

MARGOTH 5
PDF5
La mort de l'infidèle
Sektarism
Zanjeer Zani productions
20 février 2023 à 15:45:18
CD digipack
2017
3 titres. Durée: 1H02'36''
Une petite vidéo:
Sektarism est un groupe toulousain fondé en 2005, évoluant dans un genre festif, joyeux et vivifiant: le funeral doom. Et ici, on se focalise sur leur album de 2017.
Alors, je connaissais de nom Sektarism. Je pensais à un groupe jouant un black malsain mais je me trompais car on en est loin du black. Mais pas du malsain. Et pour être plus précis, le groupe offre vraiment quelque de plus compliqué que simplement du funeral doom.
Le groupe nous offre trois titres qui, chacun son tour, va péter le record de durée du précédent (12, 20 et 30 minutes). Alors autant le dire tout de suite: tu pars quelque chose de lent, avec une certaine lourdeur et où toute joie est proscrite. Ici, on est pas là pour se marrer, bien au contraire. Mais sans empêcher d'offrir quelque chose de dense et riche, de façon paradoxale.
Le premier titre s'ouvre sur une ambiance bien particulière, en mettant en place progressivement une atmosphère singulière et peu fréquentable, offrant une sorte de parodie de messe. Mais avant ça, il faut attendre la mise en place de l'entité, commençant par quelque chose de lent, malsain et progressif. Jusqu'à l'introduction des paroles qui mettent en place une messe, plutôt noire dans ce cas. Le texte est déclamé à la manière d'une messe liturgique dégénérée où les éléments arrivent progressivement et dévoilent vraiment ce qui est l'âme de Sektarism: du drone et un aspect rituel, que le chant marque mais que la musique va amplifier, jouant aussi sur les sonorités et les dissonances (et encore, je ne dévoile pas tout, le groupe jouant avec les altérations, que ce soit sonore ou dans la musique elle-même, qui glisse vraiment vers quelque chose de très particulier, qui pourrait en bloquer beaucoup. Mais qui vaut le coup si on accroche et que l'on va de l'avant et que l'on rentre dans cet univers particulièrement malsain. Car ce titre n'est qu'une introduction sur le gros du sujet qui se base sur les deux autres titres. Et si l'aspect folie (entre le chant, les cris, la musique lancinante, appuyant des éléments répétitifs) commence à poindre sur la fin de 'Ô seigneur', elle explose dans les deux autres titres, le côté rituel se répétant sur la fin du premier titre, la litanie reprenant aussi cette idée de répétition, nous enfonçant dans d'étranges méandres.
Ne t'attends pas à des parties rapides ou à avoir des structures conventionnelles. Tu peux complètement oublier ça, ne gardant que le côté funeral doom très lourd, poisseux et les ajouts malsains qu'injecte le groupe.
'Brûle l'hérétique' s'ouvre sur un doom très sombre, très lourd, avec ce côté malsain, que tu retrouves dans el son (dissonances, le côté vibratoire) et ce chant singulier, déclamatif, reprenant la trame de la messe du premier titre. Sauf que là, tu vas partir dans un développement de plus de 20 minutes, jouant sur ce rythme lourd, haché, qui va intégrer la notion de rituel là encore, de façon plus marquée, plus intrusive. Mais le groupe ne reste pas sur cette forme, à laquelle se joint l'aspect drone, dissonant là aussi. Car il va proposer des variations de formes au travers de différentes parties, qui vont changer par rapport à l'agencement des instruments et en partie de la sonorité, qui peut se moduler fortement d'une partie à l'autre.
Le chant reste très ritualisé, dans cette parodie de messe mais en jouant sur la nature même du chant, avec des altérations dans le chant, compliquant la compréhension, dans une logique qui suit celle de la musique. C'est volontairement pesant, lent, avec des notes pouvant être étirées un maximum ou des effets techniques liées aux jeux des instruments (notamment les guitares), élevant le malsain au rang d'élément primordiale.
Il n'y a aucun moment de répit dans le côté sombre et malsain qui suinte du titre. Le ritual et le drone se trouve finalement à fusionner ensemble, offrant une autre facette au funeral doom du groupe. Et les patterns de la batterie prennent alors une importance spécifique, nous plongeant dans quelque chose d'assez hypnotique. C'est lent, lourd, pesant et ne laisse pas un seul instant de répit, créant quelque chose d'anxiogène, d'étouffant, qui va rejoindre les fumées du feu où se consume l'hérétique.
