

MARGOTH 5
PDF5
Ocean
Death engine
Code Records, Throatruiner records
17 février 2023 à 16:37:16
Dématérialisé
2023
7 titres. Durée: 36'23''
Une petite vidéo:
Death Engine est un groupe formé en 2011 du côté de Lorient et qui a un Ep et deux albums à son actif. Début 2019, le groupe s'arrête. Covid et autres arrivent. Ici, ce sera quelque chose qui aura du bon puisque le groupe relance la machine et voici donc son nouvel opus.
Death engine est un groupe que je ne connais pas et que je découvre donc (et faudra que je choppe le reste du coup). Le groupe semble avoir évoluer au fur et à mesure de son histoire et a glisser vers un post metal / post hardcore où du sludge vient s'inviter. Bon, dis comme ça, c'est simple. Retranscrire est une autre paire de manches. Car c'est putain de dense, en plus d'offrir de la complexité.
Le groupe nous plonge dans un univers assez sombre où cohabitent une violence protéiforme, de la lourdeur et de l'altération. Et au milieu de tout ça se dresse une trame sur laquelle le groupe va tisser et donner vie à quelque chose qui semble plus être une entité qu'un simple album. Les titres s'imprègnent d'atmosphères particulières qui viennent à la fois en contraste, en cohabitation et en complémentarité de la base mais sans jamais être exactement tout en même temps et qui, pourtant, parfois synthétise les 3 formes. Et pour ce faire, le groupe mise sur certains éléments qui marquent la musique.
L'un des premiers éléments qui éclate aux oreilles est la lourdeur que le groupe distille dans sa musique. Mais pas de cette lourdeur pouvant offrir un certain répit ou une trame plus respirante. Non, ici on parle d'une lourdeur pesante, sombre, qui imprègne la musique comme de la boue imprégnerait un jeans que tu portes, rendant tes pas plus lourds, plus lents. La lourdeur des titres laisse transparaitre quelque chose de très sombre, voire de négatif mais qui, paradoxalement, semble dirigé vers une sorte d'exutoire.
Elle ponctue les titres, revêtant diverses formes qui apportent de la texture aux constructions des titres, qui peuvent être sacrément alambiquées.
Les titres ont tous cette notion de lourdeur, qui va s'exprimer différemment, aussi bien au besoin des titres que par l'attachement même de celle-ci à l'essence du titre. Et cela va passer par des rythmiques très variées, allant titiller des recoins du hardcore (plutôt le D-beat), des approches plus rituelles ou encore destructurées. Mais elle s'exprime aussi à travers les riffs, qui eux aussi portent des oripeaux variées, trouvant le même point de convergence. Notamment quand ceux-ci ralentissent le rythme, pesant plus fortement sur la trame.
C'est dans la lourdeur que s'exprime le sludge qui suinte de l'album. Cette approche se révèle subtile mais s'avère pourtant assez frontale, du fait du côté compact que l'on peut rencontrer (et qui va parfois se lié à l'aspect massif de certaines parties, rendant le tout assez monumental).
Le groupe joue sur la notion même de la lourdeur, avec des aspects variants, d'une pesanteur abyssale à quelque chose de plus contrasté, surtout lorsque celle-ci va rencontrer des moments éthérés inattendus, dévoilant une certaine beauté dans ce sombre univers. Elle est omniprésente, composante qui ne peut être que parce que liée à d'autres choses.
Et l'un des éléments liées à la lourdeur, qui existe à travers elle et au-delà, est la mélodie. Ou plutôt le sens de la mélodie. Car là aussi, c'est un point essentiel qui domine l'album. Le groupe, malgré cette approche sombre et violente, n'en a pas moins une esthétique marquée dans les mélodies. Et celles-ci apportent aussi divers éléments, qui marquent profondément la musique du groupe. Et expriment différentes émotions, qui sont aussi une part importante du groupe (et intrinsèquement fusionné au tout). Elles permettent de créer des atmosphères éthérées mais puissantes, pouvant reposer sur la lourdeur ou l'accompagner, au besoin.
Mais aussi pour créer des nappes d'atmosphères qui embrasent l'approche sombre du groupe, amenant des fulgurances presque oniriques, qui viennent amener un peu de lumière dans cette noirceur et une forme d'onirisme. La mélodie est indissociable de l'album et s'exprime même dans les phases plus violentes, jouant sur la forme. Elle peut être entêtante, lancinante ou simplement un vecteur émotionnel où la subtilité explose soudainement, offrant un contraste au regard du reste, plus brut. Et même devenir quelque chose d'hybride, entre une entité et quelque chose de plus organique, engendrant soudainement une nouvelle dimension, avec un côté bluffant, où l'esthétisme va effleurer quelque chose de plus céleste. Vous ne me croyez pas? 'Dying alone' saura vous convaincre, concentrant cette approche sublime. Et qui dessine aussi une approche plus cinématographique, qui marque plus de son empreinte certains titres ('Empire').
