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Maraud

OTDHR

Cold Dark Matter records

17 décembre 2022 à 10:07:11

Dématérialisé

2022

7 titres. Durée: 50'33''

Une petite vidéo:

OTDHR (On the damned human race) est un groupe bordelais formé en 2017 qui sort ici son premier album. Et avec ce groupe, on plonge à la fois dans l'underground et ce qu'il y a de plus sombre.

Le groupe livre donc 7 titres, portant pour nom celui d'une centrale nucléaire ou un chiffre romain (III, IV et VI). Avec l'artwork, voilà de quoi nous plonger dans une certaine perplexité, avant d'entamer l'écoute. Et l'écoute relève de l'épreuve, surtout si on ne s'y attend pas. Le groupe officie dans un black torturé noise drone (et puis avec une pesanteur doom infinie). On est loin des festivités et de la joie de vivre (quoi que...).
Ma première rencontre a été un peu déstabilisante avec le premier titre, qui repose pas mal sur ce côté drone (registre que je ne fréquente jamais) mêlé de noise. De ce côté, ça m'a envoyé vers des références plutôt sombres de la noise car il y a directement les prémices de cette étrange lourdeur poisseuse en même temps qu'une plongée dans un cauchemar humain. Il y a vraiment quelque chose de très conceptuel derrière le groupe, avec une approche très singulière et une conception atypique du style. C'est étrangement accrocheur, posant une sorte de symétrie biaisée, de par la nature des titres. Il y a deux aspects nets qui marque l'album.

En effet, les titres portant les noms des centrales nucléaires (Atucha, Borssele, Cernavoda et Mochovse) vont développer des arcanes qui se focalisent sur le côté drone avec touche de noise, apportant un côté froid, synthétique en même temps qu'une ambiance très particulière, oppressante et ne laissant pas vraiment un espoir de répit ou de respiration. Il y a presque un côté anxiogène, plaçant le groupe dans la catégorie de ceux qui posent la question de l'écoute suivant l'état psychologique dans lequel l'auditeur est. Car il est clair que l'on ne va pas ressortir indemne de cet étrange voyage, quelque part aux confins du malais et de la folie mais avec une évidente réflexion sur la structuration des titres, même lorsque celle-ci est réduite à sa forme la plus simple, épurée mais avec ce côté dérangeant. Il y a un côté inhumain, presque désincarné que les titres évoquant les centrales dégagent. Et même quelque chose qui va évoquer une forme d'indus complètement détruite, pourrissante, avec une impression de sons venant des dites centrales.
Cet aspect tient de l'approche musicale pure, les instruments et les machines que le groupe utilise servant de terreau à ce cauchemar conscient, nous plongeant dans quelque chose d'hybride, à la fois désincarné et vivant (alors que l'aspect froid et synthétique est présent de bout en bout). Le groupe semble vouloir nous plonger dans le cœur des centrales, où les appareils et autres machines ne sont qu'un moyen de nous délester de notre humanité. C'est là que l'utilisation du drone prend son sens, amenant ces plages minimalistes, se délitant dans la trame du temps, créant cette oppression et ce malaise sur laquelle le groupe amène la destructuration et les altérations de la noise, mais de façon subtile (oui, c'est très subtile, aussi étonnant que ce soit), laissant le drone pouvoir s'exprimer et être exploité. Mais aussi de révéler rapidement que les titres des centrales (oui, je raccourci) sont liés aux chiffres romains constituant les autres titres, les titres fusionnant entre eux, sans séparations. On découvre alors quelque chose de massif, homogène, appuyant ce côté oppressant et qui pourtant lève le voile sur le second aspect.

