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Sublime the decline

Mortuary

Adipocère Records

27 février 2024 à 16:23:07

Dématérialisé

2023

10 titres pour 44'02''

Une petite vidéo:

Mortuary est un groupe nancéen formé en 1989, avec à son actif plein de démos, 6 albums et deux Ep. Le groupe, culte pour moi, propose une recette bien à lui, mêlant death metal et autres styles bien vénères et que l'on pourrait qualifier sans honte de metal extrême pour simplifier. Fin 2023, le groupe a sorti ce nouvel album, qui nous intéresse ici.

Point de mystère, le groupe nous plonge dans le bain dès le début, en y allant directement par un coup de pied rotatif dans le foie. Pas de fioritures, le groupe y va franchement, déployant son death rapide, vindicatif et assez brutal, du fait des éclats savoureux injectés ici et là. Pas de pincette donc, pour déployer un savoir faire absolu et prouver son amour de la brutalité, avec une application certaine à le prouver.
Les rythmiques sont très massives, soutenues, avec des moments prenant un côté martial, qui généralement précèdent une soudaine fulgurance qui prend racines dans le grind. Ce qui permet ainsi au groupe de nous proposer des structures favorisant une brutalité véloce mais aussi une certaine complexité, qui va se retrouver à la fois dans le mélange des styles mais aussi à travers les riffs qui montrent eux-aussi un côté complexe mais sachant aussi apporter un impact direct dans la gueule, sans détour. Cela apporte dans la brutalité une grande variété et permet de tracer des esquisses d'ambiances dans une globalité qui laisse certains moments plus propices aux atmosphères mais aussi à distiller un certain malaise.

Le groupe met en place une carcasse musicale prenant aussi bien au death qu'au thrash (dans sa forme la plus radicale) et au grind. Mais en y mettant une approche mélodique dans certains riffs. Cela induit une certaines polarisations qui sert de contraste et met en valeur certains moments plus martiaux. Sur cette carcasse, le groupe va relier des éléments créant une cohérence et une continuité avec la violence mais aussi glisser, ici et là, quelques moments de répit, pour que l'on reprenne notre souffle. Car Mortuary ne fait pas semblant, ni dans la finesse, du moins dans l'approche cassage de mâchoires et jambes.
Le groupe tisse une structure de base dans sa chaque titre qui se fait sur la partie rythmique, qui oscille entre déboitage en règle et démence furieuse, jouant sur les breaks, les lourdeurs qui se juxtaposent aux riffs qui sont en mirage 2000 (un poil plus rapide qu'un TGV en somme).
Ces structures donnent le corps des titres où les riffs viennent apporter une modulation de la brutalité du groupe et habiller le tout pour y glisser des éléments permettant aux titres d'être différents les uns des autres, jouant sur des éléments de mélodies ou la méthodologie éprouvée du groupe sur les ruptures de temps, de rythmes ou de soudains breaks dangereux pour les cervicales. Le groupe joue ainsi avec les deux guitares, plaçant en alternance aléatoires des approches différentes comme des niveaux de jeux différents ou au contraire, un rappel l'une de l'autre. Et tout ça en s'appuyant sur les codes des styles que le groupe véhicule à travers son death, qui marque plus que jamais l'envie d'en découdre.

Mais où ça devient complètement fou (ou vicieux?), c'est que le groupe développe un album avec un fil rouge, glissant une vision de notre apocalypse. Ou plutôt de comment on y glisse et ce qui serait probable. Et c'est l'exploration de divers facettes, jouant avec des paraboles, qui vont faire le sel de l'album, qui ajoute un malaise et une dimension analytique voire cynique de notre époque.
Parce que blaster et déboiter ne suffit pas au groupe (c'est tellement facile), le groupe va s'octroyer le plaisir de nous emmener dans un univers sombre, mettant en lumière et sublimant le déclin de l'humanité (d'où le titre de l'album 'Sublime the decline'). Et les gars y vont joyeusement (en jouant avec des tonalités plus sombres).
Certains titres s'appuient sur le français ou une alternance des deux langues (soit les paroles en entier ou une section, servant d'introduction à une parcelle du cauchemar). Et cela lui permet d'aborder des thèmes durs, plutôt sensibles qui vont aussi questionner notre rapport au monde maintenant pour notre futur. Et aussi aborder la psychologie et la philosophie. Ha oui, tu crois que j'ai fondu un câble? Voici quelques exemples.
'Some meat to eat' pose à la fois le problème de nourrir l'humanité et une possibilité: l'anthropophagie. Mais de manière vicieuse, comme dans le film 'Soleil vert'. Le groupe place le contexte de la surpopulation et la disparation de personnes. A travers un titre à la rythmique très particulière (notamment les patterns de batterie, à fond et avec une particularité, le groupe apporte un point de vue pas très agréable.
'Oxygène', à l'ambiance très sombre, évoque le souci de la pollution qui va être la source d'un cauchemar respiratoire - et de ce que ça implique (trafic, pollution...). Mais le titre explore aussi le problème de la surconsommation, en même temps que l'implication qui nous concerne. La fin du titre est sans équivoque et glisse une dose supplémentaire de malaise en impliquant un chant avec des enfants .
Les autres titres vont explorer d'autres facettes, toujours avec cet angle plutôt furieux mais clairement réfléchi. Les thématiques des titres servent à la fois de constat amer mais aussi de dystopie sombre. Ce qui n'empêche pas le groupe de laisser une porte ouverte sur un espoir de pouvoir contrebalancer le futur possible.
Et cela permet au groupe d'offrir des modulations de structures, offrant une hiérarchisation, qui sert de biais pour amener différents niveaux de compréhensions mais aussi de pouvoir structurer un discours sans concession, marteler par une musique où l'efficacité est de mise et en accord total avec le sujet global.
L'album prend ainsi une dimension à la fois engagé et philosophique, nous poussant à réfléchir à nos choix et nos actions. Et leur répercussions sur le futur et celui de la descendance (hop, la fin du titre 'Oxygène). Et de nous mettre face à nos rapports avec les écrans, les réseaux sociaux ('Screens and mirrors'), bref notre modèle sociétale, qui nous glisse vers un sublime déclin amorcé, avec ses mutations sociales et sociétales indues. On a ici un album très puissant à la fois dans la musique mais aussi ses implications, en nous intégrant d'office dans le cauchemar qui est en partie celui que l'humanité construit. Faire plus death que ça, ça va être chaud, non?

Le chant est reconnaissable et iconique pour moi. C'est un chant très typé, alternant des textes en français et en anglais et glissa nt ici et là une idée de narration qui nous plonge dans l'univers de l'album en brisant le 4è mur. Le chant est résolument brutal, sans concession, à l'image de la musique. Un vrai régal car amenant aussi quelques subtilités pertinentes ici et là. Sur 'Oxygène', le chant des enfants apporte une dimension particulière, plutôt malsaine et glaçante car nous intégrant à l'ensemble.
Le son est massif et très puissant. La section rythmique est importante mais en gardant aussi la basse très présente (putain, elle apporte un petit côté abrasif qui donne corps au côté sombre). Les guitares sont aussi clairement identifiables, notamment quand le groupe joue la trame de deux lignes différentes, glissant une concrétisation du malaise. Malgré la vélocité des titres, le son est très clair, laissant les nombreux détails être entendus, donnant une véritable densité.

Mortuary livre un album magistrale dans le genre, alliant brutalité et réflexion, sur notre société, qui va clairement dans le mur. De manière sublime. C'est un putain d'album incontournable!

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