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Scandinavian pain

Katla

Napalm records

21 avril 2025 à 14:04:15

Dématérialisé

2025

9 titres pour 41'50''

Une petite vidéo:

Klata est un groupe danois formé en 2018, ayant à son actif, et dans le désordre, une compilation, un split et 3 Ep. Le trio (car, oui, ils sont trois) évoluent dans un doom sludge avec du stoner (et je reste en surface). Et ils ont sorti leur premier album, qui est le sujet de ma digression à suivre.

Le premier titre va nous promener dans un univers assez posé où une voix féminine vient poser un texte, servant d'introduction à l'album et qui pose une atmosphère singulière presque contemplative, qui se confronte dès les premiers riffs de 'Goblets of power' à une facette plus brute, adoptant une approche qui abrasive et qui renforce l'atmosphère plus sombre, malsaine.
Le trio pose très rapidement les bases d'un mélange détonnant entre un doom sombre et un sludge bien gras, jouant avec les rythmiques et les structures des genres, laissant les titres prendre une tournure assez conséquente en terme de durée, leur permettant de poser des lourdeurs abyssales accompagnées de lenteurs démentielles, le tout avec en arrière plan une signature mélodique très singulière. Celle-ci reposant sur un système de riffs bien particuliers et qui me donne l'impression que le groupe joue avec la notion de temps dans les structures, offrant un décalage avec les riffs et induisant une sorte de contretemps. Cela apporte un sentiment d'un léger malaise. On est à la lisière d'un doom occulte et d'un sludge qui ont décidé de copuler ensemble. Et ça, ça reste assez simple.
Avec ce titre, le groupe met en place des notions de structures rythmiques qui vont te faire remuer la tête et / ou taper du pied. La recette est assez simple de prime abord et très fonctionnelle.

Mais voilà. Katla recèle d'autres aspects. ET à partir du troisième titre, nommé 'Dead lovers', on rentre dans la poésie mais aussi la partie plus compliquée de leur musique, parce que c'est à ce moment que le doom devient plus pesant, avec un sludge encore plus poisseux mais surtout que le trio s'est dit 'Hé, pourquoi rester bloqué sur du doom sludge?'. Et déboule alors d'autres styles qui vont impacter la musique et les structures, relevant de l'art pour certains d'entre eux, notamment dans celui de les amener à une cohésion tout en laissant l'auditeur saisir les styles et la configuration adoptée par le trio.
La base doom sludge (ou sludge doom, ça dépend des titres, voire des segments des titres) va amener à l'apparition de stoner (ce qui est assez logique) mais aussi de post rock. Ce sont des genres qui vont bien ensembles, dans l'idée de la forme musicale qu'à le groupe en tête. On retrouve un jeu sur la lourdeur, des rythmiques pesantes et des circonvolutions subtiles avec les divers styles évoqués. L'atmosphère est frontalement malsaine mais inspirée et s'avère captivante et immersive. S'appuyant pour ça sur le doom occulte et des groupes sombres, descendants dégénérés de Cathedrale ou Candlemass et des premiers groupes doom death (sans pour autant adopter d'éléments death).
Arrive alors le très court (18 secondes) 'Eating Grapes With Kevin Sharp', posant un interlude ultra rapide et bourrin, quelque part entre black crust sous acide et black grind. Et ce titre est une charnière au sein de l'album. Car cela amène le dernier élément qui va s'exprimer dans les titres suivant.
Les titres qui suivent sont les acteurs d'une modulation du style du groupe, glissant une évocation black metal au sein des titres, jouant sur une cohérence que je n'avais pas vu venir, avec cette atmosphère singulière depuis le début de l'album. On se retrouve, à partir de 'Taurus' sur quelque chose qui relève du grand art. Je ne déconne pas.

