MARGOTH 5
PDF5
Revolution
Critical heartbeat
Autoproduction
28 avril 2024 à 10:26:23
Double CD digipack
2023
1er CD: 9 titres pour 53'19'', 2è CD: 9 titres pour 49'55''
Une petite vidéo:
Critical Heartbeat est un groupe suisse dont les origines remontent à 2012 avec un duo de reprise qui s'est ensuite transformé en trio avec un batteur et à lancé la machine sérieusement (je simplifie à fond) avec un premier album en 2018 (Scream). Tournée et tout le tremblement. Puis le groupe se pose et construit durant 4 ans l'album qui nous intéresse ici.
Bon, on ne va pas se le cacher: c'est un très gros morceau que cet album. Sur deux parties, un concept se déploie, avec ce qui semble avoir deux pôles différents servant à deux aspects différents permettant de générer deux facettes différentes qui apportent une richesse au concept. Et le groupe apporte un soin particulier aux tonalités (ce sera un élément distillé dans la durée de la chronique).
Musicalement, le groupe possède une base heavy, style dont je ne suis guère un fan mais ici, c'est évidemment bien plus complexe, puisque le chant apporte vite une accroche plus éloigné du heavy et qui, associé à certains éléments musicaux, tapent dans le metalcore. Un metalcore mélodique certes mais qui apporte de la texture et de la variété dans la musique de cet album très massif.
Je m'attendais quand même à quelque chose d'un peu indigeste, compte tenu de la longueur de l'album (avec en tête l'album de Corrupted 'Llenándose de gusanos' et ses 3 titres pour plus de 2 heures (le dernier faisant plus d'un heure), un concept repoussant loin le possible (drone, sludge...)). Mais clairement, il n'en est rien. L'album passe vraiment tout seul, sans la moindre difficulté, avec les deux disques que l'on enfile (dans le lecteur de disque, tu te calmes) sans temps mort ni vraiment la perception de temps qui passe. Grâce à, très clairement, une réflexion poussée lors de l'écriture de l'album et de la manière d'amener le concept, pour le moins massif.
L'album offre une grande variété de structures, jouant avec le heavy et le metalcore. Cela ouvre des perspectives très intéressantes et accrocheuses, le choix du metalcore mélodique collant avec le heavy, offrant un contraste surtout dans certaines rythmiques, qui parfois fusionnent les deux styles en un moment intense ou soutenu. C'est très bien vu car Critical Heartbeat pose une écriture qui nous entraine dans l'univers du concept, appuyant, sur chacune des deux parties, des éléments spécifiques reposant sur une trame générale qui lie le tout. Ainsi, sur chacune des deux parties, on va retrouver des éléments identiques qui favorise la cohésion, jouant aussi bien sur la cavalcade heavy que les soudaines pulsions metalcore. L'ensemble est fait pour favoriser une harmonie, tout en offrant des particularités, aussi bien dans chacune des parties que dans certains titres.
Le heavy va se retrouver aussi bien dans des riffs que dans certains éléments de chants (les chœurs), tissant une trame qui permet au concept de ce déployer. Mais le point fort du groupe est la fluidité qu'il nous offre, avec des changements de tempos ou de structures qui peuvent se faire en deux mesures ou sur une modulation plus longues tout comme être lié à un changement de textures ou de sonorités (jouant sur les hauteurs de notes et surement un jeu dans les accords). Il n'y a aucune gène là-dedans, bien au contraire. Ca clarifie nettement la musique et la vision du groupe. Mon niveau d'anglais me fruste, n'ayant pas le paroles des titres pour vraiment creuser plus profondément le concept.
La première partie pose un concept qui joue avec avec l'aspect céleste, lié à une conception autour de dieu et qui joue du coup sur cette corde, avec les sonorités plus claires et les structures qui vont dans le sens d'une dimension évoquant une création (me basant sur les titres et la musique). Il y a une chronologie qui se fait, des étapes qui se succèdent, non sans évoquer le concept d'une guerre céleste qui va déterminer la suite des évènements et surement impacter la seconde partie.
Les tonalités offrent deux éléments clés: celle de la dimension céleste, de déité, par un jeu sur les sonorités plus claires, des éléments cristallins et un jeu sur certaines gammes ou structures qui vont appuyer ce côté céleste. Le chant va coller sur ça, en jouant avec les chœurs mais aussi les tessitures et tonalités des voix.
