

MARGOTH 5
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Le rêve & la vie
Sans roi
Chapitre XIII
11 novembre 2025 à 14:48:04
Dématérialisé
2025
8 titres pour 38'36''
Une petite vidéo:
Sans roi est un groupe auvergnat de Clermont-Ferrand formé en 2020, ayant à son actif deux albums (l'esprit et la matière en 2022 et Alchimie du scorpion en 2024), le groupe ne perdant pas son temps. Le groupe navigue dans le dark metal (pour simplifier).
L'album clôture une trilogie des mystères et va sur cet album (proche d'un concept album du coup) se focaliser sur l'ésotérisme, s'appuyant pour beaucoup sur une grande partie sur les travaux du philosophe Carl Gustav Jung (L'analyse des rêves, Psychologie et alchimie) et les mystères de Rennes-le-Château. On est donc sur quelque chose qui va assez loin, philosophiquement et au niveau ésotérisme, mysticisme.
L'album s'ouvre un sample de Carl Gustav Jung, posant les bases de ce que sera l'album, avant le démarrage de la musique elle-même. Et celle-ci se base sur un black metal sombre, avec d'autres éléments qui dessinent plus pour moi du dark metal, comme le doom ou le gothique. Il faut bien se mettre en tête que ces éléments existent pleinement au sein de la musique de Sans roi, s'amusant à aller et venir entre la surface et le fond de la musique, associé à du metal extrême (notamment le black). Si la musique s'avère immédiatement attractive, elle n'en demeure pas moins dense, jouant avec des sonorités et des structures, engageant leur musique sur une voie singulière très intéressante.
Et le son, les tonalités des titres n'y sont pas étrangers. Le son va évoquer de manière franche cette idée de rêve, livrant une sorte d'onirisme qui vient contraster avec la forme plutôt virulente de la base musicale, possédant un côté abrasif. Le son a un rôle marqué ici, ouvrant la voie à une vision très personnelle de la musique, d'autant qu'il y a des relents, ici et là, de heavy (dans certains riffs) venant en complémentarité de cet aspect onirique.
Sans roi joue aussi un contraste marqué entre cet aspect que je viens d'évoquer et l'aspect brutal de la musique, qui dessine une identité forte. Le groupe y va avec des tempos très rapides et des structures découlant d'un black assez vindicatif, qui s'entremêlent dans des éléments venant du doom et du gothique. Cela permet d'induire parfois quelque chose de pernicieux, comme une sorte de malaise qui suinte de la musique. Mais un malaise qui n'est pas là pour être malsain mais pour marquer cette idée d'ésotérisme et de jouer avec la barrière de la réalité (ce que le son engendre aussi). L'album, même si il comprend plusieurs titres, est plus une entité entière et pleine, qui découle des deux précédents albums (d'où la trilogie) et qui renferme très certainement des éléments communs aux trois (mais que je ne trouve pas, faute d'avoir pu entendre les autres albums).
Le groupe nous promène ainsi à la lisière de la réalité et du rêve, avec l'aspect ésotérique, engendrant une atmosphère singulière sur la globalité de l'album et sur chaque titre. Certains vont d'ailleurs avoir une aura plus puissante, plus efficiente, visant de manière plus nette cette notion d'immersion, en même temps que le groupe offre un symbolisme à travers elle et les textes en français pour certains titres (les autres étant en anglais). Et c'est là que le groupe nous fait une mise en abîme affolante, avec cette approche qui joue avec les codes des styles au sein de l'écrin que représente la musique. Et si le doute te vient sur l'affiliation au dark, le titre 'Terribilis est locus iste'. Car le titre permet de faire un parallèle entre ésotérisme, sectes religieuses (associées au gnosticisme) mais aussi le fait avoir une comparaison avec Septicflesh, notamment par l'album 'Revolution DNA' et la version dark de 'The eldest cosmonaut' sur 'A fallen temple' (du fait peut-être de l'approche thématique mais surtout musicale, notamment les tonalités et hauteurs de gammes).
Le parallèle est net pour moi, même si Sans roi va explorer d'autres facettes, ancré dans son concept et à la trilogie que l'album clôture.
L'album suit un cheminement à travers les titres, dessinant une trame ou plutôt un déploiement philosophique, à mi chemin entre ésotérisme et sciences occultes, avec une forme de regard extérieur. Dis comme ça, ce n'est aps évident mais à l'écoute de l'album et sur l'appuie des paroles des titres en français, c'en est très net. Le groupe jouant aussi avec l'idée de nous intégrer dans le concept (comme sur 'Vivre avec l'invisible' et ce passage 'Nous sommes les enfants de l’Éther, Notre théâtre est l’infini'). C'est là que l'on peut prendre vraiment conscience de l'ampleur et de l'ambition du projet, allant plus loin que simplement faire de la musique, avec un thème marqué. On est dans une sorte de partage de savoirs, arguant de manière puissante la notion de culture, quelle qu'elle soit.
