top of page

Miserere Nostri

Mhonos

Necrocosm / Zanjeer Zani Productions

15 août 2023 à 15:40:55

Cd digipack

2022

4 titres pour 40'23''

Une petite vidéo:

Mhonos est un groupe normand formé en 2009 à Rouen ayant à son actif quatre albums et deux Ep. Le groupe officie dans un mélange de drone, ambient, ritual, doom et black. Ceci est leur premier album de 2010 réédité par Zanjeer Zani.

4 titres pour 4 mouvements. L'album ne nous prépare pas vraiment à ce qu'il contient (du moins quand on est pas connaisseur du groupe, ce qui est le cas pour moi, découvrant le groupe par cette réédition). Et soyons honnête, je ne m'attendais pas du tout à ça. Du moins en partie.

Avec le visuel et le nom, je partais sur quelque chose de sombre, malsain et tapant sur un black lent. Même si j'avais certains éléments, il est clair que j'en étais loin. Car ici, les repères se font vaporeux, les limites éthérées et on plonge dans un univers tortueux, malsain, sombre, où pourtant existe un certain esthétisme qui se dévoile au fil du délitement des titres. Ou plutôt des quatre parties de ce qui est plus une entité musicale qu'un simple album. Le groupe offrant aussi un chant en latin.

'Introitus' nous plonge dans la lourdeur et la lenteur, se basant sur un riff lourd, lancinant avec rapidement des éléments disparates qui vont donner une ambiance singulière au titre, utilisant des chants d'apparence liturgique voire monastique. Et sur ça va se greffer des éléments sonores très étranges, semblable à un clavier mais à l'étrange sonorité. Le titre va imposer, dans sa lenteur et sa lourdeur altérée, une temporalité qui va s'exprimer différemment aussi bien dans les convulsions du titre que dans sa durée conséquente (plus de 17 minutes) où tout vient lentement, en prenant le temps, plaçant chaque élément dans un cadre stricte, créant une ambiance à la fois poisseuse et dérangeante, nimbée d'une aura mystique. Et c'est là que l'ensemble va placer cet aspect rituel, apportant un angle d'approche singulier, que je ne peux pas associer à un autre groupe ou entité, aussi étrange que des formations puissent exister. Le chant devient un mélange de saturation, de litanie et va glisser ce mysticisme vers quelque chose de plus sombre, abordant une sorte de décadence. Les structures ne sont pas vraiment des structures mais plutôt des sortes d'alcôves où les éléments vont trouver une résonnance singulière. Il y a dans le titre, au-delà de la lourdeur et de la lenteur, une obstination a rendre celui-ci à la fois massif et pourtant, glisser quelque chose d'éthéré, de par la variation des différentes guitares et aussi des riffs, qui se mêlent lentement, très lentement, appuyant l'aspect drone. Mais le titre dessine aussi quelque chose de plus global qui va se rattacher à l'entièreté de la pièce que représente les 4 titres.
Les 4 titres, même si ils différent les uns des autres, sont liés par des transitions qui vont renforcer cette impression de pièce unique, renvoyant vraiment à cette sensation d'une messe occulte, perdue dans un monastère décati. Et c'est d'ailleurs l'impression qui apparait avec les deux titres suivant, 'Sequentia' et 'Offertorium', où la temporalité diffère dans la durée, nettement plus courte (6 et 4'30' respectivement). Cela implique de placer les chants dans une sorte d'urgence poisseuse, où la lourdeur devient plus une entrave qui lie le tout à quelque chose de plus sépulcrale, s'exprimant par des dissonances plus marquées. Et qui apporte une sorte de blasphème onirique décadent. L'esprit est le même, la forme est proche et pourtant elle glisse vraiment une autre approche, qui regarde vers le fond de la nature humaine, mais celle qui est la plus sinistre.
Et c'est sur cette idée que la musique de 'Offertorium' se base, avec un clavier répétitif sur une note et glissant quelques variations. Mais qui amène pourtant quelque chose de différent, une sorte de lumière froide dans l'obscurité ambiante, le titre étant un étrange instrumental qui va glisser lentement vers 'Communio' avec son chant qui attaque dès le début, accompagné de la lourdeur des riffs dissonants. Et la communion garde cette noirceur et cette lourdeur. Mais place le tout dans un contexte bien spécifique. Le chant marque encore plus ce coté rituel mais le titre amène aussi une amorce, vers sa moitié vers quelque chose qui est plus rapide, de manière progressive, laissant plus s'exprimer la facette black, toujours ancrée au drone et à l'ambient. Même si l'ambiance reste lourde, il y a cette impression que la lumière froide vient éclairer un peu plus l'édifice. Et cela s'entend dans la forme que prend le titre, jonglant entre la signature disséquée depuis le début de l'album et cette volonté d'offrir une sorte d'alternative qui va nous faire ployer sous une illusoire réalité altérée.

Et c'est là que l'on prend soudainement en pleine face un aspect passé inaperçu et qui est très étonnant: derrière l'esthétisme qui s'exhale, il y a quelque chose d'onirique dans la musique de Mhonos. Mais pas cet onirisme conventionnel. Non, ici c'est quelque chose de plus étrange, jouant avec l'obscurité et le linceul de la mort et qui renvoie à la condition humaine (par le titre de l'album) mais aussi qui place l'humain et le sacré de la religion sur le même plan: la vacuité ('Communio' se terminant par un ralentissement de plus en plus marqué associé à un son de clocher d'église posant le glas d'un enterrement). Et posant du même coup la question de la valeur de la communion, puisque tout est futile.
Et cet onirisme tend vers finalement un esthétique mortuaire qui nimbe l'ensemble de l'album dans une ambiance singulière et tortueuse, où la lumière qui apparait parfois dans les titres n'est pas celle d'une rédemption ou d'un espoir mais plus celle d'un feu follet. Et tout cela glisse fortement une impression de symbolisme ancré dans l'album, de manière réfléchie.

Je ne parlerai pas vraiment du chant, très lent, litanique, parfois incantatoire (et des chœurs monastiques qui apparaissent parfois). C'est le son qui est le plus intéressant. Car malgré le style particulier du groupe et les codes qui s'y lient, celui-ci est très riche, avec une importance accordée à chaque élément. Que ce soit la basse bourdonnante (avec parfois des moments plus conventionnels ici et là), les guitares (certainement une avec un accordage spécifique), le clavier (les sonorités éparses ici et là, très décalées avec le reste), la batterie (dont l'utilisation sort des habitudes, au vu de l'approche), tous ont leur importance et un rôle crucial. L'imbrication du chant est différente de ce que l'on a en habitude mais celui-ci pose une cohérence en timbre et tonalité avec le croisement du drone et du rituel, apportant cette atmosphère singulière.

Mhonos est un groupe à part que je viens de découvrir via Necrocosm. Un univers singulier avec une approche étrange, livrant une musique qui ne sera pas accessible à tout le monde, du fait de sa nature et sa forme. Mais les personnes sensibles aux recherches et aux voies alternatives et à l'exploration des possibles en matière d'extrême devraient trouver, à minima une curiosité et pour les plus curieux, une entité à découvrir et explorer. Même si ça peut paraitre malsain, j'adhère à l'approche du groupe et de sa vision.

bottom of page