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Seed of darkness

Enderr

Autoproduction

17 juin 2023 à 14:49:24

CD

2022

11 titres pour 46'17''

Une petite vidéo:

Formé en 2017, Enderr est un groupe d'Annecy, en Haute Savoie, officiant dans un deathcore burné. Le nom n'a rien d'anglais (malgré sa consonnance) et est albanais signifiant rêver. Alors, la question est: est-ce que Enderr vend du rêve?

'Bound by fire' est notre premier contact avec Enderr. Le groupe ne se prend pas trop la tête et va directement taper dans le gras. Pas d'intro, on plonge directement dans un deathcore syncopé, très percutant, qui laisse présager des moments douloureux (pas en terme de plaisir mais pour les cervicales). Alors oui, le deathcore est très caractérisé, avec des codes bien ancrés et spécifiques. Donc on les retrouve ici. Mais Enderr apporte une dimension un peu différente, avec un ajout de mélodie (qui font mal dans les parties les plus bourrines). Le côté syncopé de leur deathcore donne aussi sa forme à la structuration des titres. C'est intéressant, car si des titres vont suivre une forme qui sera plus ou moins définie, cela permet au groupe de glisser un élément subtil, aussi gracieux qu'une harde de pitbulls enragés dans une maternelle: le chaos.
Oui, aussi bien que soit défini le deathcore, ici on a un aspect chaotique qui explose parfois, brouillant les pistes. Et ce qui est vicieux dans cette approche, c'est que justement, son apparition est totalement imprévisible.

Ainsi, Enderr délivre des titres très marqués, jouant sur le côté percutant, de par le côté syncopé (qui n'est pas sans évoquer dans des ralentissements le beatdown qui détruit les cervicales) et jouant aussi avec la notion de musicalité et les sonorités, glissant plusieurs niveaux dans les titres. L'ensemble est massif mais le groupe joue aussi la carte de la subtilité, mais à sa façon. Je m'explique: ici la subtilité se cache dans la délicatesse d'une feuille morte poussé par un vent dans ton visage. Mais la feuille à la densité d'un SUV. Et du coup, ça fait très mal, malgré la délicatesse apparente. Et le groupe va jouer avec ça, en glissant quelques passages qui vont moduler la forme de leur deathcore et où le chaos va amener sa merde. Cela engendre des passages pouvant être assez dantesques mais surtout quelques uns, comme dans 'Whirl of despair' où le chaos va par la nature du chant par rapport à la musique.
Le groupe nous offre ainsi des possibilités qu'il exploite, alternant lourdeurs, passages furieux (voire lourdeurs furieuses, ce n'est pas incompatible), faisant évoluer sa musicalité en fonction de la nature des titres. Mais aussi du concept de l'album, les titres suivants une ligne rouge où chaos et rêve se mêlent. Et c'est là que je peux vous parler plus en détails de l'aspect mélodique du groupe, qui a sa propre vision.
Car cette notion de mélodie est importante dans la trame que tisse le groupe, servant de point de convergence, de contraste mais aussi de rapport à quelque chose qui semble plus philosophique. Ca ne semble pas anecdotique ni aléatoire. Il semble y avoir quelque chose de sous-jacent de plus important, que le groupe ébauche ici. La mélodie ponctue ainsi des moments violents, renvoyant à la notion d'onirisme mais celui-ci ayant besoin du chaos. Il se pourrait même que le groupe personnifie ces deux aspects, afin de leur donner un côté palpable.

Et avec cette idée de rêve et de chaos, le groupe se livre a parfois brouiller les pistes, non glissant dans un univers où le deathcore va parfois aller gratter aux limites admises et nous ouvrir un instant une vision plus sombre, laissant entrevoir un univers beaucoup plus profond, qui n'est pas sans dangers. Cela se traduit par des structures spécifiques dans des titres ou en appuyant les aspects les plus caractéristiques du deathcore, qui a aller vers le grotesque. Mais un grotesque terrifiant, brutal, pas celui qui soulève le mépris. Le groupe nous fout ainsi une mandale magistrale en pleine face, sans prévenir. Et c'est d'autant plus intéressant que Enderr va glisser, ici et là, des éléments venant d'autres sphères (de façon très parcimonieuse et choisi), qui vont ajouter à l'impact et à ce chaos, dont le contrôle est là, tout en laissant parfois celui-ci se débrider furieusement. Notamment quelques relents brutal death ou des aspects évoquant le black. Et c'est là que le groupe réfute et explose parfois les codes, faisant comprendre que son deathcore est évolutif, comme les rêves et le chaos.

Le chant est forcément typé deathcore. C'est indéniable. Mais Xavier ne s'y limite pas et va parfois faire des incursions plus gutturales, puisque la musique suit un parcours atypique. Il démontre de vraies capacités, notamment d'adaptations et laisse aussi cette notion de chaos s'immiscer dans son chant, sur certains passages, plus ancrés dans une folie furieuse.
Le son est ultra massif, dense et puissant. Tout est fait pour nous écraser, ne pas nous laisser de répit. Je regrette un peu que la basse ne soit pas vraiment audible (mais bon, c'est propre à mes goûts) d'autant que la batterie livre des patterns de fous et quelques plans tarés. Le chant est mis un peu en avant, servant à nous ancrer dans leur univers, servant de guide à notre errance.

Alors, est-ce que Enderr vend du rêve? Oui, clairement. Pour un premier album dans un genre aussi codifié, le groupe fait très fort. Il laisse entrevoir une évolution du style, avec une approche qui se lie à son concept. Laissez vous tenter, l'album vaut le détour et la découverte!

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