep (Maah's pyramid en 2004) et un album (In the Kingdom of Seth en 2020). Et la suite est donc avec ce 'The dark pharaoh' sorti en 2023.

Alors, Anksunamon, c'est un peu particulier pour moi, connaissant l'existence du groupe depuis 2004, par son premier Ep. Et du coup, là je redécouvre le groupe, avec une évolution de presque 20 ans. On est bien tenté de faire un lien avec Nile, pour le style et les introductions / ambiances ponctuant ici et là l'album mais ce serait une erreur, Anksunamon ayant un angle thématique différent et une exécution de son brutal death plus singulière.
Car Anksunamon pose une vision particulière du brutal death, jouant sur la ligne ténue entre brutal death et death plus conventionnel. Et là, on obtient quelque chose de très intéressant car le groupe joue avec les codes inhérents à chaque variations, en plus d'amener des atmosphères évoquant l'Egypte (de par certains riffs, des structures, qui évoque Nile ou même Yzund), très arabisantes. Structurellement, on a la cohabitation des deux styles, pouvant s'affronter parfois, créant à la fois une sorte de contraste et en même temps une complémentarité sous un angle singulier. Comprend que le death peut soudainement se retrouver faire à un mur de fulgurances ou les structures rythmiques peuvent soudainement changer (sans que cela choque puisque logique dans l'approche véhiculée par le groupe).

Cette façon de faire lui permet de moduler les tempos et de pouvoir créer dans la musique des structures complexes, intégrant divers mécanismes qui apportent aussi bien à l'ambiance qu'à la brutalité de la musique. On peut y trouver des moments très saccadés, tranchés, qui installent une sorte de malaise, brièvement (ça lie la musique aux thématiques que je vais évoquer plus loin). Et ce mécanisme revient dans différents passages, modulant aussi la musique que le chant qui s'y appuie. Mais il impacte aussi la musique elle-même, en permettant au groupe d'amener des breaks vicieux ou de pouvoir glisser quelques lourdeurs qui ne sont pas sans évoquer de lointains relents doom dissous dans le marasme du death de Anksunamon, surtout lorsque celui-ci va appuie sur cette lourdeur.
Certains passages sont d'ailleurs emblématiques, comme la voix féminine déclamant presque son texte sur un passage très soutenu, engendrant deux niveaux d'ambiances en une même structure, affectant de manière plus frontale le malaise ou le côté malsain qui se dégage. Il y a ainsi des éléments qui vont plus évoquer quelque chose de cultuel, sous un angle plutôt sinistre mais à l'efficacité redoutable, car utilisé avec parcimonie.
Anksunamon pose des bases parfois surprenantes car il injecte dans les structures et les riffs des gammes différentes (notamment des gammes arabiques - le groupe me corrigera au besoin), apportant de la variation et surtout cet appuie sur l'atmosphère et l'ambiance particulière qui suinte de l'album. Mets toi bien en tête que l'obédience est clairement sombre, voire sinistre (et de nombreux éléments jouent cette carte, avec des altérations de riffs, des structures suivant des arcs étranges...) et que c'est aussi une des raisons des lourdeurs ou de la pesanteur des titres et du choix de mêler deux styles proches avec pourtant des différences majeures.
Et la manière dont le groupe tisse sa trame donne une grande variation et qui se retrouve dans de multiples détails, que ce soit les insertions clairement arabisantes, les atmosphères aux puissantes évocations ou encore les associations qu'il fait avec notre imaginaire collectif mais, petits vicelards qu'ils sont, en le pervertissant, pour garder cette idée de malaise et d'obscurité s'abattant sur nous. Et ce, tout au long de l'album, en glissant ce qui est clairement une progression d'un cauchemar vers son versant devant tangible et une réalité. L'album semblant suivre une certaine progression jusqu'à ce qu'il semble amener l'avènement d'Apophis (mon raisonnement suit un peu plus loin, avec les thématiques).
Mais le groupe l'utilise aussi pour la structuration des titres mais aussi de l'album dans son ensemble, pour guider l'auditeur vers ce qu'il veut nous montrer. Et pour cela, il n'y va pas en mode tranquille. Mais choisit la rapidité. Car oui, même si il y a du death assez classique ici et là, il reste rapide et les fulgurances brutal death ajoutent à une urgence, créant une étrange imprécation qui se distille rapidement dès le début et va servir à ton plonger à la fois dans l'univers du groupe mais aussi le cauchemar dans lequel il t'a plongé.
Car tout ce qui fait la musique du groupe nous emmène vers les sujets et les thématiques. Et celle-ci sont corrélées entre elles, créant une sorte de multivers qui jette des passerelles et crée une possible version dystopique de notre histoire. Car Anksunamon, mine de rien, propose une lecture singulière de l'histoire.