Le groupe joue néanmoins sur la nature du rythme, du moins sur sa lenteur et sa lourdeur, sortant un arsenal conséquent dont j'ai évoqué quelques éléments déjà. Mais il y a aussi l'immersion qui se fait par le chant, en brisant el quatrième mur, lorsque le chant reprend son souffle, comme si on était au côté du groupe (ou alors on se trouve être l'hérétique?).
Ce n'est pas parce que c'est lent que le groupe n'offre pas quelque chose de puissant. Sur le segment final, celle-ci explose nettement, dans la lourdeur et la puissance de la guitare, avec en arrière plan cette basse vrombissante qui ne nous quitte pas depuis le début de l'album. Il y a même un esprit un peu doom death qui s'esquisse brièvement, trouvant un lien avec l'aspect rituel.
Le dernier titre, 'Conscience, révolte, perte du moi', du haut de ses 30 minutes, attaque directement avec le côté rituel. La mis en place est volontairement longue, rejoignant à la fois l'idée de dissonance à travers la musique et la parodie de messe, mais en y injectant de façon plus marquée du drone. Le groupe nous enfonce dans le cauchemar, nous amenant au paroxysme d'un enfer dans lequel on est plongé et qui semble être nous-même, à l'intérieur. Le titre est très lent à se mettre en place, avec l'arsenal des dissonances qui construit un arc accompagnant le chant, entre cris et chant plaintif.
Le côté malsain prend une forme plus pervertie, le groupe introduisant une nouvelle notion, liée au drone qui devient un élément clé (et toujours avec ce côté rituel présent). Mais il amène aussi un changement dans le rythme.
Celui-ci prend une accélération progressive dans le titre, créant une atmosphère plus délétère encore. Mais ne croyez pas avoir un rythme rapide. C'est plus comme quelque chose qui va s'écouler sur une pente, mettant en place là encore ces notions de différentes parties. Car rapidement, on part sur quelque chose de plus dépouillé, très malsain. Et on retrouve cette structuration sous forme de chapitres qui permettent au groupe d'amener de la variation sans pour autant trahir son identité et sa forme.
Le titre concentre vraiment le paroxysme de l'aspect rituel et du drone mais va aussi impliquer la folie dans le dernier tiers de celui-ci (qui reprend l'idée du changement de rythme), à travers un chant qui devient plus malsain, mortifère, accompagné de cris. Et que l'ensemble fait penser à une plongée dans la psyché malsaine humaine. Il s'y développe un étonnant côté cathartique, qui libère le concept en même temps que le maitre de cérémonie (qui est introduit dès le début et personnifié par le chanteur). C'est une sorte de libération, par une voie singulière qui est une issue improbable et surement létale. La fin du titre appuie cette idée, par le ralentissement global qui se finit sur la basse du début qui décline, périclite et finit par disparaitre, clôturant l'album, l'étrange messe et la fin du quatrième mur (en même temps que la fin d'un cycle).
Le chant est très particulier, déclamatif, proche parfois d'une litanie. Il joue avec la tessiture, la prononciation, mêlant des éléments plus liés à une notion psychiatrique (notamment par les cris et cette étrange logorrhée). Mais pas un seul instant on se dit que le chant ne colle pas du tout à ce que propose le groupe. Bien au contraire, c'est ici que l'on trouve une cohérence qui lie en partie l'ensemble.
Le son est excellent. Il est très riche, que ce soit par les guitares, le jeu de la batterie, la basse vrombissante mais aussi cette idée des altérations et des dissonances, qui donnent cette étrange atmosphère. Les arrangements sont discrets, amenant ici et là certains détails, juste ce qu'il faut pour ne pas pervertir l'aspect malsain de la musique. C'est bien vu car le groupe, mine de rien, joue sur le fil du rasoir.
Sektarism est une découverte très intéressante, plus riche qu'il n'y parait. Effectivement, ce n'est pas pour tout le monde, l'univers étant particulièrement sombre et malsain, avec un point de folie. Mais pour ceux qui iront au-delà, c'est un groupe qui offre une approche intéressante, dans un univers particulier, sombre et qui allie divers aspects singulier. Excellent ce qui me concerne.