Les titres chiffrés dévoilent un autre visage. Pas plus joyeux, pas plus festif. Eux vont exprimer l'essence même du black que le groupe libère ici. Mais un black brutal, malsain, dérangeant qui porte les stigmates très marqués de la noise qui vient copuler avec le black. Ces titres offrent une structuration très différentes, portant des rythmiques furieuses. Il y a une violence sourde qui jaillit alors, avec ce côté malsain oppressant nimbant l'album. Le groupe y va alors à fond, jouant sur les éléments musicaux et les voix (il y a un chant plaintif et des voix malsaines qui cohabitent), créant une trame polarisant plus un aspect délétère mais qui trouve son chemin dans la continuité des titres plus drone.
Cela n'empêche pas non plus le groupe de marquer la structuration des titres chiffrés (portant des paroles), avec des changements de tempos ou d'amener un surplus d'atmosphères, ajoutant de la densité au cauchemar, amenant paradoxalement une forme d'humanité dans cette froideur désincarnée. Ca appuie aussi les aspects les plus sombres et négatifs de la musique, participant clairement à l'immersion et à l'expérience (c'est d'ailleurs une expérience que de simples écoutes) qu'une forme de transgression qui ne dit pas son nom, dévoilant un aspect un peu vicieux mais qui colle parfaitement à ce que le groupe engendre comme entité musicale, d'autant que les fusions des titres entre eux et aussi valable dans le sens du black vers le drone.

Il y a un côté expérimental qui pourtant est lié à une vision très stricte et définie, qui se focalise sur des aspects sombres et qui vont aussi nous mener aux limites de la folie, en intégrant le dénominateur temporel. En effet, les cinq premiers titres se cantonnent à des durées assez classiques (4 à 6 minutes) mais le groupe change la donne sur les deux derniers, qui vont explorer des durées de plus de douze minutes, apportant sur 'VI' un côté épique à ce malaise oppressant et froid, nous amenant aux portes d'une autre dimension musicale, plus diffuse et d'autant plus terrifiante - car synthétisant des peurs plus palpables dans un cauchemar plus tangible. Et un échappement aux règles que le groupe a posé au long des premiers titres, bousculant nos certitudes et repoussant notre expérience beaucoup plus loin, nous enfonçant dans un univers glaçant à la beauté terrifiante et inhumaine.
Expérimentation qui est poussé plus loin sur le dernier titre, 'Mochovse', qui explose complètement les règles, en commençant par un long silence durant 4'30'', avant d'offrir cette approche drone via cette fois une guitare et la basse (et qui me rappelle un peu le concept album de Corrupted 'Llenandose de gusanos' de 3 titres sur 3 disques) mais avec ici toujours cet aspect oppressant, malsain, jouant sur la dissonance et posant encore ce paradoxe du côté humain, opposant un côté chaleureux à cette désincarnation. Tout en changeant la nature des codes utilisés jusque ici et ouvrant quelque part une sorte de mise en abîme finale.

Le chant est très caractéristique au groupe. A la fois plaintif, furieux et oppressant, il amène cette dimension singulière au groupe, à laquelle les deux autres voix apportent un renfort au malaise et à cette notion de déshumanisation et désincarnation. Ca offre en même temps un contraste au côté synthétique et froid, le chant amenant une notion d'humanité.
Le son est très particulier, du fait de l'approche noise et drone. Il y a ce côté crade, malsain mais qui pourtant n'empêche pas d'adhérer à ce que le groupe crée. Il y a un puissant vecteur d'émotions (certes sombres) qui passe aussi par le grain et la tonalité du son, tout en offrant une certaine volubilité dans les écarts entre drone et black. Et cela n'empêche pas la violence plus primitive de trouver son chemin, le son marquant les notions que le groupe exploite.

C'est un album qui n'est pas pour tout le monde, c'est clair. Il vaut mieux être bien dans sa tête ou avoir déjà exploré des univers décadents. Mais ceux qui tenteraient néanmoins l'expérience sans filet trouveront aussi qu'il y a des subtilité et une densité, nourri par le concept, bien plus importante que de prime abord. Je ne m'attendais pas à ça, très clairement. Et c'est d'autant plus intéressant que le groupe développe, au travers de sa musique un concept et une réflexion qui va vraiment loin et pose des bases inhabituelles. Malsain, dérangeant, oppressant mais pourtant extrêmement accrocheur!

© Margoth PDF

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