

MARGOTH 5
PDF5
Mental escape
Ultra Balance
Frozen records
11 décembre 2022 à 10:47:50
CD, Vinyle chez Frozen Records et streaming
2022
6 titres. Durée: 22'52''
Une petite vidéo:
Ultra Balance est un one man band de synthwave créé en 2021. Et là, tu te demandes sûrement quel est le rapport avec le metal. Et bien, c'est facile, tu vas voir: derrière ce projet, on retrouve Jean-Jérôme Souladié, guitariste de Regarde les hommes tomber. Rien de plus simple.
Alors, un mot concernant la synthwave (ou retrowave), un style que je découvre avec ce projet: ce serait apparu en 2010 et prend ses origines dans la musique et les films des années 80.
Et effectivement, c'est vraiment ce qui marque d'entrée de jeu, c'est cet esprit très typé années 80 que l'on retrouve, avec cette identité qui puise à la fois dans les musiques de cette décennie (et des choses proches comme la cold wave ou ce qui s'en approche), cette ambiance particulière qui va rappeler en partie des films et qui appuie une certaine nostalgie. J'étais curieux d'entendre ça, ne connaissant pas ce style (qui n'a rien à voir avec l'horrible dongeon synth (oui, je n'aime point)).
Là on est sur quelque chose qui imprime très rapidement une identité. Si on retrouve à la fois une nostalgie (pour ceux qui ont connus les années 80) qui nous lie à imaginaire commun, il y a aussi une grosse part d'ambient qui se démarque fortement et c'est là l'élément qui va servir de terreau à l'œuvre. Et c'est d'autant plus intéressant que ce côté ambient, se basant uniquement sur des synthés (la base du style) est à la fois puissant (que ce soit en matière d'émotion ou musicalement) qu'immersif dans la vision de l'artiste.
Mais cela vient aussi du fait que malgré l'approche relativement tranquille du projet, il y a un travail sur les structures, qui offrent quelque chose de très rythmé, sur plusieurs aspects.
Tout d'abord, il y a évidemment cette notion de rythme lié à la musique elle-même. Les rythmes sont variés et n'ont rien d'un empilement aléatoire car souvent on va retrouver un lien avec ce côté ambient qui s'exhale de la musique, lui offrant ainsi le loisir d'évoluer comme il le souhaite. Dans cette notion de rythme, il y a aussi l'essence de quelque chose de plus rock (à travers certains synthés aux sonorités plus sombres) et surtout, on retrouve quelque chose de plus metal (à la fois via certains vocaux féminins, évoquant vaguement une strate black mais aussi à travers les kicks des rythmes qui marquent vraiment l'essence du metal).
Et c'est là le deuxième aspect qui découle directement du premier: les kicks qui marquent le rythme. Ils ne sont pas vraiment simple et navigue dans des sphères plutôt rock ou metal (certains éléments l'évoque fortement et on sait d'où vient du coup Jean-Jérôme). Il impose discrètement des rythmes qui peuvent offrir un décalage entre les synthés, la mélodie et l'approche plus posée. Rien de choquant pour autant, cela étant amené de façon naturelle, un contraste qui appuie le côté ambient et vient apporter cette identité quelque part en cinématographique et musique des années 80 (et là, je ne peux pas m'empêcher de faire un lien avec Jean-Michel Jarre bien qu'il ait commencé un peu plus tôt). C'est quelque chose de très puissant, très prenant et qui offre vraiment le corps liant du tout.
Un autre aspect sur le rythme se fait par les synthés, offrant différentes sonorités qui sont liées à une notion de rythme et de tonalité, en même temps qu'ils vont appuyer certaines ambiances ou atmosphères. Là aussi, le hasard n'y est pour rien, bien au contraire. Tout est calculé, prévu et c'est ce qui donne une cohérence très forte.
Le chant féminin qui vient parfois se poser (sur 'Celestial nights' et 'Great cosmic magik') sont le fait de deux chanteuses différentes, qui amènent leur timbre respectif sur des titres qui vont explorer quelque chose de plus dense, où le chant devient alors une nécessité. Je m'éloigne vraiment avec ses chants de mes habitudes et ces chants sont plutôt redoutables d'efficacité car il appuie, chacun, des éléments différents spécifiques qui les lient au titres d'où ils émergent. Là aussi, rien n'est dû au hasard car il y a une sorte d'imbrication du chant avec la musique, allant plus loin qu'un simple chant posé sur un titre. Il y a quelque chose de viscéral, qui passe par un concept d'émotion. Les autres titres possède un synthé qui va évoquer un timbre de voix éthérée (si on n'y prête pas attention, on croit qu'il s'agit vraiment de voix, c'est intéressant cette approche qui n'est pas loin d'une mise en abîme). Cela donne une cohérence au tout et on s'aperçoit alors que derrière tout ça, il y a une progression. Tous les titres ont ce potentiel de tube (ce qu'ils sont en fait) et pourtant, on est loin de s'attendre au final qu'est 'Tree Of Forgetfullness' qui s'avère l'aboutissement cette évasion mentale et qui va puiser alors dans quelque chose de plus shamanique. La tonalité change et ouvre une autre perspective, vers quelque chose de plus personnel mais qui est aussi une ouverture (et une invitation?) à un voyage libérateur.
Sur ce coup, parler du son serait un peu absurde, puisque le style musical est ancré par des synthés. Ce qui en ressort est un son du coup très dense et riche, qui s'appuie sur les différentes nappes de synthés, offrant l'espace nécessaire aux chants sur les deux titres où ils apparaissent pour s'épanouir et fusionner avec la musique (et voir même l'identité de celle-ci).
Ultra Balance est une véritable découverte pour moi. C'est extrêmement bien pensé et très prenant, s'éloignant vraiment du metal (et qui pourtant entretien des liens avec le rock et le metal dans des détails essentiels). Pour les curieux et les ouverts d'esprit, n'hésitez pas un instant!