Malhkebre est un groupe toulousain formé en 2002, avec deux démos à son actif (en 2004 et 2023), cet Ep de 2006, un split en 2009 et enfin deux albums (en 2014 et 2019). Le groupe officie dans un black occulte et malsain, avec un côté presque raw.

Cet Ep est une bonne introduction pour découvrir le groupe. Proposant 4 titres de durées variables (de 4'30'' à 7'32''), le groupe nous plonge donc dans un black metal très sombre, malsain, qui transmet une atmosphère pesante et malsaine, à travers les intros des titres, lui permettant d'embrayer alors sur sa vision du black.
C'est un black rapide, plutôt primitif dans certains aspects, jouant avec un côté un peu raw, qui lui offre la possibilité de pouvoir créer une trame et une ambiance globale assez délétère mais avec une efficacité bien présente. Il marque un ADN qui semble venir de la seconde vague, bien qu'il y ait autre chose à l'intérieur. Mais il ne s'arrête pas là et va intégrer d'autres éléments de structures et d'approches.

En effet, même si le groupe œuvre dans la rapidité, vouant un culte à la vélocité, il n'hésite pas à casser le rythme de manière soudaine en glissant un break ou de ralentir en quelques mesures pour amener une lourdeur qui amplifie la face sombre et développer un côté oppressant et anxiogène, notamment quand celui-ci va impliquer l'apparition d'éléments rituels, notamment dans les structures de la batterie ou dans la modulation des rythmiques, affichant ouvertement un penchant à aller plus loin (sans que ceci ne soit vraiment fait, le groupe ayant, étonnamment, une certaine science de la subtilité).
Et c'est une des clés qui apparait alors, ce côté rituel étant discrètement présent sur les titres mais s'exposant vraiment sur le 3è titre, s'offrant un lien avec le titre lui-même ('Obscurus religiousus'), qui va vraiment donner au groupe l'essor de montrer son potentiel et sa vision personnelle du style. Cela confine même presque à une vision pervertie de la religion.
Cela se ressent par les deux titres en français, 'Première louange' et 'fidèles serviteurs', qui implique une sorte de parodie de cantique mais de manière complètement pervertie, mettant en avant la noirceur et le côté malsain, pour mieux offrir sa vision du rejet du christianisme. Car, mine de rien, c'est plutôt ça qui est au cœur de l'Ep, un fort rejet des canons liturgiques, une manière de dévoyer l'ensemble (et de donner son assentiment à la face sombre). On flirte parfois avec une sorte de black dépressif (sous acide quand même), ce qui permet, dans ce flot de noirceur, d'offrir une certaine densité et un moyen d'apporter une bouffée d'oxygène, afin de mieux nous laisser assimiler le concept ou le message.
Mais il y a aussi parfois un étrange relent qui s'immisce au milieu de tout ça: une sorte de doom funèbre, qui offre quelques fragments de ci de là, apportant, au-delà de la densité, une sorte d'inclinaison de l'ambiance, appuyant la face sombre, mettant en exergue quelque chose de plus distant.

Si Malhkebre fait du black, sans le moindre doute, il est plus hardi de trouver vraiment la chapelle où il exerce, tant le groupe offre un black volubile, gardant en ligne de mire l'efficacité et son essence malsaine, brutale mais non dénué de sens. Il offre un black qui n'est pas un simple rejet ou offrir une sorte de théâtre idéologique mais bel et bien une exposition de convictions, à rebours de ce qui est quotidien, dans le domaine religieux. C'est presque une approche qui effleure une certaine forme de philosophie, qui se est en début de déploiement sur cet Ep (je ne sais pas du coup sur le reste de la discographie). Le groupe est un vecteur d'un message mais qui n'est pas simplement une antithèse. C'est plus profond que ça. Et même si il n'y a que 4 titres, le groupe offre un propos soigné dans le genre.

Le chant est très typé, regardant plus vers un chant très éraillé, nous ramenant vers la seconde vague du genre. Mais ce chant n'est pas fermé et il inclut une variété dans les vocaux, glissant vers un chant parfois plus guttural, offrant un contraste intéressant de par ce biais. Si l'aspect black est bien présent, il intègre aussi quelques éléments provenant du rituel et même quelques accents d'un doom funèbre.
Le son est vraiment bien, compte tenu du style. Il y a un côté raw comme je l'ai dit mais le groupe prend soin de ne pas offrir un son pourri. Il y a vraiment beaucoup de profondeur et de subtilités dans les riffs ou le soin apporté à la batterie. Le groupe prend aussi le soin de l'équilibre avec le chant, bien audible, jouant sur la fine lame de l'équilibre entre un son compréhensible et la volonté d'offrir quelque chose de palpable dans le genre.

Si tu ne connais pas Malhkebre, c'est vraiment l'occasion de découvrir ce groupe, en même temps que sa vision du black. Et dans le genre, le groupe fait fort pour un début, cultivant une vision d'un black plus riche qu'il n'y paraît.