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Sisyphe

Tenebrisme

Autoproduction

25 décembre 2024 à 09:37:26

CD digifile

2024

2 titres pour 47'06''

Une petite vidéo:

Tenebrisme, one man band derrière lequel s'active Kaëlig, est de retour avec un quatrième opus, toujours dans cette veine black atmosphérique instrumentale qui est sa marque de fabrique. Cette fois-ci, il se focalise sur le mythe de Sisyphe, un homme condamné au supplice de rouler une pierre énorme en haut d'une montagne (lié à la mythologie grecque) et renvoyant au symbole de la répétitivité de la vie et l’absurdité qui en découle. Je simplifie à mort, évidemment. Et toujours lié à la peinture, plus spécialement au ténébrisme par le choix des titres et de leur illustration.

Le premier titre, 'La question sans réponse' (lié à la peinture du même nom de Franz Von Stuck), pose les bases d'un titre plutôt court chez Tenebrisme. Ne faisant que 5'35'', celui-ci sert de hors d'œuvre et amène l'aspect atmosphérique aux confins de ce que l'on peut envisager, laissant le titre se poser lentement vers ce qui pourrait être la ligne floue en black atmosphérique et ambient, nécessaire pour poser les bases du second titre.
Ce premier titre offre une forme d'intensité dans la sonorité, axée autour des aigus, avec le jeu d'un contraste sur les basses, restant sur cette ligne réfléchie. Il y a un côté hypnotique qui se développe, nous amenant à pouvoir appréhender le second, le tout avec une approche piochant dans la musique classique. Le titre est assez linéaire, en toute logique, servant juste d'écrin pour notre immersion, plongeant dans une fin abrupte qui sert d'ouverture au second titre 'Sisyphe', après une montée en puissance dans les sonorités.

Et 'Sisyphe' s'ouvre alors. Morceau fleuve de 41'30'', il nous plonge pleinement, lentement, dans sa vision du black metal atmosphérique. A la manière du personnage qui va sans fin pousser sa pierre en haut de la montagne, Tenebrisme nous brosse un titre qui va prendre le temps de se développer, lentement, amenant progressivement les éléments structurant le titre, ainsi que les instruments (d'abord le stylophone, portant une signature particulière, avec une sonorité qui lui est propre (et qui me fait découvrir un instrument au passage) puis le reste, progressivement). Il est fait un choix d'une montée en puissance accompagnant la progression des instruments, le tout dans un moment temporel assez court (moins de 3 minutes). Une fulgurance et on rentre alors dans le cœur du titre, extrêmement structuré, permettant de poser des repères et de pouvoir mettre en valeur l'aspect atmosphérique, l'emmenant à son paroxysme.
Mais là où 'La question sans réponse' joue une certaine linéarité, en terme de tempo et de structure, ici il n'en est rien. Bien au contraire, un travail est apporter sur ce point, créant des parties distinctes, reliées entre elle par l'aspect atmosphérique, la sonorité du stylophone et un thème musicale qui se dessine.

Et Tenebrisme peut ainsi amener des contrastes aux formes variées, pouvant jouer sur une rythmique violente s'opposant à une ligne de guitare posée, ouvrant une sorte de hiérarchie au sein de sa musique. Et c'est le cas, car les plus de quarante minutes ne laissent pas de place à un quelconque ennui et vont explorer les promesses qui se font (et dont certaines viennent du premier titre). Le black se révèle dans les structures ou des riffs, jouant sur la construction du titres. Mais il y a aussi ce regard vers quelque chose qui effleure parfois l'ambient voire même un aspect cinématographique (per exemple, vers els 13 /15 minutes, une partie m'évoque l'ambiance de films gore italien reposant sur la musique de The goblins mais poussée à son paroxysme). Et cela permet de mettre en place des montées en puissance et de jouer sur l'émotion qui peut découler de certains passages.

