

MARGOTH 5
PDF5
Salt of the earth
Wire Edge
Wire Edge / M&O Music
11 février 2025 à 16:24:20
Dématérialisé
2024
4 titres pour 24'39''
Une petite vidéo:
Wire Edge est un riant quatuor formé en 2014 à Paris et qui possède déjà un premier album ( chronique ici: https://margothpdf.wixsite.com/margothpdf/coin-des-chroniques-1/workhorse-empire) et qui nous est revenu fin 2024 avec un nouvel Ep.
Le groupe nous gratifie de 4 titres, ce qui est peu mais pourtant bien suffisant pour nous faire replonger dans leur approche musicale, le groupe définissant, de base, sa musique comme du cold metal (et proposant deux titres qui prennent le temps de se déployer). Pour être plus précis, c'est un mélange subtil entre heavy progressif, stoner avec une énergie bien présente et une approche des structures pouvant être assez alambiquées, même dans les rythmiques.
Dès 'Hollow Places', on retrouve les marques du premier album, distillant dans ce qui est une intro une atmosphère à la fois posée et teinté d'une étrangeté qui l'imprègne. La construction de ce court titre permet à Wire Edge de poser les bases des titres suivant en même temps qu'il vont donner une direction faisant à la fois le lien avec l'approche de l'album et en même temps, mettre en place un élément d'identité un peu différent, collant à l'atmosphère qui se dégage de l'Ep. Ce premier titre est assez conventionnel, du moins jusqu'à son final qui glisse le lien avec le second titre, éponyme, 'Salt of the earth'. Et là, on arrête de rigoler.
Car le titre s'offre la première durée conséquente, avec une base heavy progressif (qui se marque par la durée, 8'26'') et livre une sorte de structure fleuve qui va amener les premiers éléments propres au groupe, avec ce jeu de construction parfois singulier, reposant sur des rythmiques très variées et vraiment prenantes, avec cet angle où l'atypisme est la règle. Mais ils vont plus loin, en ajoutant des éléments de jeux de guitares, qui livrent des sonorités différentes. Le groupe va installer deux trames sonores: une plus lourde, nimbée de stoner et une autre jouant sur une légèreté parfois plus exotique. Un moyen de nous emmener dans leur univers, sans que le voyage nous paraisse long et vont même offrir des instants suspendus brièvement, ici et là. Ca glisse une sorte d'onirisme qui vient se confronter à la puissance et l'aspect plus frontal du heavy. Et cela amène une sorte de mélancolie nostalgique qui se déploie dans le titre (entre un riff particulier, la rythmique et l'alternance des phases, clairement réfléchies).
C'est un titre à la puissance émotionnelle certaine, en plus d'avoir ce rapport à nous renvoyer, par la mélancolie évoquée, vers un passé sentant le sépia mais auquel on est attaché, comme un lien qui unit différentes personnes partageant un passé collectif. L'alternance des phases plus posées et d'autres nettement plus rapides en est un des éléments évocateurs.
'Towers' s'avère plus direct, avec une rythmique un peu plus marquée. On garde cette atmosphère qui commence dès le début, avec toujours cette mélancolie nostalgique, permettant d'offrir une étrangeté qui se révèle ici: une sensation d'avoir quelque chose de posé qui s'oppose en réalité à une rythmique et une construction qui va dans quelque chose de plus agressif dans certains aspects. On retrouve en concentré l'identité du groupe en même temps que la patte particulière qui s'exhale de l'Ep. Le titre recèle quelque chose de plus direct mais toujours marqué par cette impression de passé collectif.
Et 'Cities of None' clôture l'Ep. On retrouve dès le début les éléments du premier titre, les deux prenant la place d'une intro et d'une outro, mais sous une forme bien plus complexe, les deux titres ayant à la fois un rôle précis et une forte identité. Le titre va prendre dans un premier temps un rythme plus lourd, laissant vraiment cette mélancolie s'exprimer, avec une atmosphère très prenante, le chant participant pleinement à cette dernière. Le titre, du haut de ses 8'17'', prend un chemin plus tortueux, avec un jeu rythmique et des sonorités particulières, jouant sur les contrastes graves / aigus. Quelque chose prend le temps et la manière de se dessiner, se déployant lentement dans une montée rythmique progressive, avec des circonvolutions qui ne laissent pas de temps à l'ennui. La rythmique est la clé avec l'aspect mélancolique, les deux esquissant une charge émotionnel qui vient progressivement, associé avec l'évolution rythmique qui se joue. Mais sans aller à un point de rupture qui casserait complètement l'immersion. Le titre, sur son final, va faire le lien aussi avec 'Salt of the earth', de par la rythmique et la section structurelle qui épouse les contours du second titre dans ce dernier titre, avant de permettre de fermer la boucle avec les sonorités qui marquent la fin du titre et qui sont celles du début du premier. Et de pouvoir reprendre l'écoute dans la foulée.
Et c'est là que l'on comprend qu'il n'est aps si simple de prendre l'Ep comme simplement 4 titres indépendants. C'est beaucoup plus compliqué que ça, du fait des structures de l'Ep, avec leurs changements et leur particularités, s'associant aux rythmiques qui se font riches. Cela crée une vaste trame où l'on est amené à se perdre dans l'univers du groupe et de cet Ep, jouant sur cette notion de nostalgie, de passé collectif mais aussi de glisser ce qui fait la force du groupe, en même temps que l'évocation mélancolique, chargée d'une puissance émotionnelle qui fait l'écho à la puissance musicale qui peut apparaître par endroit (et crée un autre lien à travers les titres, plus subtil et plus complexe dans le même temps). On se retrouve avec plusieurs niveaux d'écoutes, ayant le même objectif de nous plonger dans l'univers du groupe et cette atmosphère qui nimbe l'Ep.
Le chant est un chant clair mais pas dans la lignée habituelle. Le chant offre de la modulation, jouant sur l'émotion mais aussi cette mélancolie nostalgique. Mais il va bien plus loin que ça, jouant avec sa tonalité (le timbre est chaleureux) et vient nous englober par une approche où la finesse domine sans pour autant aller dans la mollesse ou nous prendre dans un aspect mièvre. Le chant marque l'identité du groupe, offrant aussi bien la subtilité que des moments plus puissants.
Le son est excellent. On a aussi bien de la puissance que la nécessité d'avoir une approche plus en retenue, jouant sur les tonalités, le groupe se livrant à des jeux sur les gammes ou des éléments plus techniques, qui viennent ajouter à l'immersion et la complexité de la musique. Le groupe joue aussi avec le son et les styles qui construisent sa musique, apportant une variation intéressante mais sans non plus aller se perdre en circonvolutions inutiles. Tout est réfléchi pour l'immersion et la cohérence, en gardant cette idée de mélancolie nostalgique. Le chant est à l'équilibre, d'autant que c'est un des points clés de l'Ep.
Wire Edge signe avec cet Ep un retour qui fait vraiment plaisir, de renouer avec une approche qui fonctionne car ne s'embrigadant pas dans des conventions inutiles. Et qui me fait espérer voir peut-être le groupe en live cette année! En tous cas, n'hésite pas un instant. Le voyage est incontournable.