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Lacerare

Twisted mist

Music Records

17 novembre 2022 à 14:34:17

Dématérialisé

2022

9 titres. Durée: 44'06''

Une petite vidéo:

Twisted Mist est un duo œuvrant dans un registre pagan folk metal (vous le savez, je simplifie) qui, en 2020 (déjà deux ans...) avait sorti un premier album nommé 'Orbios', qui m'avait mis une bonne branlée dans le genre. Et c'est donc avec plaisir que j'ai reçu ce second album, un concept album qui nous emmène à travers l'Europe et la grande peste.
Dans 'Orbios', j'y trouvais des éléments qui venaient du black metal. Ici, c'est assez différent, ce n'est plus du tout si frontal. Mais ce n'est clairement pas quelque chose qui est frustrant, bien au contraire, le duo proposant une évolution de son approche.
Des éléments caractéristiques du duo sont clairement des choses que j'attendais/ 'Aube' ouvre le voyage à travers une intro qui pose les premières bases de l'album, notamment cette ambiance particulière qui va s'immiscer à travers l'intégralité de celui-ci et nous offrir une immersion musicale où la dominante des instruments traditionnels est importante, sans pour autant faire oublier le coté metal, plus discret mais bien là. L'intro est sympathique, mais un peu frustrante. Oui, le duo est un petit peu saloupiaud sur le coup. Et c'est d'autant bien que lorsque arrive le second titre, Nuée noire', on arrive enfin à ce qui fait de Twisted Mist ce qu'il est. Et putain, la mise en place du morceau, cette arrivée de la basse, c'est en parti ça que j'attendais. Et aussi ce choc de la voix écorchée, très caractéristique. Le titre pose cette puissance, cette forme de brutalité propre au duo. Et j'y retrouve directement l'esprit qui anime le duo, porté sur cette ligne ténue entre l'atmosphère sombre qui marque l'album et cette colère. Le duo ouvre vraiment les hostilités à travers ce titre, dévoilant son identité mais amène aussi quelques nuances , préludes de nouveautés qui vont apparaitre dans l'album.
Musicalement, je retrouve vraiment ce qui m'a marqué avec 'Orbios': ce son particulier, agressif, sombre et pourtant avec une certaine chaleur, le chant identifiable entre tous et cette approche singulière qui fait mouche. Mais le duo pousse plus loin le concept (en même temps qu'il donne corpos au concept et fait sens ), notamment au travers des parties musicales qui sont clairement inspirées de la musique médiévale (les instruments comme la vielle à roue, la flûte diatonique en os... mais 'Complainte au firmament', un titre sur lequel je reviens un poil plus loin) et va mêler encore plus les deux entités musicales qui constituent le corps musical, amenant de fait des nouveautés, incluant des éléments vocaux, allant au-delà de l'atmosphère.
La musique est à la fois plus puissante et plus sombre mais apporte aussi plus de subtilités, une approche plus en finesse de ce ressenti entre colère et désespoir, en même temps que les paroles, en français (ouvrant directement une compréhension totale et nous impliquant dans le concept de l'album). Et c'est là que 'Complainte au firmament' prend sens et amène cette subtilité, le titre puisant vraiment dans la musique médiévale, avec sur ce titre trois chants (deux masculins, un féminin, très immersif dans l'approche médiévale), prenant un angle d'exécution bien spécifique, qui fait lien avec le global de l'album. Et qui garde en ligne cette puissance et ce côté sombre, au travers des riffs de guitares qui apporte un contraste au reste de la musique, qui développe un léger aspect hispanique. Et les deux chants est un élément qui revient dans les autres titres mais avec un code qui s'impose rapidement, offrant ainsi deux pôles principaux sur lesquels le duo a conçu l'album, donnant deux points de vue.
