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Lumiere

Wycca

Pranahara productions, Epictural production

27 juillet 2023 à 15:12:04

Cd digipack

2023

8 titres pour 35'05''

Une petite vidéo:

Wycca est un one man band créé en 2022, sous l'impulsion de Robin, avec derrière un concept autour des Wycca, le rapport à la nature, du paganisme, du chamanisme et une pointe de choses ésotériques (je simplifie, c'est clairement plus dense que ça). 'Lumière' est son premier album, dans une veine black teinté de pagan et d'ambient. Et malgré l'écoute d'un titre, pour me faire une idée (qui m'a bien accroché), j'étais diablement loin de m'attendre à ce que renferme l'album. Et qui dans l'esprit se rangerait plaisamment au coté de Tenebrisme.


L'album s'ouvre sur 'Equanimité' (oui, c'est chargé de symboles et d'éléments liées au chamanisme et ce qu'il y a autour), posant un titre immersif, presque instrumental, se basant sur une part pagan et une grosse dose ambient, ouvrant une porte sur l'univers de Wycca, posant à la fois l'ambiance et une trame qui va jouer avec l'ombre et la lumière (est marque une ambivalence nette), que l'on retrouve directement dans la structure même du titre, opposant un chant proche des chants des chamanes, très rituel, offrant une part sombre qui n'est que la mise en valeur de quelque chose de plus lumineux. Le titre, très posé, prend le temps de nous ancrer dans sa réalité malgré son côté assez concis, servant d'introduction qui ne nous prépare pas à la mandale qui suit.
'Saignée des cendres' est en effet une bombe de black qui ne prévient pas et fait un véritable carnage, dans le sens noble du terme. Parce que c'est une putain de mandale. La facette du black de Wycca est à la jonction de l'atmosphérique, du mélodique et d'une forme plus brutale. Il faut bien comprendre que ces 3 aspects sont indissociables, deux d'entre eux faisant le lien avec la part de pagan et d'ambient (le mélodique et l'atmosphérique), le troisième étant ouvertement là pour marque l'ambivalence (et nous ramener au concept de l'ombre et la lumière (faisant un parallèle avec Tenebrisme mais avec une approche différente). Le black que propose Robin est loin d'être basique. Il est très dense, recourant à pas mal d'éléments plutôt techniques (on retrouve des trémolos, des changements de gammes, des arpèges et d'autres choses dont le terme m'échappe) mais non pas pour en foutre plein la vue mais bien pour structurer la musique et construire le concept. Et c'est quelque chose ici qui va être une violente déflagration dans la gueule.

Il pose ainsi deux pôles essentiels, au-delà des aspects stylistiques de la musique (pourtant lié mais qui est aussi ancré dans le concept).
Le black est offensif, lâchant un brûlot de fureur, servi par un tempo très rapide, nous amenant dans des paroxysmes à l'opposé total de l'autre aspect. Dans cette part plutôt brutale et rapide, il y a clairement le rapport à l'ombre, qui s'avère revêtir différentes formes jouant sur l'obscurité, la noirceur ou quelque chose de plus nuancé. En cela la rythmique et les patterns de batterie ouvrent des possibilités qu'exploite Robin, qui se rattache aux teintes des titres et de leurs ambiances (j'y reviens plus loin, parce que Wycca s'avère dense et assez complexe).
Ce black offensif est aussi une polarisation intéressante et sert, en partie, aux mécanismes de symbolismes (qui se retrouve aussi dans les textes, les structures, l'artwork...). Que ce soit d'accès plutôt facile ou bien, au contraire, demandant une forme de réflexion. Il apporte du contraste et parfois va complètement en opposition à une phase qui prend un aspect plus axé vers un pagan teinté d'ambient, posant le titre et laissant s'ouvrir un élément important, une forme d'onirisme (j'y reviens plus loin aussi).

L'autre pôle du black se focalise sur l'aspect atmosphérique et mélodique, qui semble symboliser la lumière. Ici, c'est une approche beaucoup plus racée, raffinée, du fin du jeu des émotions qui se déploie et de la volonté de nous amener vers un onirisme nous ancrant dans une réalité à la fois fantasmagorique et concrète. C'est à ce moment que Robin va relâcher la pression et glisser des éléments musicaux différents dans la musique qui vont ouvrir la porte à la modulation (qui se retrouve aussi dans la part brutale du black mais avec un autre but), jouant avec l'ambient mais aussi des choses qui sont plus rituelles (liées au chamanismes entre autres), voir évoluer vers quelque chose qui aurait une part de doom, sans pour autant trahir sa vison du black.
Ce pôle permet aussi de faire le lien avec les parties ambient et de pouvoir tisser une trame plus puissante, au niveau émotionnel mais aussi dans la structuration des titres. C'est assez audacieux et cela va offrir quelques moments de bravoure, où ce pôle rencontre des aspects plus oniriques ou appuyant des éléments conceptuels. Une des claques qui en résulte est 'la valse du chamane', une ode regroupant les différents éléments de la musiques, avec une construction très accrocheuse et complexe.
Et c'est là que je fais un aparté sur les ambiances et les teintes des titres.
Il y a un équilibre qui est posé de bout en bout, jouant pourtant avec les circonvolutions que les différents aspects permettent. Ca ne fait pas un pli: c'est d'une efficacité démente!

