

MARGOTH 5
PDF5
Tales from the InBetween
Arkness
Autoproduction
26 mai 2022 à 14:46:24
Dématérialisé
2022
9 titres. Durée: 48'05''
Une petite vidéo:
Arkness est un collectif toulousain formé en 2019, autour de 4 personnes. Le quatuor évolue dans un metal progressif (et là, tu comprends que ça ne va pas être aussi simple) dont ce premier album tourne autour d'un concept de contes (où chaque titre est indépendant des autres, avec sa propre histoire).
L'échange avec Magali lorsqu'elle a pris contact et une écoute rapide m'ont convaincu de m'y poser. Et bien m'en a pris, honnêtement. Le quatuor s'est aussi entouré d'autres personnes, chacune amenant quelque chose de plus.
Le concept doit être un peu détaillé, permettant de mieux cerner encore les titres de l'album. A travers le voile et au-delà des murs, il existe un endroit où les fantasmes prennent vie, où tout est possible. Niché entre les opposés (obscurité, lumière; rêve, pensées éveillées...) c'est un lieu que l'on peut visiter mais dans lequel on ne peut rester: c'est l'entre-deux. Et chaque titre va explorer un possible, tout autant possiblement merveilleux que terrifiant. Mais en acceptant d'embrasser l'inconnu, c'est là que l'on sera libre. Voilà globalement l'idée.
Et du coup, cela aide encore plus à comprendre le projet (dans mon cas, j'ai écouté plusieurs fois avant de lier les détails, qui mettent en place des éléments de compréhension apportant un affinement des titres).
Le collectif nous emmène ainsi dans un voyage à travers l'entre-deux, nous servant de guide dans ce périple, qui frise peut-être parfois le voyage initiatique. Et aussi bien que les titres explorent différents lieux, la musique va elle aussi exploser les limites et ouvrir des passerelles entre des genres très différents. Et la musique du groupe, étant progressif, implique une certaine complexité et des strates de densités qui peuvent au début rebuter un peu. Mais cet écueil est très rapidement explosé, pour diverses raisons. Que ce soit la voix principale, les possibilités que le groupe offre, les ambiances collant à la thématique du titre, les structures, les jeux de tonalités... Il y a vraiment une épaisseur dans leur musique et si le premier titre 'Aquarius' amène un coté un peu électronique par le clavier (et une trame renvoyant à un univers aquatique tout aussi bien que les galères d'une traversée (notamment lié au temps), le second titre est celui qui explose littéralement le concept du groupe, dans la musique et son essence.
'Six steps of madness' est le celui qui met en place certains éléments qui vont être présent sur l'album. Et aussi c'est le premier titre qui montre le potentiel du collectif. Le titre brasse des éléments venant de différents styles, puisant certains du death (et ce n'est pas con du tout, le titre visitant une thématique autour du désespoir, que l'atmosphère du titre marque de son empreinte). Mais c'est aussi le titre où il y a des breaks et surtout des changements de rythmiques, qui se font en deux mesures, passant d'un registre à un autre, tout naturellement, explorant une autre sphère, tout en gardant l'essence du titre en ligne de fond (et qui est une grosse claque autour des 2'10'' la première fois. Et 'Aquarius' le posait déjà sur la table, celui-ci affirme le sens de la mélodie du collectif.
L'album tourne autour des ses thématiques mais en les liant à un ressenti émotionnel, lié exclusivement à, ce titre, chacun ayant sa couleur émotionnelle, balayant un spectre complet. Le groupe va jouer sur les structures et les rythmiques, jouant les codes des styles et n'hésite pas à nous mener parfois à la rencontre d'autres univers qui viennent en complément, livrant de réelles surprises (dont l'album ne manque pas), pouvant évoquer aussi bien une forme d'onirisme que de partir vers quelque chose de plus malsain, d'être dans une trame oscillant entre rock et metal progressif qui soudainement, de façon naturelle engendre du jazz. Le collectif offre un métissage musical complet mais toujours cohérent, sans offrir un quelconque désagrément de parties n'allant pas ensembles. Là dessus, aucune sens. Quelque soit le titre, on retrouve ce mélange et ces fusions de styles, clairement réfléchis dans les structures et les arrangements (je vais y revenir un peu plus loin). Les rythmiques offrent quelques moments où celles-ci nous capte et font que l'on va suivre les poussées plus agressifs en remuant la tête ou en tapant du pied, pris au piège de la machine que Arkness crée.
