Yuden est un one man band du sud de la France, proche de Montpellier qui officie dans le rock industriel teinté d'électronique. C'est la version simple. Il s'agit de son premier Ep, après deux singles différents.

Les premières notes et sonorités renvoient à l'artwork portant du japonais. Yuden joue donc dès le début l'exotisme. Mais ne t'y trompe pas, ce n'est pas le cœur de sa musique. La tourne autour d'un rock industriel portant des éléments électroniques (dans la lignée de la musique électronique qui fait un lien avec l'indus), lui permettant de nous ouvrir un univers assez riche et qui va aller, ici et là, flirter avec d'autres relents musicaux. On peut ressentir ainsi quelque chose qui se rapprocherait d'ambiances venant de la cold wave voir quelque chose de plus dark wave. Il propose quelque chose qui joue sur l'atmosphère, à la fois envoutante et intrigante.

Il est utile de mettre en place le contexte rythmique avant de creuser un peu plus l'aspect atmosphérique et les circonvolutions musicales. Yuden adopte un rythme régulier, assez lourd (mettant en valeur la caisse claire et les loops électro), qui forme une trame qui suit l'Ep. Mais cette trame s'offre de la variation, à travers les éléments de la batterie, la sonorité et les éléments électros, puisant parfois dans des sphères indus que je rapprocherai de la musique bruitiste, en jouant sur des contrastes, des appuis et le traitement de certains éléments, à la tonalité pouvant changer.
Il crée une entité parfois hypnotique, en ralentissant au maximum le rythme, imposant un tempo très lent, lourd mais dégageant une étrange impression de chaleur, non pas humaine, mais synthétique. Les rythmiques partagent deux aspects différents, puisant au besoin dans l'indus ou une batterie, on va dire analogique, pour bien synthétiser l'idée. Et il y a un écho parfois avec des boucles purement électros, comme sur 'the loop'. Il s'agit d'une sorte d'ambivalence qui trouve son chemin vers une ouverture à la cohérence.
Cette entité propose des rythmes assez lancinants, qui ne serait pas non plus surprenant dans du funeral doom, sans non plus faire n'importe quoi. Il y a une sorte de ligne directrice qui trace le chemin, que les mélodies et autres éléments vont suivre. Mais toujours avec cette idée d'exotisme japonisant derrière, élevant une idée au rang d'œuvre. Et cette approche japonisante permet de faire un lien avec le titre de l'Ep mais aussi de pouvoir explorer différentes facettes, certainement avec un aspect culturel plus intime lié à Yuden.
Les guitares portent la marque de l'indus et se marient avec les aspects électros. Il y a une agrégation qui, lentement, assure une fusion des genres, en suivant le rythme imposé sur l'Ep, nous emmenant plus loin dans la vision de Yuden et faisant parfois fi des limites musicales, pour s'en absoudre et livrer une œuvre plus personnelle.
Tout ça font que Yuden étire une toile de cette base rock indus et va effleurer, avec subtilité, des sphères musicales différentes, sans non plus se trahir et perdre son ADN. Il y a de la modulation sans pour autant se perdre en conjonctures vaines. C'est très bien réfléchi.

Et tout ça crée des atmosphères feutrées mais à la puissance évocatrice, déployant une énergie dans des aspects différents et qui engendre des paysages musicaux mouvants. Yuden génère quelque chose qui évoque un voyage, aussi bien d'un point de vue physique que spirituel voire métaphysique, la musique, les textes et les visuels renvoyant à cette idée.
Les atmosphères sont posées de manière subtile mais avec une importance dans la cohérence, en jouant sur des sonorités, des altérations (que l'on peut clairement associer à l'indus), tissant une esquisse d'autres sphères musicales qui se recoupent (sans le risque de trahison que j'ai évoqué un peu plus haut). Mais le plus efficace dans les atmosphères est cette omniprésence des éléments évoquant le Japon, et plus spécifiquement une période éloignée de la notre. Ca nous immerge dans son univers, sans que cela ne soit asphyxiant ou saturant.

Le chant de Yuden est un chant clair, pouvant marqué ici et là des accroches vers la cold wave, à travers un timbre chaleureux et légèrement rauque. Il explore les possibilités, jouant avec les hauteurs de tons et des modulations de chant allant dans l'évocation des autres sphères, sans tomber dans la facilité. Son chant est parfois plus en retenu, jouant sur le contraste avec une forme d'énergie qui peut apparaitre dans le chant.
Le son est excellent. C'est d'autant plus important que celui-ci, outre le côté indus, recèle de nombreux détails (batterie, percussions diverses, sons électros, synthés...). Il joue avec les codes des genres mais aussi cette ambiance japonisante (dans des instrus particulières évocatrices), mais aussi dans certaines boucles présentes. Les guitares ont un son en contraste, abrasif, marquant l'identité indus et rock, avec une basse présente qui se balade dans les deux registres. C'est très riche, sans pourtant être saturant. Le chant est toujours audible, avec un équilibre réfléchi là aussi.

Ce premier Ep est une carte de visite pour découvrir un projet mûri, réfléchi, avec quelque chose d'intime mais qui pourtant nous ouvre un univers où le rock indus va se mêler à l'électronique et autres, livrant une musique profonde, dense mais très accrocheuse. Ca vaut vraiment le coup de tendre l'oreille sur ce projet.