La violence baigne l'album. Mais on est face à une violence gérée intelligemment, qui n'est pas là en tant que violence mais plus, là aussi, comme une entité à part. Que ce soit dans les rythmiques, les riffs ou les variations de styles (le hardcore, le sludge ou du metal, assez dépouillé, brut mais flirtant avec des limbes plus extrêmes). Elle aussi revêt des formes diverses mais elle est surtout un support à la noirceur du groupe, servant de catalyseur à ce qui, au fur et à mesure de l'album, ressemble de plus en plus à une introspection et une exploration des tréfonds humains. Ca ne vient pas simplement de la violence mais de l'ensemble globale.
Elle va s'exprimer aussi bien dans des aspects plus lourds que dans des passages où le rythme devient soutenu, voire chaotique (renvoyant aussi au sludge sur cet aspect - mais aussi au hardcore), modulant les approches et les atmosphères qui structurent les titres.
La violence n'est pas en réalité ce qu'elle semble être. On est sur quelque chose à la fois organique et psychologique, d'où les diverses formes que le groupe lui offre. On est sur quelque chose où la subtilité est très présente mais en arrière-plan, permettant au groupe de déployer diverses possibilités, au travers des titres. Et cette violence s'avère parfois assez inattendue et pertinente, notamment dans la gestion de sa forme.
Je parlais d'altérations au début. Et c'est là l'une des forme de la violence, en même temps qu'une forme d'esthétisme que l'on a ici. Le groupe amène ainsi des dissonances, des altérations et autres déformations, au sein de sa musique, créant un support plus puissant pour exploiter le côté sombre de son univers. Mais il ne le fait pas de façon aléatoire ou en y allant comme un bourrin. Car paradoxalement, c'est très délicat comme inclusion, venant dans des passages parfois plus posés ou au beau milieu d'une tempête de furie. Mais il y a aussi la question des structures qui sont parfois très alambiquées, voire même étranges mais sans que cela ne gêne car invariablement liée au contexte et à l'univers que dépeint le groupe. Ou même au niveau des sonorités ou d'une accroche particulière sur certains passages, rejoignant des aspects liés à la mélodie, mais plus pervertis, appuyant cette impression de l'exploration des tréfonds humains. Et d'une forme lancinante de mélancolie. Et auquel il nous habitue depuis le début de l'album, d'abord de façon subtile voire perverse (les coquins!) avant d'y aller nettement plus frontalement, amenant une facette de plus à la violence du groupe. Et il en profite allégrement, du fait de la durée des titres qui s'y prêtent, sans pour autant donner quelque chose de redondant ou d'ennuyeux. Car tout est très varié.
Malgré l'aspect massif qui se dégage, les titres n'ont pas de côté monolithique oppressant (bien qu'il put y avoir cette approche, avec le côté sombre de l'album). Le groupe n'a pas choisi cette voie et lui a préféré celle de la complexité et de la difficulté, demandant une grande cohérence. Il s'orient vers des aspects plus émotionnels, moins submergeant (bien que la submersion existe à travers d'autres aspects, utilisant des biais émotionnels).
Il y a une structuration qui se joint à une sorte de hiérarchisation, que ce soit dans le défilement des titres ou dans les titres eux-mêmes, au niveau de leur construction. Faisant appel aux styles que j'évoquais, jouant avec les codes, parfois malmenés volontairement, pour appuyer l'ambiance globale de l'album. Cela permet d'offrir des titres différents, emprunts de divers sentiments et approches et qui, pourtant, vont tous nous amener au même but.
Il y a même un côté schizophrène qui suinte parfois, les structures pouvant jouer sur deux plans différents alors que la trame reste la même. Cela apporte à la fois une profondeur en même temps qu'une approche plus singulière et permet au groupe de glisser des choses plus impromptues. Et efficacement.
Et tout cela recoupe cette impression de s'immerger dans des aspects humains, sombres mais ayant pourtant quelque chose qui veut extraire du positif, par un exutoire cathartique libérateur. On en arrive à savoir que le but n'en pas de s'enfoncer dans un enfer personnel mais bien d'essayer, à minima, d'aller plus loin, d'avancer.
Et c'est là que le chant intervient. Souvent saturé, il amène sa puissance et le côté sombre, parfois presque colérique au service de la musique. Mais il offre aussi des passages plus subtiles au travers d'un chant clair, ouvrant des perspectives émotionnelles qui se révèlent différentes, concomitant dans l'approche. Il appuie aussi parfois la dimension plus éthérée voire onirique qui se pose parfois, au travers de passages à la puissance marquée mais qui se recoupent avec le chant - parfois à distance.
Le son est excellent. Très massif, il n'est pourtant pas saturé, malgré la somme d'information qu'il porte. Même si l'album est dense, le son offre beaucoup de subtilités, notamment dans les détails et certains arrangements, qui transcendent alors la musique du groupe. Il a des tonalités graves qui permettent de mettre en valeur les fulgurances oniriques ou les passages plus éthérés et apportent un côté très profond.
Je fais une sacré découverte avec Death Engine. L'album est à la fois fureur et onirisme, malgré l'aspect brut et massif qu'il possède. Il est dense, chaque nouvelle écoute apportant un peu plus au tableau. Je ne peux que vous conseiller 'Ocean', qui est un superbe album, qui donne envie de voir le potentiel en concert.