L'Ombra est un quatuor franco-italien au chant féminin qui est de l'exotisme musical au regard de ce qui passe par Margoth habituellement. Premier album qui suit un Ep éponyme en 2019, le groupe va t'emmener dans un mélange de chansons et d'un rock, plutôt progressif, le tout faisant la part belle à une atmosphère particulière et jouant avec l'idée du clair - obscur et l'aspect solitaire et solaire (soli signifiant à la fois seuls et soleils). Voilà au moins pour commencer à te situer le groupe.

La musique du groupe va nous emmener dans quelque chose de très aérien, posé, jouant avec une atmosphère qui se déploie rapidement, dès le premier titre. On va retrouver une trame de fond sur chaque titre en même temps que chacun sera à part, ayant chacun sa propre histoire. Et c'est là que le groupe amène ce coté chanson (vraiment dans l'idée de la chanson française, pour situer) auquel il intègre un rock marqué, jouant de sa puissance, à la fois dans la musique (ou l'énergie peut devenir assez brute, sans pour autant partir en couille n'importe comment, le groupe cultivant une cohérence présente dès le début) et dans le chant ou même les textes. Il n'y a pas d'errance dans la musique, le groupe cultivant vraiment une identité, aussi bien dans la construction des structure que dans l'approche par le chant ou les textes.

On a ainsi une entité qui s'ébroue vers quelque chose où un aspect céleste, voire onirique, transparait, portant de l'émotion et une forme de poésie, permettant aux titres de prendre leur temps et de pouvoir explorer diverses facettes (sans pour autant tomber dans l'écueil de l'ennui), œuvrant toutes au même but, celui de créer cette atmosphère particulière mais aussi de toucher à l'âme, par le ressort de l'émotionnel. Et celui réserve une grosse charge, apportant une autre forme de puissance, tout en conservant cette idée d'apporter une musique plutôt solaire, même si ici et là, il peut y avoir quelque chose entre entre mélancolie et nostalgie, faisant un lien le titre même de l'album.

Et cela se retrouve dans la musique du groupe, que ce soit les structures ou la forme, offrant beaucoup de richesse et de détails, liant vraiment la chanson et le rock que propose le groupe. Et cela passe par des choses à priori toutes simples mais auxquelles il fallait penser, comme le jeu de la batterie (et notamment les cymbales) sur 'Nonni' par exemple. La musique est pensée comme à la fois une extension des émotions, des textes mais surtout comme une entité où la cohérence et une forme de systémie essentielle à la compréhension et à installer cette aura qui s'exhale de la musique du groupe.
Cela permet d'offrir des moments très posés (où un onirisme s'en extrait), où la voix de Guilia devient l'essentiel mécanique qui lie le tout et d'autres où la puissance polyforme s'exprime, offrant des contrastes qui donnent une autre forme de structuration, le tout jouant sur la subtilité, l'hybridation de la musique mais aussi un traitement volontaire qui a pour but d'appuyer cette idée de clair / obscur (à travers les deux facettes musicales essentielles entre autre) mais aussi cette notion de solaire qu'exprime soli et de donner la sensation d'offrir aux solitaires une parenthèse lumineuse, cassant cette solitude (et qui explique du coup cette apparition de l'aspect mélancolique / nostalgique - en même qu'il me semble qu'il y ait une dimension temporelle liée à l'humain, dans le sens sentiments / psychologie mais aussi à la musique, certains éléments renvoyant à un rock progressif regardant vers la fin des années 70). C'est très subtile mais il y a, ici et là, des choses qui l'évoquent, avec cette forme de poésie et une certaine pudeur.

On oublie assez rapidement cette notion de chanson, pure et dure, pour quelque chose à la fois de plus universel et pourtant tellement plus centré sur l'aspect émotionnel. C'est un étrange mélange qui fonctionne, nous emmenant à la fois loin de nos repères et qui, pourtant, en amènent certains avec des éléments purement rock, jouant sur les sonorités plus brutes ou certaines structures. Et l'accroche se fait dès le début de l'album, les titres créant une alchimie efficace et redoutable, tout en nous apportant un moment de sérénité.

Le chant de Giulia est un élément clé. Posé mais sachant être puissant au besoin, elle fait le choix de chanter en français ou en italien, ouvrant deux vecteurs émotionnels différents, essentiels pour qu'elle puisse exprimer des ressenti différents, parfois plus intime. C'est à la fois de la subtilité mais aussi un chant parfois plus puissant, en terme d'émotion mais aussi au niveau de la voix, jouant un peu sur son timbre, allant de passages plus céleste à d'autres nettement plus proche de la terre. Ce qui domine est une forme de poésie qui se distille aussi à travers sa voix.
Le son est vraiment excellent. Il y a une importance à chaque élément musicaux et des instruments, ouvrant la voie à une gestion particulière, au besoin des titres et de leur développement. On sort parfois des sentiers conventionnels, le groupe allant au-delà des frontières des styles, jouant avec l'émotionnelle et les possibilités que les instruments offrent. On est loin des codes du metal mais on a vraiment quelque chose de soigné, qui délivre aussi de la puissance, quand cela est nécessaire.

Soli est un album que tout curieux devrait découvrir, ayant de multiples facettes. C'est aussi bien un voyage presque onirique qu'une parenthèse lumineuse, le tout avec un appuie sur un rock assumé et subtil.