MARGOTH 5
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Parthénogenèse
Anthropovore
France black death grind
8 mai 2024 à 15:15:08
Cd digipack
2024
10 titres pour 1H05'53'' (+ F(a)I(m)N: 32'26'' )
Une petite vidéo:
Anthropovore est un charmant duo de Paris qui officie dans un death black sombre et énervé, qui nous revient avec un troisième album de toute beauté, portant le concept encore plus loin et de manière plus sombre.
Avant de commencer, pour vous situer, il est important de savoir ce qu'est la parthénogenèse. Pour faire simple, c'est une reproduction sans fécondation, issu d'un ovule qui va se développer seul. Voilà, ça situe un peu l'idée.
L'album est assez dense et après une déclamation qui ouvre l'album sur 'Notre père', qui en fait une sorte de prière pervertie, on retrouve l'essence de ce qu'est Anthropovore (et de ce que j'ai découvert via 'Boogeyman'). On retrouve ce qui fait le piquant du duo mais qui introduit quelques éléments nouveaux, qui nous enfonce plus profondément dans le cauchemar et va creuser plus loin la face sombre de l'humanité, avec le regard face à notre société moderne. L'album va aborder des thèmes très pointus et les facettes sombres qui découlent de ce qui constituent notre époque (réseaux sociaux, omniprésence des sollicitations... engendrant mal être, harcèlements et autres bonheurs malsains. Et du coup, la parthénogenèse qu'évoque l'album est la multiplication du mal, sous ces divers facettes, dans les aspects humains les plus sinistres (et qui fait la continuité de l'album précédent).
On retrouve la virulence des passages violents qui alternent avec des passages plus lents mais cette fois, le duo introduit une notion de lourdeur flirtant avec l'abyssal sur certains passages, amenant une sorte de black doom qui ramperait dans les recoins les plus sombres et poisseux. Les deux aspects, rapides et lents, ont en commun un côté incisif qui ne fait pas dans la demi-mesure et font ressentir la noirceur que véhicule Anthropovore (ou du moins, qui en est le vecteur). Il en devient un catalyseur, qui repousse ainsi les limites de l'entité et va mettre le doigt sur ce qu'il y a de plus sombre, intégrant encore plus la notion de psychologie déjà présente dans 'Boogeyman'.
Le groupe nous met à l'aise avec les structures alternantes qui le caractérisent, pouvant aussi jouer sur une batterie lente quand les guitares vont être rapides, glissant une notion de contrastes et qui permet au duo de nous emmener vers quelque chose qui change, se module et tisse une trame particulière. En allant cette fois briser le quatrième mur, vu que les textes en français s'adressent plusieurs fois à l'auditoire, donnant l'impression que l'album est un échange (véhément) avec l'humanité de l'entité Anthropovore.
Les structures de l'album sont assez particulière par moments, jouant sur la dissonance et la dislocation de la structure de base (par altération de tempos, de certaines sonorités...) et celle du temps, où certains titres vont développer une durée conséquente (7 entre 5 et 6 minutes et trois qui dépassent les 8 minutes dont un qui flirte avec les 15 minutes). C'est un des moyen de nous plonger dans les tréfonds du cauchemar et de donner un nom à des enfers, dans lesquels on vit peut-être (pense-y en écoutant l'album, qui te souffle quelques indices).
Le groupe livre ainsi des passages parfois dantesques, parfois plus épiques mais toujours sous un angle obscur et malsain, où le point de convergence est la part sombre de l'humain. Et il appuie cela avec des structures ou des éléments, proche parfois d'un arc narratif, qui développe une sorte de hiérarchisation dans l'album, nous glissant de la noirceur déjà pas très joyeux à une évocation d'extermination, non sans un brin d'humour et de pastiche qui fait son petit effet ('Mangez-moi'). Ce n'est pas décalé, bien au contraire, cela permet de pouvoir appuyer plus fortement sur des éléments qui sont le sel de la bête.
L'album parle vraiment de thèmes sombres, qui sont un arc sur la psychologie, sous divers aspects, liés ou non à notre époque, toujours avec cet angle malsain (transmigration, mal-être, harcèlement, troubles psychologiques découlant de la société moderne...)
C'est là que l'aspect black se révèle particulièrement efficace, en mettant ces éléments en exergue, afin de pouvoir jouer sur l'accentuation et une forme de surenchère qui permet au duo de pouvoir nous faire basculer, au fur et à mesure de l'album, vers une fin inéluctable et vicieuse puisque la mort n'est pas l'issue. Les textes posent vraiment des réflexions intéressantes, pas toujours faciles et le black donne le moyen de lié le tout et de faire la continuité entre les titres et les albums.
Le black recouvre ici deux aspects: un parfois plus rapide, sur quelques fulgurances où il va se mêler à du death et l'autre, omniprésente, avec une approche plus lourde ou lancinante, appuyant les vocaux et les textes, parfois avec un côté martial, perverti là aussi. La modulation du black est une nouvelle voie que Anthropovore explore plus sérieusement, servant à enfoncer plus loin le malaise.
On retrouve aussi des éléments death, plus diffus, qui vont être plus présents les accélérations ou quelques breaks retors. L'idée est que l'aspect pulsionnel soit un moyen de faire sentir le cœur de la bête battre de de par ça, faire que la musique donne corps à la fois au concept d'Anthropovore mais aussi à la conceptualisation des thèmes abordés, certains étant liés plus facilement au death.