La densité de l'album n'est pas à craindre, étant très digeste, de part ce que j'ai déjà dit. Bien au contraire, cette densité permet au collectif de pouvoir creuser ses idées, générer ses mondes. Et cela tient sur un gros travail des rythmiques, très variées et amenant différents tempos, pouvant fortement variés dans un titre mais sans que cela soit aléatoire ou un coup de chance. C'est mesuré, calculé, afin de garantir cette cohérence dont je parle souvent. Ici, c'est encore plus le cas: il y a des éléments qui reviennent dans les titres, ne servant que de simple colonne vertébrale où la musique est rattachée, prenant toujours les soins de garder l'atmosphère du titre mais aussi d'offrir des moments épiques, si ce n'est très accrocheurs.
Car le collectif glisse vraiment dans les styles, pouvant offrir de l'indus couvrant les besoins d'un titre ayant recourt à un peu de death, sur lequel l'essentiel n'est pas sans évoquer des passages à la REM, tout en effleurant quelque chose de plus diffus, plus indéterminé et pourtant complètement raccord, avec une pointe d'onirisme, à l'image de 'Paradoxe' qui offre un titre volant sur de nombreux aspects, eux-mêmes cultivant un paradoxe.
Et on comprend alors que le collectif veut présenter quelque chose qui repousse les limites des musiques, les faisant tomber, pour engendrer un univers bien atypique où tout se retrouve, liant cette fois le concept même de l'album. Et c'est là que les arrangements viennent apporter les importances, l'album brassant en plus du quatuor les autres musiciens, venant d'autres sphères. On est dans une démarche purement artistique mais qui ne doit rien au hasard, bien au contraire. Et cela emmène les titres dans des champs musicaux que l'on aurait peut-être pas l'idée d'aller découvrir nous-même, engendrant parfois des passages terriblement forts dans la rencontre des styles. Et cela peut se ressentir, notamment avec le jazz, qui offre quelque touches ici et là, avant d'avoir une importance plus marqué sur 'Circus dazzling lights', avec son atmosphère très particulière, allant à la rencontre des différents genres se liant au jazz (et offrant un autre angle d'approche, à l'image de groupes comme Meslantea ou Etienne Pelosoff).
Le chant principal est très accrocheur. Mathieu a un timbre de voix très caractéristique, qui est l'un des éléments qui nous retient dès le début. Il évolue dans une gamme assez large. Mais celui-ci n'est pas seul et se complète avec d'autres chants, dont un féminin (qui rejoint le coté des opposés). Et cela offre des passages pouvant être très puisant émotionnellement ou aller vers quelque chose de plus intimiste, naviguant sur un certain onirisme. L'utilisation des chants est très intéressante, les tessitures des voix rencontrant les différents types de chants. Quelques rugosités de chants gutturaux ou saturés viennent parfois, créant une strate particulière, là aussi lié au titre. Le chant est un des aspects que le collectif aurait pu laisser un peu plus négligé mais le choix fait que mettre en valeur les voix ou les lignes de chants (parfois opposés) donne une profondeur au titre et permet de renforcer cette impression de voyage initiatique (qui trouve son point d'orgue avec 'the discovery of Arkness', presque monumental.
Le travail sur le son est aussi très important. Aussi bien la place des instruments de base (clavier, guitare, basse et batterie) que l'ajout des autres instruments, de façon judicieuse (le saxophone, les autres guitares et la seconde basse). Car les autres instruments sont clairement présents, apportant d'autres éléments clés à la musique et n'étant pas de simple faire-valoir aux instruments de base. Il y a une véritable richesse de ce coté là, sans pour autant tomber dans quelque chose d'ostentatoire. Bien au contraire, malgré cela, il y a de la parcimonie, ce qui rend la chose plus percutante. La basse est ainsi audible, reconnaissable et pourtant, il y a la seconde que l'on identifie clairement quand elle se présente, que ce soit dans une seconde couche ou par un besoin d'un jeu et d'un touché différent. Le clavier offre lui aussi un travail marqué, offrant des incursions dans d'autres genres tout comme poser des atmosphères ou appuyer des éléments plus essentiels. Comme je l'ai dit, les arrangements ne sont pas hasardeux ou bâclés, loin de là. Le collectif y apporte un soin particulier, tout comme le mixe de l'album qui garde toutes les subtilités que Arkness déploie (et il y en a énormément).
Bon, si vous ne l'avez pas compris, Arkness est une bombe dans le genre. C'est monumental, offre une réflexion à travers sa musique. Je ne suis pas très friand de metal progressif mais ici, on explose le genre, l'étiquette n'étant qu'une vague indication que c'est bien plus vaste que ce que l'on croit. Allez absolument découvrir se collectif et vous offrir un voyage valant clairement le coup.