

MARGOTH 5
PDF5
Québec Gold
Katö
Autoproduction
14 juillet 2021 à 10:41:31
Dématérialisé
2021
7 titres. Durée: 31'55''
Une petite vidéo:
Katö est un sympathique groupe québécois au nom énigmatique formé vers l'année 2017 (à la louche) qui appartient à la grande famille du doom, ayant eux obliqué dans un contexte sentant le sable chaud, l'asphalte surchauffée, les deux sous un soleil de plomb du désert. Bienvenus à vous dans le monde doom rock de Katö. Un monde atypique.
On prend place pour y aller avec un train (car c'est un voyage que propose le groupe), le 'Nullepart express' qui nous emmène directement dans un univers complètement doom, aux rythmiques lourdes, où un rock (plutôt sudiste) amène sa chaleur et un rendu à la lourdeur énergique, vraiment à part dans le registre. Car il y a quelques subtilités chez Katö qui sont foutrement bien vu, malgré des premières secondes pouvant être déstabilisantes (mais après, on plonge directement dans cet univers atypique). Et la mise en bouche avec 'Nullepart express' est essentiel pour les mécaniques de l'album. Et putain, c'est dense!
Par quoi commencer? Le son? L'approche musicale? Une approche globale? Je choisis, ce qui est rare chez moi de parler de chaque titre, à défaut de trouver mieux.
Bon, donc ce titre ('Nullepart express') commence par une mélodie très desert rock sous stoner, simple et efficace, avant l'arrivée en puissance du doom et d'une soudaine combinaison des deux en un seul élément. Car le groupe arrive à entremêler deux mélodies, l'une clairement doom et l'autre résolument rock sudiste, offrant en même temps qu'une densité massive, une vision étonnante (et limite psychédélique) du doom. Le tout avec un sens de la mélodie qui fait mouche, sur un travail de rythmiques variées. Et à partir de ça, le groupe a engendré d'autres titres, puisant dans cette base et explorant alors des possibilités que nos pauvres âmes n'entrevoyait même pas.
Car dès le titre 'l'Hypnös' le groupe amène ce coté psychédélique à son maximum, avec un titre à la fois aérien, aux mélodies presque éthérées avant d'offrir une mutation en douceur sur le doom rock, tout en gardant ce coté psychédélique, à la limite de l'hypnotique, offrant un voyage comme un trip sous acide mais sans acide du coup. Le titre est long (plus de huit minutes) mais offre une grande variation du thème, avec cette approche atypique et des rythmiques changeantes (dans la forme et le fond) mais gardant une cohérence au style musical et à ce coté psychédélique (avec parfois des onomatopées qui ajoutent à l'étrangeté attrayante). La construction est parfois elle aussi étrange mais dans le contexte de l'ensemble, d'une cohérence absolue.
Et on retrouve ce coté étrange, cette approche bizarre mais paradoxalement rigoureuse (car oui, la rigueur est obligatoire pour garder une cohésion dans un tel univers musical, sinon, ce serait un bordel...) avec un travail sur les rythmes (avec des variations sur quelques mesures, des changements inattendus, des évolutions allant effleurer d'autres styles (comme le blues)).
Et parlant blues, comme si ce n'était pas assez dense, 'Le siffleux' va puiser à travers ce coté rock sudiste et doom dans l'émotion d'un blues, avec la simplicité absolue d'une mélodie de guitare, évoquant un peu la Louisiane. Un titre court, à la limite du sublime qui tranche avec le suivant.
Car '14L de gaz', du haut de ces deux minutes (un instrumental comme le précédent) va apporter une lourdeur d'un doom rock et qui pourtant va rappeler sur la fin 'le siffleux' mais aussi évoquer dans la rythmique 'Nullepart express', et j'entend que ça évoque littéralement une locomotive via cette rythmique particulière.
Puis le groupe part dans une approche plus rapide, avec le coté rock offrant du coup un doom rock'n'roll pour taper du pied, avec 'L'autoroute du vice', un titre un peu vénère cette fois, avec l'appuie du rock'n'roll qui est indéniable mais qui va se moduler avec l'aspect doom, donnant envie de taper du pied tout en te secouant la tête. Et on retrouve alors la subtilité de deux lignes de guitares se chevauchant, offrant deux contrastes qui se marient parfaitement. Un titre rapide qui n'est pas sans évoqué un coté années 70 dans sa structure.
'Shotgun Ménard' arrive alors et change encore la donne. Mais attention, ça ne va pas être simple. Sur la base doom rock'n'roll, le groupe appuie bien sur le coté doom (prenant un aspect stoner plus marqué) tout en cultivant un aspect hardcore via des chœurs que l'on attendait pas. Là aussi on se retrouve avec un titre étrange mais là encore foutrement addictif, avec une lourdeur qui devient parfois presque dansante, tout en déployant une ambiance curieuse où le poisseux rencontre quelque chose de plus éthéré. On ne s'attend pas un instant à un tel titre, mêlant puissance, lourdeur et une certaine grandiloquence, à la limite d'un coté épique et son final ultra rock.
Et le trajet file alors sur son terminus avec 'Québec gold'. Plus que jamais, le coté doom rock est puissant ici, avec une approche en finesse et beaucoup de sonorités qui renvoie vers le désert rock, tout en puisant dans une certaine mélancolie, comme une nostalgie rêvée. Le titre glisse vers quelque chose de plus puissant alors mais gardant cette base, où le chant offre un contraste direct entre mélodie, rythme et la première section du chant. On est proche d'un titre qui pourrait être cinématographique, de ceux qui clôture un road movie à l'ambiance nostalgique, avec ce coté pesant qui intervient, ponctuant l'aspect lourd.
Et il y a le chant. Et là, on est plus dans un chant proche du doom mais avec un timbre de voix qui renvoie à cette essence du rock sudiste mâtiné de stoner, avec une voix un peu rocailleuse, collant parfaitement à l'univers musicale du groupe. Le chant est en français mais avec l'accent dépaysant québécois et quelques expressions qui apportent elles aussi ce coté atypique. Le chant se module, pouvant être trainant ou plus rapide, mais toujours avec un fil rouge impossible à retranscrire mais qui fait sens à l'écoute. Ce chant est chaleureux, c'est indéniable et participe à notre immersion, ainsi qu'au coté attractif. Sans lui, il n'y aurait pas cette magie surprenante qui nous prend aux tripes dès les premières secondes de 'Nullepart express'.
Le son est excellent, appuyant lui aussi ce coté particulier, à travers un coté chaleureux, évoquant pêlemêle stoner, rock sudiste, blues... ou comme si quelque chose entre la Louisiane et un désert surchauffé avait conquis le Québec (déjà une approche proche avec Seum) mais avec une approche résolument différente, cultivant une fière différence.
Si vous ne connaissez pas Katö, allez-y, foncé, si vous êtes amateur de doom. Car le groupe prend clairement du plaisir à faire sa musique et ce plaisir transparait et découle d'elle, offrant un résultat improbable mais addictif! C'est un voyage qui vaut vraiment le coup!