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Solitude post-mortem

Terreur Nocturne

Music Records

15 janvier 2024 à 16:37:23

Dématérialisé

2023

9 titres pour 52'23''

Une petite vidéo:

Terreur Nocturne est un groupe fondé en 2019 par son chanteur Onéiros. S'appuyant sur le tourment des terreurs nocturnes, il a mis en place un univers tournant autour du Royaume Onirique, mené d'une main de fer par un monarque se délectant de la détresse de ses victimes endormies. En 2021 sort un premier Ep 'Royaume Onirique'. Ce qui permet au chanteur d'être rejoint par L'aveugle, Macchabée et Règne (alors je simplifie quand même). Et en 2023, tout ce beau monde s'est atteler à ce 'Solitude post-mortem'.

Si tu as l'idée, saugrenue, de faire un rapprochement avec Laura Pausini et son titre 'la solitudine', soit tu t'es égaré(e), soit t'es à 8 grammes (et là, je dis respect quand même). Car ça n'a rien à voir. Dès le début, le groupe nous met dans l'ambiance. Après une rapide intro respirant la joie de vivre (et un joli passage à la guitare sèche), le groupe sort les dents, les griffes (et je suppose la pelle), balançant un riff entêtant qui ouvre le gros du titre. Et dévoile un black metal où la joie n'est pas au rendez-vous, ayant un côté plutôt dépressif. Et le groupe va bien prendre le temps de développer ce premier titre (bien que la grande majorité dépasse allégrement les 5 minutes).
Et c'est loin d'être bête car cela permet au groupe de développer des atmosphères et des ambiances, plutôt délétères et dérangeantes, en jouant sur les tempos, les constructions et le son (on y reviendra à la fin comme à l'habitude).

Ce qui démarque le groupe est son approche particulière qui crée une atmosphère globale, servant de liant sur le concept et créant ainsi un univers diablement crédible. Il y a vraiment une volonté de nous emmener dans ce monde où la déprime parait plutôt joyeuse en comparaison. C'est très sombre, plus ou moins malsain. Mais pas une once de facilité. Car le groupe joue vraiment la carte du malaise et de cette impression d'une profonde dépression, dégageant un côté sinistre, en jouant avec les rythmiques, des structures et des altérations diverses qui immiscent ainsi cette notion d'onirisme mais complètement pervertie, loin d'envolées légères et subtiles. Alors oui, il y a de la subtilité mais celle-ci n'est là que pour accentuer l'ambiance sombre et le malaise et mettre en valeur des éléments qui reviennent souvent, amenant une idée de gimmicks intéressants car nous emprisonnant dans cette idée que l'on est enfermé dans une terreur nocturne vécu par un individu.
Il y a ainsi des jeu sur les rythmiques très intéressants, amenant des ruptures, des contretemps ou n'hésitant pas injecter des ruptures de patterns ou de tempos. C'est assez surprenant car peu usuel mais c'est terriblement efficace pour l'immersion, car tout l'ensemble se lie avec les altérations des guitares et du son, glissant ici et là des aspects étouffés ou des décalages structurels qui donnent vraiment corps au malaise général.
Et le jeu des rythmiques offre un spectre très large de tempos, pouvant passer à des rythmes très lourds, poisseux et dérangeant à des furies soudaine, fulgurances de souffrances et appuyant le côté délétère. Cela ouvre sur les titres des possibilités comme explorer des facettes paradoxalement plus légères - mais toujours avec ce grain de sable qui vient amener un petit côté malsain - qui servent à ponctuer d'une certaine manière les titres et induire une approche des structures qui trouvent un écho dans la globalité du malaise et du côté dépressif. C'est en somme un moyen de mettre en musique une forme de souffrance, ajoutant une couche subtile au mille-feuille.
Je ne sais pas si c'est juste moi mais il semble qu'il y ait une sorte de progression dans les titres. Pas nécessairement dans un développement d'une trame mais dans un aspect plus psychologique voire une trame plus psychiatrique. Alors oui, je sens que je t'égare mais je m'explique. Au fur et à mesure du cheminement des titres, il y a quelque chose qui apparait.. Si tu écoutes plusieurs fois l'album, ça devient assez marquant, car tu découvres la progressivité de cet élément qui est l'une des clés qui nous est offerte par le groupe, quelque chose de sous-jacent dans la trame: la folie. Il semble ainsi que cette dernière apparait progressivement mais pas en temps que telle mais plus comme une sorte d'entité qui vient se joindre au malaise, au trouble ambiant et caractérisé ce qui est un cauchemar vécu par le peuple du Royaume Onirique.