Les structures qui se différencient jouent aussi sur cette idée, les parties plus sombres ou violentes accentuant cette impression. On est sur une sorte de contraste diffus, servant à amener l'idée de la confrontation entre des forces (pouvant être aussi bien le bien et le mal que des forces physiques (et qui ouvre du coup l'idée de philosophie ou symbolisme)).
Cela amène des titres offrant des moments de bravoures tout en pouvant offrir des plages plus sereines, avec un travail sur l'idée de la temporalité et de la dimension (les deux se recoupant dans les deux possibilités de compréhension).
L'idée se forme même sur l'attirance et l'opposition qui se dessine dans les structures des titres, notamment à travers certains riffs et structures plus spécifiques, qui polarisent les deux aspects. Le heavy intervient alors dans des moments où il est nécessaire d'avoir un aspect épique (al dimension guerre céleste / évènements cosmiques - le groupe me corrigera surement). Et cela demande donc des titres qui peuvent être relativement longs (plus de 5 minutes à presque 7'30'') mais qui n'amène aucun ennui, du fait de l'écriture et des structures mais aussi du fait de la manière dont le groupe aborde le concept et répartit sa vision.
Il y a un coté parfois massif qui apparait, apportant de la lourdeur, qui structure les titres et symbolise quelque chose d'important, servant parfois à plus personnalisé une entité ou une action qui se fait dans le temps. C'est un élément qui apporte de cette manière un autre biais qui permet d'enrichir et d'offrir d'autres voies de fuites, laissant une part de compréhension libre. Et dans cette partie, quelques rares moments ont la visite d'éléments purement death, qui surprennent et son pourtant cohérent et logique, ouvrant un prisme différent ('The power). Que ce soit un élément rythmique, un riff ou un élément de chantCertains titres vont cultiver des passages qui vont se graver dans notre esprit, que ce soit pour la trame de l'album ou pour tout simplement la musique en elle-même, avec des passages sublimes, aussi bien en termes de mélodies que de structures (au hasard 'The resistance' et sa cavale très heavy qui rencontre le metalcore de manière subtile).
Au-delà de ces aspects, cette première partie pose des bases qui vont faire un lien avec la seconde partie, mais gardant propre à elle le côté cristallin lié au céleste (cosmos ou déité). Dans la globalité, cette première partie offre une manière de nous évader dans un univers où ordre et chaos se battent, offrant sur la fin de celle-ci une introduction à la seconde partie, 'Madness or matters' servant de lien évident avec la seconde partie.
La seconde partie change quelques éléments. La tonalité est différente, avec un grain plus gras et un côté plus agressif. Le heavy se montre plus incisif, offrant avec le metalcore quelque chose de plus modulé mais plus direct. Dès le titre 'Animal', on sent que la donne change, ouvrant le lien avec le dernier titre de la première partie. D'emblée, cette partie se veut plus organique, plus instinctive. La tonalité change, induisant la fin de l'arc céleste pour quelque chose de nettement plus viscéral. Le groupe s'offre une section rythmique plus intense de manière régulière, obliquant le concept vers une vision plus pragmatique. Le sacré ou l'aspect cosmique laisse la place au vivant et notamment la part humaine, mais sous le prisme animal, de part les instincts primaires.
Le mélange entre heavy et metalcore change un peu dans son dosage et sa forme. La fusion des deux styles est plus marquée mais reste marquée par un côté émotionnel, bien qu'ici se soit plus simple, à travers des émotions plus bestiales - à l'opposé des éléments qui marquent le côté céleste de la première partie. Les structures changent un peu, partant dans une approche plus frontale, laissant même le chant offrir une variation plus nette, s'axant à mi-chemin entre heavy et metalcore. Le contraste devient plus franc, marquant un côté plus binaire, jouant sur une polarisation plus simple: animal / humain, rejet de la première partie.
Cette dernière laisse des traces, notamment dans la trame musicale de fond, qui s'appuie sur les structures heavy et rappelle quelques éléments temporels que celle-ci offre. Cela permet au groupe de pouvoir changer le prisme sur le temps, passant d'une temporalité immémoriale à un temps plus à notre échelle. L'aspect mélodique est toujours présent, dans des solos mais avec une tessiture et une tonalité un peu différente, faisant appel parfois, à ce qu'il semble, à un jeu de gamme différent. La tonalité va plus évoquer quelque chose de vivant, mettant en avant l'énergie, sous forme de poussées rythmiques ou de transitions plus modulées ('Don't want to be like you' est un bon exemple du genre).