Si une certaine lourdeur domine, l'apparition des fulgurances renforce leur brutalité et va nous faire complètement occulter la dominance plus lourde (alors, évidemment, je ne l'ai pas encore dit, mais c'est une lourdeur relative par rapport à la vélocité chez Anthropovore. Ne t'attends pas à du très lent, ce n'est pas le cas).
Mais la structure marqué par une lenteur plus importante est une évolution nette, qui offre un contraste avec les fulgurances débridées. Contrastes qui permettent de glisser de la dissonances et des altérations qui ajoutent une couche au malaise. Et qui permet de marquer l'idée de la parthénogenèse, l'ensemble faisant sens car découlant d'une seule origine.
Les vocaux sont aussi un éléments qui apportent une nouveauté. On retrouve la voix d'Anthropovore Simon, toujours avec ce panel assez large, marquant à la fois de sa voix claire que d'un chant oscillant entre black et remugles death, avec ce timbre caractéristique. Il module aussi bien sa voix que la rapidité du chant, suivant les circonvolutions de la musique. On découvre une autre voix, féminine. Adèle (Adsagsona de Houle) apporte une voix elle typé black, qui apporte une tonalité et une tessiture qui vient en complément de la voix de Simon. sur cinq des titres. Les paroles des l'album se partageant entre entre les deux voix, on a une différence de ton qui est complémentaire, leur voix ayant le même but. Ce qui est d'autant plus appréciable que la majorité des titres sont en français, à l'exception de 'Castigo' qui est en espagnol et 'Better off alive'. 'Castigo' apporte un point plus malsain qui focalise, semble-t-il, la notion de folie, sous un prisme religieux (croyances...). Ne pipant pas un mot d'espagnol, le duo saura vous l'expliquer bien mieux que moi.
Avant d'évoquer le son, on va se focaliser sur le second disque de l'album, cette édition ayant aussi un second disque avec un titre fleuve de plus de 30 minutes. 'F(a)I(m)N' est un titre qui déploie 9 chapitres, en continuité avec 'Parthénogenèse' mais sous un prisme plus concret faisant un état des lieux de notre condition en tant qu'espèce qui va droit dans le mur. Le titre a une approche plus frontale, plus viscérale et nettement plus ancrée à notre réalité. A la fois un pamphlet, une analyse et un constat, ce long titre très structuré se veut violent. Violent dans la thématique (famine, disparition de la vie... dues à l'homme), la forme (un black death véhément, sans concession où les seuls moments de répits sont des extraits de journaux télévisés ou de reportages, plutôt glaçant dans le constat et quelques modulations plus sinistres) et dans son déroulement. Le titre ne laisse rien passer et va marteler les points néfastes de l'homme en tant qu'espèce destructrice. La violence est débridée, avec un tempo très rapide et des structures plus simples de black death, à la radicalité évidente. C'est nettement plus cru que 'Parthénogenèse', ne prenant pas de gants et ne faisant pas usages d'allégories ou de symbolismes. On retrouve forcément un aspect très malsain, mais cette fois avec un angle qui nous lie à notre réalité.
Des éléments funestes viennent ajouter au malaise, comme des glas d'églises, des altérations sonore ou cette mélodie vers les 15 minutes qui n'est pas sans évoquer '28 jours (semaines) plus tard' et qui place du coup cette idée d'une apocalypse à venir. Et induit des transitions sur quelques passages plus lourds, venant ponctuer le titre et amener un peu d'air (plus du monoxyde de carbone je pense, pas d'air). Le titre amène une ambiance anxiogène plutôt puissante et va nous emmener, inexorablement, vers une fin qui garde l'essence black death mais en optant pour un ralentissement progressif (qui voit poindre des contrastes de virulence sous formes d'accélérations fugaces dévastatrices).
C'est un constat sans appel mais ouvrant, de manière paradoxale, un espoir: si de plus en plus de personnes font ce type de constats ou d'analyses, les lignes peuvent bouger. Mais en fait, non. Pas ici. C'est plus une fin vers une apocalypse ou la fin d'une espèce déjà sur son déclin. Anthropovore sera la bête. Cette fois, seul le chant de Simon est présent, jouant là encore avec ce que les chants proposent, notamment une ligne diffuse entre chant clair et saturé par moments.
Le son de 'Parthénogenèse' est très puissant, massif. Il y a un côté chaud dans le son, qui vient en contraste de l'aspect froid et sombre du black. Les chants sont clairement audibles, pour notre joie de la compréhension. Les guitares sont différenciables et laisse la basse bien présente, d'autant que la batterie est programmée. Il y a une approche du son assez frontale, en terme de sonorités. Il y a des éléments mis en avant ici et là, apportant des détails qui densifie le tout. Les claviers ne sont pas perceptibles mais pourtant il y en a, plus dans justement, ce qui fait la trame sonore de fond. On retrouve ce qui fait Anthropovore, avec ce côté percutant dans la basse et les rythmiques.
'F(a)I(m)N' apporte un son plus cru, plus instinctif, semblant enregistré avec moins de moyen et surtout plus de spontanéité. Il se veut plus écrasant, face à notre propre réalité par rapport à l'album qui est plus dans une trame symbolique. Le son se veut plus dissonant, avec un côté percutant plus viscéral. On discerne la basse et les différentes guitares.
Bon, je n'irai pas par quatre chemins: c'est un album à avoir. Tout fan de violence intelligente ou de réflexion brutale se doit de l'avoir ou de l'écouter. Ne perd pas un instant!