Mais il y a aussi les transitions entre les différentes parties, apportant une trame plus large, offrant des sortes de breaks (au regard de l'entièreté du titre) et apportant une autre idée dans la musique, jouant sur la densité mais surtout l'essence de celle-ci, entre férocité des passages black et cette approche lente, plus légère, teintée d'un certain onirisme de la part atmosphérique. Cette part qui englobe le titre et lui confère une aura particulière, nous plongeant dans moment de contemplation (le mieux est de te caler dans un bon fauteuil ou un canapé avec cet album, très clairement).
Tenebrisme joue sur la musique et ce symbolisme qu'il entretient avec le style de peinture qu'il évoque. Si les précédents opus joignaient ces éléments à d'autres, posant une réflexion, ici il va plus loin, repoussant sa manière de conceptualiser l'ensemble. C'est littéralement un voyage qui nous est proposé au sein de cet titre (et du coup, par l'album), en oscillant entre différentes formes exacerbées du black atmosphérique, allant vraiment caresser d'autres genres par instant (l'ambient ou le doom, par certains passages reposant sur la basse) sans renier ou perdre le fil du black. C'est quelque chose d'extrêmement abouti, qui repousse l'idée que l'on peut avoir du style et qui révèle une vision musicale détaillée et très réfléchie, les titres faisant aussi des liens avec notre société / époque, en jouant sur le symbolisme.
Et ici, le symbolisme y est très présent, de manière subtile car distillé dans les différents aspects de l'album: l'artwork, le choix des titres, les structures musicales, le lien entre elles et la thématique de base. Et ici, la dimension cinématographique apparait, ajoutant une autre dimension, inattendue et agréable, à la musique de Tenebrisme.

'Sisyphe' offre des structures nettes dans son déploiement mais dessine aussi quelque chose de plus globale, dont des aspects me renvoient vers d'autres époques du style, avec cette puissance évocatrice couplée à la dimension émotionnelle qui l'imprègne. Il y a un côté grandiose voire grandiloquent qui l'habite, sans que cela ne soit pour autant présomptueux. Paradoxalement, il y a quelque chose de très humble, qui se laisse entrapercevoir dans des moments très posés ou parfois suspendus, qui ponctuent le titre, généralement associé à beaucoup de finesse (que ce soit via les mélodies du stylophone ou des riffs ciselés).
C'est un moyen ingénieux d'amener une structure plus complexe du titre, à la manière d'Insomnium et de leur album 'Winter's gate' mais mis ici au service du black atmosphérique de Tenebrisme et avec un angle variant quelque peu. Car le titre offre un fil rouge et une jeu de structures en tiroirs, dont des liens reviennent entre différentes parties (et une fraction liée au premier titre). C'est clairement magistrale, avec une vision bien claire de ce qu'il veut offrir, au service de son black atmosphérique, qui va plus loin que jamais.

Le son est l'identité de Tenebrisme. Avec ses moyens et ses connaissance, Kaëlig offre un son excellent là encore, compte tenu de l'aspect DIY et du travail énorme que cela implique, en plus de la composition, de l'enregistrement, des arrangements et du reste. Si tu découvres Tenebrisme avec cet album, tu feras forcément un bon vers un domaine sonore différent mais extrêmement accrocheur et sincère. Et très rapidement, l'acceptation de cette approche. Il y a un travail sur les sonorités qui est un fil rouge de l'album, commençant avec le premier titre. Le stylophone apporte quelque chose de différent, changeant des claviers habituels et joue sur l'aspect onirique (voire poétique). Les instruments habituels sont bien présents. La basse offre du contraste dans la musique, servant de support rythmique mais aussi de moyen de contrastes sur certaines parties. On l'entend clairement (c'est assez jouissif sur certains passages) et la batterie et les percussions jouent une dynamique intéressante, pouvant être atone ou plus marquée, au besoin du développement de la musique et de sa profondeur.

'Sisyphe' de Tenebrisme est un album majeur, clairement. Il s'éloigne encore plus des carcans conventionnels, pour mieux explorer son univers atypique et accrocheur, très immersif et qui est le résultat d'une réflexion et de la synthèse d'éléments mêlant peinture, symbolisme et une vision de la musique, qui plus avec un soin sur l'aspect physique de l'album. Incontournable!

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