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Leviathan III

Therion

Napalm records

23 décembre 2023 à 11:11:46

Dématérialisé

2023

11 titres pour 52'24''

Une petite vidéo:

Therion est un groupe formé en 1988, que j'ai pu entendre la première fois vers 1994, mêlant déjà opéra et metal. Riche d'une pléthore de production, résumer l'histoire du groupe en quelques lignes est impossible. Et ceci est donc le nouvel opus du groupe, son 19è qui fait suite donc à Leviathan II. Alors ça fait très longtemps que je n'ai pas écouté Therion et l'écoute s'est faite en streaming, qui n 'est pas le plus évident pour moi.

L'album s'articule autour de 11 titres qui, plus que jamais, porte la vision et l'empreinte de ce style inégalé de Therion qu'est l'opéra metal symphonique. Et l'album, du haut de ses plus de cinquante minutes, est un monument et un sacré morceau, celui-ci recelant beaucoup de détails et de densité. L'écoute en streaming n'étant pas une évidence pour moi (c'est plus simple sur support pour moi et comme je bosse en extérieur avec une notion de sécurité des résidents), l'écoute a été fragmentée et donc pas vraiment la plus facile pour s'immerger complètement.
Therion prend le temps de créer des atmosphères puissantes et évocatrices, nous plaçant rapidement dans le contexte de son univers, avec cette approche singulière qui a diablement évolué depuis mes premiers titres entendus en 1994 (et qui ne me rajeunissent pas). Et clairement, tout s'est bonifié, avec une identité forte et l'impossibilité de confondre Therion avec un autre groupe. On le reconnait même des années plus tard.
Les titres peuvent être des titres fleuves, où le groupe déploie complètement son savoir faire et nous ouvre les portes de l'opéra. Du moins, sa vision de l'opéra, reposant sur des structures symphoniques et d'autres directement issues des canon de l'opéra, glissant ainsi des éléments qui vont créer une colonne vertébrale où la musique et son concept vont engendrer plus une entité qu'un simple album.
La base symphonique reprend des éléments venant du heavy, sans le moindre doute mais en s'appuyant sur des éléments moins conventionnels, comme l'utilisation de claviers et des orgues, auxquels des éléments programmés vont apporter une dimension plus proche de la musique sacrée sur certains passages. Cela engendre une approche plus proche de la musique qui s'exprimerait dans une cathédrale mais le lien au metal se fait alors avec le côté rythmique soutenu, très typé du metal symphonique, avec ses cavalcades soudaines et ses envolées de guitares soignées.
Les structures sont parfois alambiquées, complexes, accompagnant la densité musicale du groupe. C'est inextricablement lié au concept et le savoir faire du groupe nous évite largement une overdose ou de nous perdre sur le cheminement d'un titre à la longueur marquée (dont 4 pètent les 6 minutes), du fait, justement, du soin de la composition et de la cohérence qui s'offre sur l'album. Tout s'articule autour des chants et des codes de l'opéra, sur lesquels viennent se joindre le metal et ses accents symphoniques, posant les canons du style de Therion. Le groupe ayant vraiment la volonté de nous poser dans un univers qui lui appartient. Et réussit complètement son coup.
Les titres ont aussi quelque chose de plus singulier, entre une forme de musique sacrée et un rattachement à un angle évoquant certains pans de la musique de fêtes (je pense surtout à celles de fin d'année), qui apporte une sorte d'onirisme à la puissance marquée.

Mais Therion glisse aussi des choses encore moins conventionnelles comme de la musique hispanique sur laquelle vient fusionner de l'opéra, à travers le titre 'Duendé', qui arrive sans prévenir, ouvrant une parenthèse étonnante sur la manière de concevoir du groupe sa vision de la musique, qui plus est en jouant sur les accents toniques (et des cuivres très caractéristiques). C'est un aspect que je ne connais pas et qui s'avère intéressant, car outre le contraste offert, il y a une ouverture et surtout un lien indéniable au reste. C'est surement un aspect qui existe depuis longtemps car celui-ci est clairement intégré de manière naturel.
Et cela nous amène aussi à saisir un élément plus volatile, qui se diffuse sur la totalité de l'album car reposant aussi bien sur les constructions, tonalités, structures, codes ou chants: on touche à l'âme de l'entité qu'est Therion, avec un jeu complexe sur tout ça.
Je ne peux ne pas évoquer les rythmiques. Car on en a de très variés, jouant aussi bien sur les envolées soutenues que des choses plus lentes, voir lourdes, ouvrant un univers rien que sur cet aspect. Il y a beaucoup de modulations dans l'album, permettant de placer les structures dominantes et les autres plus mineures, offrant une construction très riche et qui, paradoxalement concernant le style, en ce qui me concerne, n'est pas ennuyeuse un seul instant. Car tout est pensé pour garder un intérêt et une cohérence tout en offrant un large spectre de richesses mais aussi cette ouverture sur l'univers musical particulier qu'est l'opéra, possédant ses propres codes. Et c'est clairement l'un des éléments qui fait tout le sel de Therion (en plus de m'offrir un intérêt par les chants qui ont un panel large).
Et derrière tout ça, quand on est un peu attentif, il y a quelque chose qui vient du metal extrême, sous une forme différente. Dans l'ADN de Therion, il y a toujours ce petit quelque chose qui leur vient du death (dans certaines approches, certains vocaux...), de manière très subtile mais qui imprègne quand même la musique, non sans jouer sur la conception elle-même des titres - et du coup - de la puissance.
Que ce soit en évocation ou musicalement, il y a énormément de puissance chez Therion. Celle-ci est particulièrement contenue et contrôlée, jouant aussi bien sur l'émotion que chercher à toucher l'âme. L'esthétisme musicale est indéniable, avec une conception de la musique qui transcende les années (plus de 35 ans quand même), peaufinant un art bien singulier.

Les chants sur l'album sont variés. Deux chants seulement, qui offrent un spectre large et l'illusion de plus de chants. Le chant lyrique soprano féminin côtoie un chant masculin, les deux jouant différentes cartes. Le chant masculins n'hésite pas à amener des éléments vocaux provenant parfois du death, ouvrant un contraste avec le chant soprano. Chant féminin qui va parfois simplement se laisser aller à un chant clair dans la simplicité (même chose pour le chant masculin d'ailleurs). Leurs utilisation donne l'illusion qu'il existe plus de chants, jouant pour cela sur la variété et la technique. C'est un aspect extrêmement riche ici. Notamment quand les chants s'aventures vers un registre évoquant la musique sacrée ou, pour la voix féminine, son aisance avec le chant métissé hispanique.
Le son est juste excellent. Beaucoup de détails, dans tous les instruments, que ce soit les guitares, la batterie, les claviers ou la basse (bien audible). Les arrangements apporte une profondeur supplémentaire aux titres. Les vocaux sont à l'équilibre avec la musique, permettant de pouvoir apprécier les deux aspects sans devoir sacrifier son attention sur l'un des deux en particulier. Il y a un grand soin apporté au son, à sa profondeur et le rendu, qui joue aussi avec les codes de l'opéra.

Ca fait me plaisir d'entendre de nouveau du Therion. Le groupe est clairement au sommet de son air et les fans du style seront comblés. Les plus curieux peuvent s'y plonger, surtout si la quête de richesse est un critère pour eux. Therion pose un excellent album, dense et immersif.

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