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Plénitude éphémère

Eros Necropsique

Mors Ultima Ratio

27 juin 2024 à 09:18:14

Cd digisleeve

2023

9 titres pour 1H 10'22''

Une petite vidéo:

Eros Necropsique est un groupe formé en 1993, dont mon premier souvenir est l'album 'charnelle transcendance' en 1997 et nous vient de la belle ville de Reims. Le groupe prend le temps de faire ses albums, avec son approche, ce qui fait qu'il s'agit du 4è album. Le groupe navigue dans la darkwave / neo folk / neo classique (en simplifiant pas mal quand même).

Je redécouvre du coup le groupe depuis son album en 1997, qui m'avait marqué par son approche mais sans plus m'attirer. Presque trente ans après, mon avancée en âge et l'évolution de mes goûts, la première écoute (et même dès le premier titre) m'a directement accroché, du fait, justement, de cette approche plutôt singulière et se situant aux confins de différents styles, assimilable aussi bien à un sous genre du metal que s'en extirpant allégrement.
Dès le début, on retrouve cette patte de l'époque mais qui a aussi évolué, le groupe peaufinant très clairement son art, avec une approche sophistiquée mais pourtant accessible, gardant ce côté poétique des textes, avec un angle introduisant des aspects musicaux exotiques, plutôt arabiques, qui se mêlent de manière efficace à la base darkwave. Le groupe et surtout son esprit penseur, Olivier Déhenne, nous emmène à travers un voyage où s'entre-mêle onirisme, le voile tombant de la réalité et quelque chose de plus intimiste, touchant à l'émotionnelle, à la psychologie et à la chaire elle-même.
Alors oui, ce n'est clairement pas un groupe trop joyeux, recélant sa part de ténèbres (qui transcende complètement le tout). Surtout que le groupe articule sa musique sur des pôles peu usuels.

L'ensemble est très posé, avec ce chant à la fois déclamatif et avec quelque chose de théâtrale, qui accompagne une musique au tempo souvent lent, tel voile qui tombe au sol, qui joue avec des codes puisant dans le classique, la folk et une part de metal. Si la musique n'est pas en elle-même virulente, elle n'en dégage pas moins de la puissance, avec des angles s'appuyant sur la musique classique (évoquant des amorces de canons parfois) mais aussi sur le metal, avec certains passages où la puissance vient directement de la guitare très codifiées et du contraste qui se joue entre l'instrument et le reste. On trouve ainsi une approche structurelle qui offre à la fois une évasion, une mise en abîme (se recoupant à travers les textes soignés) et un travail qui permet aux styles de se mêler ou de s'entrecroiser, au besoin des morceaux.
La dominante darkwave s'appuie ainsi sur des instruments comme le violoncelle, le hautbois ou le violon, en complément des instruments conventionnels (guitare, basse).
Cela permet de renforcer le côté sombre de la musique, avec cette puissance émotionnelle que peut porter la musique classique, qui se différencie des autres styles et vient offrir quelque chose de complémentaire et de jouer aussi sur les différences entre les styles. Cela amène des atmosphères puissantes et prenante, allant titiller des ambiances baroques, voir gothique (plus dans la lignée de la musique classique et un peu dans un mélange gothique / coldwave) sur certains passages, nous emmenant plus profondément mais aussi plus loin dans l'univers que nous déploie Eros Necropsique. Cela implique une musique sombre, que conforte les paroles mais aussi la forme que peut prendre la musique et l'altération des codes qui s'applique parfois, permettant de glisser l'album vers un point convergeant qu'est le prisme de la folie (qui explose avec 'volonté d'en finir avec le réel', à la fois musicalement mais aussi de manière frontale avec le final où la folie se personnifie).

Cela permet aussi d'expliquer des étrangetés qui ponctuent les titres de l'album, aussi bien ce mélange avec le côté arabisant et la darkwave (offrant au passage un constate complémentaire) que certaines structures qui, ici et là, pose cette mise en abîme que j'évoque plus haut, qui implique cette chute dans la folie, mais abordée avec finesse et cette approche poétique, confinant parfois à une approche plus céleste, offrant des accents proches parfois de la musique sacrée. Ou encore ce côté onirique qui s'exhale de la musique ou même peut-être le chant d'Olivier. Et qui semble être le découlement logique de la suite des albums précédents, intégrant de manière diffuse cette folie.
Il n'en reste pas moins que le groupe pose aussi un angle de réflexion avec son approche musicale et les textes des titres. On est sur quelque chose de profond, de réfléchi et qui, de manière détournée, nous faire réfléchir aux paroles mais aussi à cette approche où la puissance n'est pas conventionnelle tout en étant très stylisée (par les percussions, les instruments employés avec des codes du classiques). Il y a aussi quelque chose de plus intime, que ce soit dans les textes ou l'approche musicale, qui fait écho, quelque part, à la part charnelle de chacun, en plus de cet angle poétique, sombre mais très prenant. La part de théâtrale qui existe mettant en exergue ces éléments et plaçant le tout dans une idée d'un regard extérieur qui observe le tout, de manière détachée.
La durée des titres, pouvant être conséquente, laisse l'amplitude nécessaire au groupe pour pouvoir pleinement explorer les possibles et jouer avec les codes présents dans l'album. L'ennui n'est pas une option ici: tout est réfléchi, utile, nécessaire à la compréhension.

Le chant est un élément important pour le groupe. Ici, on retrouve deux chants, chacun avec ses codes et son importance, à la fois complémentaire et ouvrant sur des horizons différenciées. On va commencer par le chant de Jeanne, qui offre un chant clair et fait office aussi de chœurs. Dans ces moments, on est clairement dans une approche de chant classique, effleurant parfois le lyrisme. Le chant est clairement mesuré, réfléchi dans son placement et son utilisation, qui va fortement jouer sur les atmosphères ou le ressenti. Jeanne offre aussi cet aspect onirique dans son chant, nous propulsant vers des dimensions inattendues.
Le chant d'Olivier est singulier. Clair mais à la fois déclamatif et théâtral, il pose le pivot central de ce qu'est Eros Necropsique. Mais il n'hésite pas à s'aventurer parfois vers quelque chose de différent, jouant aussi bien la carte d'un certain exotisme que celui d'une exploration vocale. Son rythme est clairement essentiel aux titres, imposant un rythme maître.
Le son est excellent. On est loin des codes liés au metal et cela n'empêche pas au groupe d'offrir une puissance certaine en même temps qu'un dévoilement de chaque instruments, usuels ou moins conventionnels. Ils sont tous présents, audibles, que ce soit le clavier, l'alto, la basse ou encore le hautbois (et les autres). Le choix des percussions est important car liant l'esprit et la forme de l'album. Les chants sont clairement compréhensibles mais avec une mise en avant un peu plus appuyé du chant d'Olivier, qui est le moteur de l'entité et que les paroles ont énormément de sens.

Ce nouvel album d'Eros Necropsique est une pépite du genre. Plus que jamais, le groupe a peaufiné son art, explorer son univers et ses thématiques. Si tu est de nature curieuse, aucune hésitation à faire: c'est clairement un incontournable qui s'impose ici.

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