Et cela met en lumière un autre élément, lié directement aux terreurs nocturnes: un entre deux entre le rêve et l'éveil mais où le rêve va dominer et asséner son voile noir de terreur. Cela se retrouve dans la musique, avec ces alternances de passages mélodiques - mais avec ce côté altéré - et les moments où tout s'emballent, laissant libre court à la violence de la terreur. C'est un des éléments sur lesquels s'édifie l'album, s'avérant judicieux du coup. C'est un marqueur qui revient dans les titres mais pas de manière organisé et régulier. C'est fait pour sembler aléatoire, travaillant sur les ambiances et autres atmosphères, jouant sur la trame même de la musique du groupe.
On est vraiment sur une approche où la musique parait à un moment n'être ni du monde éveillé ni de celui du sommeil. Et ça appuie de cette manière sur le côté malsain et l'aspect dépressif prend ainsi une dimension à la fois onirique et palpable pourtant. Sans que l'on puisse vraiment, pourtant, mettre une description claire sur cette impression. Magistrale.
Parce que le groupe nous tient en haleine quand même pendant presque une heure, sans nous laisser reprendre pied ou respirer, nous maintenant dans son univers où la terreur côtoie un esthétisme qui ne cesse de s'exprimer le long de l'album via un onirisme qui se révèle dans les passages subtils à la guitare, dans certains moments plus posés. Et dans la structure même de l'album, dans sas manière de se développer.

Le chant est en français, avec une voix très singulière, à la fois rauque et écorchée. Ce chant imprime lui aussi cette idée d'onirisme mais avec le pendant sombre, malsain. Il y a peu de variations, ce qui est cohérent avec la notion de rêves mais il exprime pourtant des émotions parfois très fortes, jouant dans la vitesse de son chant, ouvrant ainsi deux pôles différents qui se recoupent, liant parfois la furie black à cette idée de folie - transperçant la réalité en sortant du cauchemar.
Le son est très intéressant. Si on le prend comme tel, dans l'idée des choses consensuelles, il n'est pas dans les canons des standards attendus. Et c'est ça qui fait que le son est excellent ici: il offre une altération de son enveloppe, de sa tonalité, avec une certaine saturation. Le son est totalement en cohérence avec le concept et l'univers que le groupe déploie. Il est fait d'arrangements et d'éléments qui apportent un certain malaise et une ombre noire planant au-dessus. Le son est lui-même une altération mais en apportant pourtant un soin particulier aux instruments et au chant. Les instruments sont très puissants dans leur évocation, laissant les riffs se graver dans nos esprits et la batterie déployer ses patterns, parfois très singuliers (en tempo et structures). Le son est sans doute une des clés de voutes du concept, jouant clairement là aussi sur la limite floue du rêve et de l'éveil. Clairement, une autre approche ne ferait pas le même effet et pourrait empêcher l'immersion dans l'album, avec ce son que l'on semble entendre à travers une couche de brume de sommeil.

Terreur Nocturne est une découverte pour moi. Mais avec une puissante trame et un concept complètement exploité, on a affaire à une bonne raclée dans le genre, avec une cohérence complète. Les amateurs du genre et les curieux doivent vraiment se plonger dans le cauchemar que nous offre Terreur Nocturne!

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