Le trio arrive au tour de force de mêler tout ça dans leur musique. Cela apporte une certaine modularité mais aussi de la profondeur et un jeu sur les structures musicales et rythmiques. Car le trio se lâche et va délivrer des moments de bravoure au milieu de titres de niveau stratosphérique. Car 'Taurus' nous délivre le premier assaut, en son sein, du visage black, avec un break purement black metal, qui va apporter une autre idée de structuration.
La profondeur des titres se trouve enrichie par les éléments venant des autres styles, de manière plus marquée, glissant une lecture plus profonde de l'ensemble et ouvrant réellement l'essence de l'album à notre écoute. Il y a des changements de rythmiques, plus en modulation, qui les accompagne mais aussi des éléments sonores ou musicaux plus subtils, en arrière plan, comme un violon, entre autre. Cela fait un lien avec l'atmosphère qui s'exhale depuis le début de l'album qui s'avère un voyage dans un univers étrange foutrement accrocheur et baigné de mystères.
Et dès 'Eating Grapes With Kevin Sharp', c'est aussi une mise en place d'une idée que l'album est une narration. Idée renforcée par 'Hunab' qui est une narration sur une ligne de guitare, toute simple, faisant écho au premier titre et à la narration féminine. Une réponse à cette dernière peut-être. Le titre, ultra simple, arrive pourtant à renforcer l'atmosphère de l'album, appuyant plus sur une facette d'une vision d'une certaine poésie et qui pose un moment de répit. Parce que la suite revient à quelque chose de plus malsain.

Les trois derniers titres exposent vraiment la facette black metal, de manière très directe et joue avec le doom singulier du groupe et le sludge. 'White dager' propose une ouverture qui est du black, plus vers la deuxième vague et offre une structuration du titre qui va osciller entre le black et ce doom sludge, jouant de manière plus marqué la notion de brouillage des repères. C'est du black. Oui. Mais c'est aussi du doom sludge. On reconnait vraiment l'approche de Katla. Ce titre, joué à part, ne laisserait pas de doute à qui est son auteur. C'est à la fois différent et pourtant si caractéristique de ce que le trio nous offre depuis le début.
Les derniers titres offrent un usage du black très différent les uns des autres, entretenant à la fois la cohérence et la singularité de leur musique. Le mélange garde toujours cette notion de lourdeur et de lenteur, associé à un visage malsain protéiforme par la musique et la variabilité des structures internes. Dans ces trois derniers titres, Katla repousse les limites des styles, marquant nettement leur identité tout en offrant une mise en abime par la manière de les imbriquer ensemble, tout en gardant la cohérence de l'ensemble et cette atmosphère particulière qui existe depuis le début de l'album. Et va vraiment aux extrêmes en fusionnant leur vision du doom et le sludge, redessinant les contours admis par l'album. Je le redis, le groupe nous offre du grand art, sans une once de déconnade.

On retrouve deux chants différents. Les deux oscillant sur cette limite floue musicale bien que l'un soit plus sur un chant doom et l'autre plus nettement sludge. Mais l'un des deux (ou les deux?) offre la performance avec un chant black complètement réussi, offrant une différenciation nette. Les deux chants apportent aussi une part à l'atmosphère, jouant sur l'aspect sombre car prenant des timbres assez éraillés et parfois plus criards. La gestion des chants est intéressante car allant là où on ne l'attend pas, dévoilant des facettes surprenantes. Le chant féminin du début posant des bases narratives qui reviennent plus tard sous une autre incarnation, masculine.
Le son est excellent. Très massif, avec une saturation dans les graves, il joue sur la lourdeur (en accord avec les styles dominants), mettant en avant cette approche et une certaine saturation, qui met en exergue un côté abrasif des guitares. La basse est présente mais avec une approche particulière où sa gestion varie un peu, apportant une certaine modularité à son jeu. Mais le son se structure aussi dans la profondeur et joue sur deux niveaux nets: la base guitare - basse - batterie et le reste. Le reste posant à des moments clés en arrière plan des éléments particuliers, comme le violon ou des sonorités presque électro mais bien malsaines. Les chants sont à l'équilibre avec la base musicale, juste ce qu'il faut pour être audible tout en jouant sur une part de mystère. Les arrangements sont subtils mais efficaces car ponctuels et savant être en adéquation avec le contexte.

Si tu es fan de groupes atypiques ou à l'approche singulière et que tu apprécies ce qui sort des sentiers battus, n'hésite pas un instant car Katla livre vraiment un album qui va probablement devenir une œuvre majeure, en repoussant les limites. Un album de grand art!

© Margoth PDF

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