Et cela se traduit dans des structures qui sont parfois assez complexes, alternant des éléments différents, voire ici et là des altérations et des dissociations structurelles ou de tonalités. Le groupe pose quelque chose de plus diffus, jouant sur un côté diaphane qui vient en contraste de la base brutale et direct, induisant un recul de l'auditeur pour mieux embrasser l'album et ses recoins multiples, à la manière de l'illusion des rêves.
Et de pouvoir faire un parallèle entre sa musique, le concept et le titre de l'album. Si les premières écoutes vont être celles qui ouvrent une fulgurance d'un dark assez brutal, les autres vont nous permettre de pénétrer dans le concept lui-même. Et c'est là que l'imbrication des styles devient une des clés de compréhension ou plutôt de décryptage de l'album. Car certains passages vont exhaler un aspect doom teinté de gothique ('La molécule de l'esprit' appuie bien la présence du doom et du gothique), mais Sans roi va intégrer ses styles dans différents passages, parfois en les mettant aussi bien en valeur en les intégrant tel quel, offrant au passage une modularité de l'atmosphère.
Et cela lui permet de jouer la carte des rythmiques variées et contrastées. C'est un élément clé de leur musique, recélant une part de complexité certaine, offrant un prisme intéressant liant la musique à al notion du rêve et de la réalité (en même temps que des passages singuliers vont venir soutenir des moments qui semblent importants dans la trame thématique de l'album), ce qui rejoint l'idée de la mise en abîme que j'ai évoqué plus haut.
L'album joue la carte de l'intensité à différents niveaux. Certains sont facilement décelables (la rythmique soutenue, des riffs intenses, les contrastes, les éléments purement black ou le chant), d'autres sont à aller chercher plus profondément, de par diverses écoutes qui vont pouvoir les faire apparaître à notre attention. On est vraiment sur cette idée de nous faire plonger dans le concept et là encore, de rappeler la lisière floue entre le rêve et la réalité. C'est un album qui a dû demander une sacrée réflexion et cela se ressent. Il n'y a rien de hasardeux, bien au contraire: tout est planifié, réfléchit, assimilé.
Le chant, oscillant selon les titres entre français et anglais, a un timbre agressif, presque abrasif. Il est à la lisière du black metal, flirtant avec les influences d'autres styles (en partie du doom et le heavy, dans sa forme la plus agressive). Le chant est corrélé à la musique et appuie nettement le concept. Il offre quelques variations infimes ici et là, apportant là aussi cette idée de flou entre rêve et réalité, avec l'accent mis sur l'aspect ésotérique (que les samples viennent renforcer). Sur certains passages, la filiation avec Sotiris pour le chant est très nette ('Terribilis est locus iste'). Cela engendre parfois un chant plus dark death qui vient apporter une modulation intéressante.
Le son est vraiment excellent et porte clairement une singularité. Déjà, il y a cette tonalité particulière m'évoquant celle de l'album de 'Revolution DNA' de Septicflesh, mettant en vie cette idée de rêve et d'ésotérisme. On y retrouve aussi de la puissance, avec un son très propre, nécessité pour les tonalités explorées. L'accent mis sur le son de la batterie est intéressant car certains éléments jouent le contraste de clarté, entre un son clair et un plus grave. Et celle-ci est mise en lien avec la basse très présente, apportant à la fois de la lourdeur et un certain groove étonnant, contrastant avec le son des guitares, très aériens (rejoignant l'idée du rêve, de l'onirisme). Guitares qui d'ailleurs offrent entre elles un travail de niveau de tonalités et de structures, ayant chacune deux rôles: un défini par pour chacun et le second pour la complémentarité de certains passages. Les guitares ouvrent ainsi parfois deux niveaux de riffs, jouant sur un décalage de style qui apportent à la fois de la profondeur (en complément avec la basse) et cette notion d'ésotérisme, avec certains gimmicks très spécifiques. Le chant est à l'équilibre, jouant là aussi une sorte de contraste avec les tonalités des instruments.
Sans roi est une découverte pour moi. L'album est une pure mandale dans la gueule. C'est immédiatement attractif, avec un concept puissant vraiment travaillé et une vision très réfléchie. L'album va rejoindre ma collection (avec les deux autres, pour compléter la trilogie et comprendre ce qui me manque à l'écoute. Ne passe pas à côté de cette pépite!!