MARGOTH 5
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Le Dieu D'automne
Stille Volk
Mors Ultima Ratio Productions
20 mai 2024 à 09:00:20
Vinyle
2023
3 titres pour 26'51''
Une petite vidéo:
Stille Volk est un trio originaire des Pyrénées (Tarbes et Lourdes) formé en 1994, fort de 3 démos et 7 albums à leur actifs. Celui-ci est le dernier en date.
Stille Volk est un groupe que je connais depuis 1995/1996, découvert via un cd sampler (Hard Rock magazine de mémoire) et parfois des titres du groupe passent entre mes oreilles. Mais là, j'ai le plaisir d'avoir un album dans son intégralité. Et c'est très intéressant, pour la construction de celui-ci, en plus de la musique en elle-même.
Musicalement, on est sur un pagan folk excellent (pas de suspense du coup), faisant la part belle à une atmosphère et un rythme nonchalant, offrant une expérience très agréable et reposante. Cela renforce le côté immersif, surtout que le trio apporte aussi une dominante médiévale à sa musique, ce qui enrichit cette dernière et offre une densité importante.
Le trio ne trahit pas le rythme, parfois presque rituel de l'album, plaçant une temporalité ancrée dans le moyen-âge, rappelée par les instruments peu usuels comme la vielle à roue, un cromorne (un genre de hautbois, instrument à anche double) et quelques autres.
La manière dont sont construits les titres nous plonge très rapidement dans l'univers que nous dépeint Stille Volk à travers cet album. Et celui-ci semble conclure une part importante du concept du groupe, au regard de la discographie du groupe.
Les trois qui constituent l'album abordent une forme de mysticisme et de croyances, ancrées dans la mythologie pyrénéenne, s'installant dans le moyen-âge.
Le premier titre nous offre un voyage de 16 minutes nous plongeant dans l'univers du groupe, grâce aux sons évoquant un troupeau en transhumance (l'évocation est une force de l'album par ailleurs), avec la mise en place de trois segments abordant différents aspects. Cela sert à l'incarnation du dieu du titre mais aussi à poser le rapport aux croyances et mythes liées aux changements de saisons et une part de symbolisme, jouant sur une peur de la morte saison hivernale (et de la mort et de la manière de pouvoir l'appréhender) et son implication dans la vie des personnes vivants à l'époque évoquée dans la contrée. Le titre prend le temps de se déployer, ayant la nécessité de poser l'atmosphère et les mécaniques qui vont être mise en valeur dans l'album.
Le premier segment déploie les liens avec les 5 éléments (feu, glace, terre, soleil et lune), faisant le lien entre la mythologie et la création des Pyrénées (là aussi une évocation). La musique se pose d'ailleurs avec force sur cette notion d'évocation, jouant la carte de la richesse et de la subtilité.
Le second segment se focalise sur ce dieu de l'automne, servant de guide vers un autre horizon, qui n'est pas encore dévoilé, symbolisant une marche vers l'inconnu. Il sert aussi de transition entre le premier et le dernier segment (des éléments musicaux en commun notamment) mais aussi un lien avec le second titre.
Le dernier segment est plus chargé de symbolisme, passant par un dialogue entre le personnage qu'est Milharis (un vieux pâtre mythique) et Pyrène (et là, il y a le lien à la mythologie mais aussi avec la discographie de Stille Volk, qui contient clairement des éléments qui m'échappe du coup). Le segment pose donc deux voix dont une féminine. Et c'est là que la dimension poétique explose, offrant deux points de vue sur l'album et le sens de la construction, sublimant le tout (et que ça devient un peu plus complexe).