Ce changement passe aussi par des titres plus courts, seuls 4 titres dépassant les 5 minutes (dont 'O senhor dos mil nomes' dépassant les 11 minutes - une anomalie de temps au milieu des titres). Là aussi la durée de cette partie ne pose aucun souci, toujours par l'écriture et les compositions mais aussi, justement, par cette modularité de tonalité et d'approche. Certains titres œuvrant dans un tempo nettement plus lent mais sans appuie sur la lourdeur, plaçant cette idée de temporalité à notre échelle ('Just a man'). Les riffs se basant sur un duo guitare sèche / guitare électrique sont plus présent, laissant ainsi une mélancolie se mettre en place. C'est là que l'aspect direct change aussi, plaçant cette notion à un niveau différent (et qui permet au groupe de poser un titre qui est proche de la ballade et qui va se graver dans ta tête, avec sa mélodie implacable: 'With you'). Ce titre marque aussi un changement dans la profondeur du concept, passant complètement dans le ressenti émotionnel de l'humain. Il marque une grosse charge dans le genre, contrebalançant le reste vers un autre point de focalisation. Et sert d'ouverture à la conclusion de l'album et du concept avec le titre fleuve, qui offre une approche très modulé, très posée mais qui est aussi un moyen de refermé l'arc complet, puisque faisant une référence au dieu ('le seigneur aux milles noms'). Le titre adopte un rythme très lent avant de progressivement commencer à changer et à intégrer des éléments venant directement de la première partie, et plus précisément du début de cette dernière. Le changement net étant la langue du titre, en portugais. Ne me demande pas pourquoi, c'est une question qu'il faut poser au groupe. Mais le mélange entre la langue et la musique offre un titre très puissant, non pas en terme de violence mais clairement dans la manière dont il nous capte et ne nous lâche plus. Et de nous offrir un petit monument entre heavy et metalcore bien mêlés!
L'album se cloture par 'With you' et sa charge émotionnelle en acoustique.
Le chant est en anglais. Il oscille entre le heavy et le metalcore, s'offrant ainsi une variété de possibles, sans non plus aller n'importe où. Il entretient une cohérence, sachant être plus agressif ou bien plus posé, au besoin, s'offrant ici et là dans la première partie des relents plus gutturaux, évoquant quelque chose de primordial. La seconde partie joue plus sur une agressivité un peu plus heavy mais cela permet d'introduire la notion d'humanité, tout en conservant ce qui en fait sa base sur la première partie. Le timbre de voix du chanteur y est surement pour beaucoup, ayant un grain dans la voix, plutôt accrocheur. Quelques chœurs bienvenus ici et là apporte de la densité et une profondeur nécessaire par instant, découlant à la fois du concept et de la musique.
Le son est très bon et très intéressant. La première partie offre une approche particulière avec deux tonalités différentes, une lié au concept céleste / déité (les sons cristallins, certains riffs, des moments plus aériens, laissant la musique évoluer sur différentes hauteurs. La seconde offre un visage plus direct et va introduire une tonalité plus grave, ainsi que des structures qui s'appuient sur des mécaniques se sons plus directes, plus simples (par rapport à la première partie). Les deux parties partageant cet ADN du mélange entre heavy et metalcore mélodique. Le son est très riche, avec les instruments nettement audibles, que ce soit les guitares (jouant parfois sur les niveaux en strate ou en hauteur) ou la basse. La paire basse-batterie fait son effet, avec un son gras et chaleureux sur cet aspect. Les arrangements, plutôt subtiles, viennent adoucir et enrichir une base qui peut avoir un aspect agressif parfois, en toute logique. Où le travail sur le son est fort, c'est que le groupe, avec deux parties différentes et donc deux pôles, gardent néanmoins une cohésion sur la durée. Il n'y a pas de doute que c'est le même album, avec deux parties différentes certes mais clairement complémentaires.
Critical Heartbeat offre un album avec un concept intéressant, certes très dense, mais qui fonctionne complètement. Malgré la durée, il n'y a pas d'ennuis à l'écoute et l'album maintient notre attention de bout en bout. Si le chant peut surprendre au début, on s'y habitue très vite, le timbre de voix et l'approche faisant leur effet. C'est un album qui s'écoutera sans problème sur le long terme, de part sa densité, les détails dont il recèle mais surtout le travail de composition qu'il y a derrière. Respect les gars!