Ainsi le chant écorché va apporter ce sentiment de colère, de refus, marquant la tentative de lutte contre la peste alors que le chant clair, plus posé marque lui la résignation. D'une façon plus brute, le chant agressif va aussi opposer une vision pragmatique à la toute puissance de la religion (dans le contexte de l'époque), alors que l'autre chant, le clair implique l'acceptation de l'état de fait que la peste est une punition divine pour les pêchés commis. Et parfois, les deux chants vont même jusqu'à se rejoindre, devenant complémentaire dans leur opposition. Et si vous croyez que je viens de péter un câble, il suffit de voir qu'il y a aussi dans l'album un certain cheminement, passant ainsi de 'Le linceulé' à 'Kyrie Eleison', suivant l'instrumental très médiéval là aussi qu'est 'Indutiae'. Quand à 'Kyrie Eleison', ce n'est ni plus ni moins qu'un chant liturgique catholique, appuyant ce que je disais plus haut et participant aussi à l'immersion dans le concept. Mais le choix de ce titre à part vient aussi de la puissance qu'il dégage, faisant un rappel de la puissance de l'album mais en opposition à la tonalité sombre de l'album. Là où le titre devient assez dément, c'est lorsque que la musique prend un aspect plus agressif et que le chant écorché vient en apport du chant liturgique, changeant ainsi la nature du chant liturgique, en quelque chose de plus blasphématoire (de part le chant et ce qui est sous entendu dans l'approche finale du titre). Et on comprend que ce titre marque aussi un tournant dans l'album, ouvrant une seconde partie avec 'Nihil reliquit', reprenant un peu l'essence de 'Kyrie Eleison' mais sous un angle prosaïque, impliquant un abandon du divin. L'atmosphère du titre, même si sombre, développe un autre pan, plus subtil, qui va prendre son essor sur les derniers titres, qui renforcent plus encore le côté sombre et désespéré, marquant l'acceptation de la résignation. La colère est plus diffuse sur cette partie ('Nihil reliquit' n'ayant ce chant écorché que sur sa fin alors que la musique garde une tonalité du long qui implique forcément l'apparition de ce chant à un moment. Une volonté de parodier l'apparition maritale?).
Les deux derniers titres insistent plus nettement sur cette tonalité différente, l'ajoutant à ce chant écorché, enfonçant le clou (c'est le cas...). Chant qui change dans sa nature, amenant un rythme spécifique en même temps que des éléments musicaux qui glissent plus nettement vers ce désespoir, plus absolu. Il est important de garder en tête qu'il y a toujours l'aspect toute puissance divine en arrière plan ('Lacerare' s'ouvre sur un son de cloche) qui est bafoué par ce refus (le cri écorché). On a cette marque indélébile de l'inéluctable, que ce soit à travers la musique ou les paroles (et là, je fais un aparté sur le travail des paroles, qui fait montre d'un travail sur les champs lexicaux, très flagrants sur certains titres) et l'atmosphère, de plus en plus délétère. Ce qui permet de glisser vers le titre final, prenant l'ensemble des éléments de l'album, les alignant là encore sur un concept lié au sacré. 'Requiem' prend des codes musicaux là encore à la musique sacrée, afin de les modeler à la volonté du groupe, en faisant le lien avec 'l'aube', permettant au duo de fermer la boucle, tout en glissant néanmoins cette notion de blasphème, associé à une grande charge mélancolique qui s'avère à la fois puissante et destructrice. Au début j'évoquais le retrait des éléments black. Si je veux être juste, ils n'ont pas disparus. Ils se sont dissouts dans la musique, apportant cette ambiance particulière et permettant ces explorations. Et ça fait diablement sens dans l'album.
Le son est terrible. Il n'y a pas d'autres mots. Si les instruments conventionnels sont bien présents et puissants, avec cette basse caractéristique (qui s'avère le pendant du chant écorché et putain, quelle basse!!), la place est laissée pour le développement des passages ou de l'intégration des instruments traditionnels (vielle à roue, bombarde, flûte diatonique en os, des percussions médiévales...). Cela permet au duo de pouvoir gérer les approches spécifiques dans l'album, en même temps qu'injecter les codes plus spécifiques à certains éléments musicaux. Le son est puissant, très riche en détails, même au niveau des chants. Un gros travail a été clairement fait sur ça, renforçant l'immersion, la puissance et l'efficacité de l'album.
Twisted Mist signe un second album de haute volée, tout simplement. J'y retrouve ce qui fait le duo, qui amène en plus de nouveaux éléments qui enrichissent et permettent à sa musique d'évoluer. C'est ambitieux, clairement, avec des passages franchement épiques. Un album indispensable, une de ces claques inattendues, alors que pourtant on sait que l'on va en prendre une bonne!

© Margoth PDF

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