Les titres distilles des ambiances qui sont variées, auxquelles des variations de tonalités (dans le son, dans la forme musicale) vont apporter de la profondeur et une cohérence qui donne corps au concept. On retrouve ce point sur tous les titres, mais avec des approches diversifiées qui donnent de la couleur à l'album. Robin focalise une part des ambiances sur le chamanisme mais en évoquant différents aspects, qu'il fait s'intégrer avec le concept (ombre, lumière, la nature, les rituels). Et c'est là un des éléments forts car ainsi il amène ce voyage vers un onirisme qui explose par moments, quelque soit la structure musicale. A ce moment là, les barrières se dissolvent et on part clairement à un autre niveau, qui pourrait être une façon d'évoquer une approche plus spirituelle (dans le sens large du terme, sans l'ancrer dans un aspect religieux - plus une philosophie de vie).
Et c'est avec ces aspects que l'on va vraiment avoir un soudain recul plus globale où l'aspect émotionnel prend vraiment de l'ampleur. Rejoignant en partie la trame du tout, on se retrouve alors plonger dans des titres où mélancolie, colère, sérénité ou encore un sentiment de plénitude peut soudainement jaillir. Si l'aspect colère (au sens large) est évidemment plus aisé, le reste est beaucoup plus difficile et va se trouver dans la modulation et la recherche d'une voie qui va sérieusement nous emmener dans quelque chose d'assez étonnant car on ne si attend pas. C'est à la fois une évocation d'une chose indéterminée collective mais prenant un accent cinématographique, à l'image de 'Lumière'. Et là, Robin s'absout des frontières, sans pour autant trahir la nature même de l'album.

Du coup, les titres vont brasser ces éléments et offrir des contrastes qui sont bien plus pertinents que l'on croit. Car servant à structurer le concept et l'album en même temps qu'il introduit au travers des titres une progression, comme si il nous emmenait dans un voyage mystique dans le but de nous reconnecter avec nous-même et quelque chose de plus vaste, la nature, constituée de multiples entités qu'appelle finalement la musique que déploie Wycca. L'ombre et la lumière font ainsi le lien avec la vie et la mort et les titres induisent une progression définie, un cheminement pour aller vers une autre façon d'être ou un état. Cela s'appuie sur le concept du chamanisme mais aussi des symboles qui sont renfermés dans les titres, fouillant les tréfonds sombres pour mieux en faire jaillir la lumière.
Cela se traduit par des structures complexes (qui pourtant s'avèrent extrêmement accrocheuses), jouant avec des rythmiques s'appuyant sur les possibilités qui se lient au concept et aux codes des styles qu'intègre Robin. Il installe des strates différentes permettant de naviguer dans différents méandres et d'ouvrir une exploration de cet univers qui se crée.
Il engendre ainsi quelque chose de très cohérent, jouant avec le parti pris d'y aller franchement, en osant des choses très différentes mais qui sont inextricablement liées entre elles. Du début à la fin, on va avoir cette notion à la fois d'onirisme et de spiritualité (en faisant le liant) mais qui va pouvoir s'exprimer de diverses manières. S'en suit des titres pouvant avoir des passages extrêmement différents mais dont l'unité se fait pourtant, la trame étant la clé de voute.
Ce qui nous donnent ainsi des moments pouvant être exaltés, soudainement furieux et baignant pourtant dans quelque chose de céleste dans l'approche, les mélodies et les émotions se joignants pour tisser la trame de base. Il y a des passages dantesques, revêtant différentes formes et donnant à l'album cet impact et cette accroche unique. Et beaucoup de titres se gravent dans notre esprit.

L'artwork est sublime. Il me parait utile de le souligner, celui-ci nous ouvrant, avant même la découverte de la musique, une porte sur le concept et l'univers de Wycca. Il fait aussi le lien avec les éléments des textes, appelant des symbolismes et cette notion de spiritualité, en même temps que celle des entités constituant la nature s'impose. Il y a une vraie recherche de cohésion avec l'album. Il y aussi une transition avec le visuel sur le disque, qui personnifie le symbolisme du chamanisme en une entité concrète.

Le chant est très riche car il revêt divers aspects et est en français. C'est intéressant car il y a peu d'effort à fournir pour comprendre les paroles (dont il semble qu'il y ait pour certains titres une approche plus poétique, faisant un lien avec l'aspect onirique mais aussi utile pour le symbolisme). On retrouve un chant black écorché qui fait son effet. Mais il ne se borne pas à ce simple chant et va intégrer des chants plus rituels, mélodiques ou même induire une approche différente qui fait là aussi son effet, le timbre restant le même, avec toujours ce côté écorché mais dont la tonalité diffère - lié à la forme du chant ('Lumière', 'La valse du chamane'...). Le chant s'avère très riche et travaille aussi sur l'aspect ombre et lumière par ce biais. Il intègre aussi des chœurs qui viennent donner une dimension plus céleste parfois.

Le son est excellent. On a un côté massif, qui sert au black, avec une basse très présente, très percutante (ça fait plaisir) qui va servir de trame aussi bien pour les rythmiques que la construction des structures plus complexes. Il y a un travail sur les tonalités, alliant cette notion d'ombre et lumière. Cela permet de donner à la fois une profondeur et une cohérence, tout en rendant crédible l'ensemble. Il y a un soin pour les guitares, du fait qu'elles amènent des choses très différentes, du fait des différents styles se côtoyant. Un soin est clairement apporté aux nuances qui viennent moduler l'album, créant ses ambiances confinant parfois au sublime. Les instruments sont à l'équilibre avec le chant, dotant que les subtilités et les finesses qui ponctuent l'album demande une profondeur nécessaire pour ne pas se noyer dans la masse. Le son est extrêmement riche et varié.

Wycca livre un premier album qui est une vraie mandale. C'est ambitieux et ça le fait. L'album s'avère très profond, avec un concept très puissant qui va sans doute vous poussez à la réflexion. Mine de rien, on tient là un véritable bijou et une petite bombe que je vous conseille vraiment de découvrir sans la moindre hésitation et qui vous réserve vraiment un album magistral.

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