En effet, le second titre 'Au-delà du temps' permet le jeu sur ces deux points de vue. Un plus littérale, prosaïque et l'autre plus symbolique, lié aux mythes. On a ainsi, selon le premier point de vue, une narration où Milharis qui son lieu d'estivage sur les hauteurs à l'approche de l'hiver. Il y a une trame qui apporte un point de vue liée à la spiritualité (toujours lié aux mythes), ainsi qu'une part de psychologie (l'état d'esprit évoqué de Milharis). Les éléments musicaux allant en ce sens, dans un choix de la tonalité un peu différente et d'une modulation du rythme. Si les codes sont les mêmes que le premier titre, la trame offre une variation sur la temporalité.
Mais dans les faits, c'est bien plus symbolique (et c'est là que l'on prend la pleine mesure du travail du groupe et de la réflexion globale) car si l'on s'attache au troisième titre ('L'homme sauvage' un lien entre la mythologie avec Pyrène et la conception de l'homme -son isolement), jouant avec l'idée que Milharis, du fait justement de son isolement, est perçu comme tel, si l'on reste dans l'idée du premier point de vue.
Alors qu'en réalité, au regard des textes et de certains éléments musicaux plus spécifiques (et subtils) au titre, il en est tout autre. Et c'est là que la profondeur de l'album (et par ricochet de la discographie du groupe du coup) se dévoile.
L'album est une sorte d'allégorie sur la vieillesse et la mort, sous le prisme des croyances pyrénéennes médiévales, ce qui explique l'approche parfois ritualiste ou le mysticisme qui se dévoile ici et là. Et de rendre quelque chose d'inéluctable en une approche qui laisse s'ouvrir d'autres sphères d'états, au-delà de la mort (et donc, 'Au-delà du temps', comme le second titre). Mais aussi laissant deviner que le vieux pâtre devient lui-même une part des Pyrénées dans sa mort, au-delà du deuil et des rites liés, évoqué de manière symbolique dans 'l'homme sauvage'. Et trouvant aussi un lien avec le troisième segment du titre 'Le Dieu de l'Automne'. Et qui semble boucler un cycle complet.
Le son est très bon (le fait d'avoir du matériel de qualité y fait et permet de pouvoir profiter des détails). Cela regorge donc de détails, à travers les structures et les différents instruments. L'appui des percussions (et le travail sur cet aspect) est intéressant car offrant une profondeur dans la musique mais aussi à travers la trame thématique des titres. On a quelques modulations, apportant un peu plus de richesse et de détails et éléments plus spécifiques, nécessaire à la compréhension du tout. Le rythme posé joue aussi sur l'aspect rituel et el son offre une ouverture accrocheuse sur cet aspect. Il se retrouve aussi dans un flux subtil, les samples usés ça et là marquant l'atmosphère de manière plus nette au besoin.
Le chant est un chant en français. Il explore l'univers du groupe et de l'album, jouant sur variations que cela implique, amenant une trame narrative, permettant une immersion complète et apportant des clés de compréhension. Le chant, tout en subtilité, offre beaucoup de retenue, laissant la place aux émotions (qui sont essentielles finalement dans l'album) et des chœurs l'accompagne de temps à autre, ajoutant une autre dimension (et servant peut-être à l'aspect spirituelle et symbolique).
Stille Volk livre une véritable pépite. L'album est très immersif, imagé et chargé de symbolismes (d'ailleurs, on retrouve cet aspect sur l'artwork, à la puissante évocation) et le trio nous offre un album riche teinté d'une certaine nostalgie (dans la musique mais aussi à travers la temporalité au sens large) mettant en valeur cette idée de la vieillesse et de la mort, sans usés de clichés et autres poncifs. c'est un mélange superbe de subtilité et de poésie, à travers une approche légère et toute en retenue. C'est clairement un album à récouter moult fois (et qui va faire se pencher sur le reste de la discographie pour vraiment avoir les tenants et les aboutissants de manière complète), gardant à chaque écoute le même plaisir mais laissant aussi la découverte d'autres détails disséminés ici et là dans la musique, qui ne demandent qu'à se révéler. N'hésite pas un seul instant à faire ce voyage que te propose Stille Volk.