Anksunamon développe en effet une trame, mêlant mythologie (égyptienne et lovecraftienne (ne serait que l'artwork qui en dévoile une part)) et histoire. Et là, il peut être utile de regarder en arrière, avec les autres productions du groupe, car il y a une progression dans le plongeon des abysses. Et sur cet album, le groupe met encore plus en place les pièces du puzzle, dévoilé depuis leur début.
L'artwork glisse ainsi l'idée d'une dystopie où les anciens égyptiens vénéraient des pharaons et des dieux, dieux qui n'étaient qu'autres que les grands anciens de la mythologie lovecraftienne (Nephren ka, Azathoth...). Et l'album développe donc, dans la continuité du reste, la focalisation sur Nephren Ka (the dark pharaoh), sur son culte, ce qui en découle et gravite autour, servant de précurseur à l'arrivée d'Apophis (Chtulu). Mais en s'appuyant sur des éléments tangibles et concrets (certains lieux), ancrant l'album dans une réalité alternative qui pourrait être la nôtre. Et c'est ce qui permet au groupe de tisser la trame de sa musique, qui va suivre l'évolution de ce qui se met en place, de manière plus rapide, sur l'album et qui ouvre la voie à un autre chapitre. Le groupe joue ainsi la carte horrifique mais sans utiliser de clichés, jouant sur l'évocation (nécronomicon, la distillation d'une peur indicible...) et l'intégrant complètement à la musique. Cela lui permet aussi de s'offrir une ouverture vers un pendant plus mystique et surtout ajouter une dimension plus malsaine et blasphématoire, en amenant sur 'Apophis part one' une narration en hébreux, servant de lien entre la trame scénaristique, la dystopie et notre histoire. C'est malin, car le groupe va pouvoir explorer plus aisément son concept et certainement pouvoir le repousser dans ces retranchements, comme il le fait avec sa musique. La peur est l'une des entités qui se dissimulent derrière la trame de l'album, pointant vraiment vers ce côté horrifique.

Le chant principal est très caractéristique. Jouant avec les codes du death et du brutal death, il insiste parfois, de manière subtile, sur cet aspect horrifique que j'évoquais juste avant. Le chant est très chargé, très gras, guttural mais présentant aussi une facette malsaine et explorant certains aspects plus singuliers ici et là. Le groupe joue sur le malaise avec l'ajout de chants secondaire glissant de la profondeur ou une notion de plusieurs entités liées. Ca amène aussi une sorte de hiérarchisation des vocaux, plaçant aussi une importance aux placements des voix. Le groupe fait aussi appelle à Céline (Les enfants de Dagon) pour un passage sur deux titres, ouvrant une parenthèse sur un moment bref qui met en place cette idée de cultuel de manière plus sacralisé, sous une forme hybride de chant déclamatif. Et enfin, la narration en hébreux sur le dernier titre place habilement l'album dans une phase où celui-ci devient concret dans notre réalité.

Le son est puissant, assez gras, portant une importance sur les basses. On n'est pas sur des standards habituels et le son véhicule ainsi à la fois la peur, le côté massif des entités mais aussi la mise en valeur de Nephren Ka, en tant que pharaon. le son a un côté un peu grumeleux, très léger et va dans la logique de l'atmosphère et de la trame scénaristique. Ce qui fait que la batterie à des éléments plus en avant, associée avec les guitares. La basse va vraiment en association avec les autres éléments de la batterie, pour amener à la fois cette pesanteur et le côté massif et malsain. Le groupe intègre aussi des arrangements qui amènent les atmosphères évoquant l'Egypte ancienne, pour mieux poser le concept dans une réalité peut-être pas si alternative. Le son colle complètement à l'univers que le groupe déploie et fait que celui-ci, du coup, s'avère excellent car judicieux. De plus, le fait d'avoir cette tonalité lui permet de sortir du lot.

Anksunamon est de retour avec un nouvel album qui est une pépite du genre. Continuant à creuser le concept, le groupe lâche un disque dense que tout fan de death doit écouter, car étant assez ambitieux mais, surtout, renfermant une vision du death plutôt réjouissante. Fonce.

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