Coilguns est un quatuor suisse avec 20 ans d'existence dont j'ai pu voir passer le nom, sans vraiment avoir une idée de ce que le groupe propose. 'Odd love' me permet de lever le voile du mystère.

11 titres constituent l'album. Le groupe, d'entrée de jeu, pose les bases d'une noise rock se mêlant à du post hardcore. La rythmique se démarque rapidement, avec un appui parfois marqué des éléments noise (j'y reviendrais). Les mélodies, par des riffs efficaces et directes sont là. Et déjà, juste cette amorce pose aussi des base d'une sorte d'urgence punk. C'est aussi un élément que l'on va retrouver ici et là, transposé avec la noise rock du groupe.
Les titres laissent vraiment ce sentiment d'urgence punk, qui vient flirter sauvagement avec la base noise rock et post hardcore du groupe. Il y a une identité sonore, musicale et aussi une empreinte plus étrange qui se dessine parfois, ouvrant un paradoxe à l'écoute: il y a un côté instinctif, direct (issu d'une mentalité punk) et une construction et structuration plus complexes, denses et qui échappent parfois aux codes du genre.
Il y a de la folie qui suinte de ce 'Odd love'. De la folie qui fait du bien et met un sourire à notre face. Il se distille une ambiance voire même une atmosphère qui imprègne les titres, allant dans un sens immersif réfléchi mais en gardant l'impression d'une sorte d'improvisation.

Ce qui marque en premier et l'approche des rythmiques, qui sont particulières. Parfois codifiées, souvent chaotiques et déstructurées, ces dernières apportent une trame assez singulière qui viennent nous emporter, en toute innocence. Il y a un travail marqué sur cet aspect, offrant un panel conséquent et qui joue avec ce que les styles peuvent permettre.
C'est là que je reviens sur les éléments noise. Ils sont assez présents, sans que l'on s'en rendre toujours compte. Ils impactent la rythmique et amorce une étrangeté qui se trouve lié au synthé présent dans la musique. Et le synthé joue aussi bien sur des mélodies, de l'atmosphère qu'un renfort au niveau de la rythmique, jouant sur la tonalité mais aussi sur la nature fluctuante et chaotique de la rythmique, notamment quand les accents noise sont plus présents.
L'architecture de la rythmique passe aussi par des éléments post hardcore, codifiés, qui permettent de tisser une double trame rythmique, quand celle-ci ne mute pas en quelque chose de chaotique, déstructuré et devenant, du coup, très dense et complexifié. Et celle-ci va passer par un jeu subtil des tempos et de la manière d'aborder ce segment, apportant du contretemps, des altérations mais aussi quelque chose de plus fluide qui rejoint certains éléments mélodiques des riffs. Oui, la structure rythmique sort de son lit et brouille les limites de quoi est quoi. En toute logique implacable et efficace.

Cela impact les construction des titres. On a évidemment des segments où les styles sont identifiables ou auxquels on peut attraper des repères. Quand c'est plus ou moins conventionnel. Parce que souvent, la convention s'enfuit aux confins de l'univers, laissant la place à une sorte de chaos paradoxalement organisé. Et cela rejoint alors cette urgence punk qui s'exhale (de plus en plus au fil de l'écoute), pulvérisant au final les barrières et rejoignant quelque chose qui serait plus proche du punk noise. Mais toujours avec l'identité structurelle et sonore que le groupe nous offre depuis le début de l'album.
Et là, tu comprends bien que cette chronique n'est aps si simple. Malgré mes écoutes, il y a toujours une part de mystère qui réside au sein de l'album de Coilguns. Un mystère qui fait partie de l'ADN du groupe, de sa manière de s'approprier les styles mais aussi de sa vision de la musique et de son impact sur l'auditeur. C'est d'autant plus un plongeon dans un abime que le groupe offre une réflexion à les sujets abordés (ici, il y a un lien avec la fin du monde) en même temps qu'une approche foutrement logique et cohérente entre sujets, musique et immersion en son sein. Et ça va bien plus loin qu'un simple chaos.

J'évoque ici et là une atmosphère qui nimbe l'album. Celle-ci repose sur beaucoup de chose, comme le son, la tonalité, les ruptures ou encore la présence de ce synthé au multiples ramifications. L'atmosphère se joint à ce sentiment d'urgence, avec une mentalité punk dans l'âme mais aussi un besoin de pousser notre immersion plus loin, nous incitant à vouloir explorer les textes (et qui fait que cet album rejoindra ma collection un jour). Cette atmosphère est à la fois le centre névralgique mais aussi l'essence de l'album, tout en sachant se montrer discrète, un peu en retrait. Elle s'appuie sur les contrastes qui parsèment la musique (rythmiques, tonalités, tessitures, structures...) mais est aussi son propre point d'appuie parfois - rejoignant cette idée de chaos organisé (qui s'emballe parfois de manière assez jouissive). Et qui amène quelque chose parfois éthéré dans la rudesse globale.

Le chant se partage entre post hardcore(avec des chœurs) et quelque chose plus punk dans certains passages (où parfois l'aspect noise apporte sa patte au chant). Un chant assez classique dans le genre et pourtant qui arrive à se détacher de mes repères. Intéressant.
Le son est excellent. Il est puissant, avec un grain particulier, venant du côté noise. Une sorte de salissure qui donne du corps au son et une identité marquée. L'approche est assez singulière mais fonctionne dès le début, sans la moindre entrave. Les instruments sont tous audibles, avec un travail sur le son de la basse et du synthé qui viennent se supplémenter parfois. Une approche qui marque une cassure et joue avec les codes des styles, à travers le son. Le chant est clairement audible, avec parfois aussi un léger grain qui fait écho à la paire basse / synthé. La batterie a un son plus marquant pour les impacts, avec un côté étouffé légèrement sur certains éléments, renvoyant à la nature de la musique et de la paire basse / synthé.

Je découvre Coilguns avec cet album. Les gars livrent ce qui ressemble à une bonne branlée dans le genre, une déflagration punk noise sans fioritures. Efficace, réfléchi et dense! Si vous aimer les musiques plus complexes qu'il n'y parait, n'hésitez pas un seul instant!