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L'Orchaostre

WuW

Pelagic Records

25 mars 2023 à 09:25:11

CD et vinyle

2022

5 titres. Durée: 41'40''

Une petite vidéo:

WuW est un duo fraternel parisien formé en 2016 et qui explore depuis lors les méandres d'un post-doom expérimental lo-fi instrumental (reprends ton souffle...). A leur actif déjà deux albums (en 2018 'Rien ne nous sera épargné' et en 2020 'Rétablir l'éternité') et celui-ci est sorti en novembre 2022.

Bon, on ne va pas épiloguer plus longtemps sur un aspect qui saute aux oreilles (ce n'est pas une question de son): c'est très sombre. On est vraiment dans l'idée de ce que doit être le doom, un cercueil de la joie. Cette noirceur est omniprésente, se matérialisant par une lourdeur très présence, parfois à l'extrême, qui nous enfonce dans un étrange marasme nous enfonçant dans un univers poisseux où tout espoir est vain. Le duo pose certains éléments qui vont revenir, accentuant cette sensation de perte, d'égarement, qui nous enfonce dans un monde terne, prêt à nous écraser dans sa sinistre réalité.
Comme c'est une approche instrumentale, ça fonctionne ou pas. Bon, vu mon début, vous avez compris que ça prend directement, sans autre forme de procès. Et je pourrais m'arrêtez là mais ce ne serait pas rendre justice à une œuvre dense, qui me parait assez jusqu'au-boutiste. Car l'orchaostre est bien au-delà de la plongée dans un univers sombre, poisseux et assez délétère. Vraiment bien plus loin.

L'album se déploie sur 5 titres qui vont créer des atmosphères pesantes, où la rythmique sera toujours lourde, sans espoir d'une quelconque accélération. Le duo pose les repères d'une approche volontairement lente où la lourdeur se joint aux jeux des sonorités et des textures, pour livrer une ambiance générale désespérée, nous faisant glisser dans un climat étrange où cette lourdeur devient presque une entité à part, s'élevant comme quelque chose de monumental, nous écrasant de sa simple présence. C'est clairement un élément moteur de l'album, qui va nous emmener très loin dans cette approche, au travers des titres dont la durée peut-être conséquente mais dont on ne sent pas la longueur, du fait de la construction et de l'immersion réussie.
Cela impose donc un rythme parfois pachydermique, qui nous enfonce encore plus profondément dans cette noirceur, cette déliquescence de l'univers. Mais ce rythme impose des paliers, que chaque titre (portant le nom de l'album suivi d'un chiffre de 1 à 5) s'enfonce plus loin que le précédent, en glissant beaucoup d'éléments complémentaire qui viennent enrichir cette étrange descente en enfer. Il y a quelque chose de funéral dans l'approche, notamment cette gestion des rythmique et de certains riffs qui viennent nous écraser comme de vulgaires insectes. Cela va se traduire par diverses approches, allant d'une redondance qui vient enfoncer le clou à des structures complexes, qui vont laisser une étrange empreinte dans la musique, jouant sur cette notion de lourdeur et de pesanteur, en lui offrant un panel parfois plus large. Et aussi par des éléments sonores qui apportent cohérence et crédibilité à cet univers (j'y reviens plus loin).

Et pourtant, certains moments offrent une sorte de répit, une lueur perçant les ténèbres. Il y a ces moments plus aériens (mais toujours avec une lourdeur présente), qui viennent apporter une sorte de ponctuation, pour glisser un moment de respiration. Mais qui ont le don de donner la sensation d'une coquille vide, sans substance et qui, pourtant, est bien présente. Et cet aspect dévoile une approche de la mélodie très efficace, dévoilant une approche esthétique de la musique, une beauté inattendue, qui vient nous emmener étonnamment à des sphères célestes, caresser un instant un raie de lumière, presque le toucher du bout du doigt. Pour mieux nous renvoyer dans les profondeurs des ténèbres, par le jeu des textures musicales et des mélodies à la tonalités changeantes, accompagnant les rythmes funèbres.
L'orchaostre est étonnamment beau de sa noirceur, nous offrant une oscillation entre ténèbres et vain espoir, créant une trame singulièrement efficace, dans son essence. Les riffs, comme je l'ai dit, peuvent être redondants, répétitifs, formant parfois quelque chose qui tient plus lieu de mantras pervertis qui qui laisse apparaitre une sorte de poésie improbable, reposant sur les riffs et les claviers qui apportent de la densité et de la matière aux titres. Mais de manière subtile, faisant un lien avec la lourdeur globale de l'album. Et qui nous glisse vers une sorte de temporalité étrange.

Car mine de rien, il y a une notion de temps qui se démarque au fur et à mesure des écoutes. Ce n'apparait pas à la première écoute. Non, loin de là. Il faut accepter de replonger dans les strates que l'album offre, pour découvrir cet aspect de temporalité. Car celui-ci est assez insidieux et surtout protéiforme, se retrouvant, logiquement dans le rythme et les rythmiques mais aussi dans l'approche que véhiculent les titres. Et là, c'est nettement plus subtil, rejoignant la finesse des mélodies, la retenue des rythmes pourtant poisseux et tissant une toile plus disparate qui apparait sur la globalité de l'album. Cette temporalité joue sur les notions de lourdeur mais aussi des ambiances, rejoignant une chose moins tangible, pourtant bien présente car toujours prête à jaillir en arrière plan, imposant là aussi une présence discrète mais qui est nécessaire. Car tout rejoint aussi les éléments sonores qui parsèment l'album, jouant sur les atmosphères et la temporalité (le temps devenant même une sorte d'entité).
Et là, on part sur des nappes de claviers, assez logiquement mais on glisse rapidement vers quelque chose qui donne vie à l'entité, comme ce vent qui apparait ici et là, ces altérations sonores des instruments ou encore des choses plus abstraites qui vont apparaitre au fil des écoutes, donnant de plus en plus de densité à l'œuvre. Cela passe par les sonorités, leur textures, leur tessitures, créant des liens entre les différents éléments et donnant corps au tout. Et ça, c'est juste fou, quand on prend un peu de recul. Ca apparait comme l'une des clés de l'album, de cette plongée dans cet univers très sombre mais non dénué de beauté (certains moments offrant une magie qui reposant justement sur le traitement des sonorités).

Le son est particulier, à l'image de la musique. Du fait de l'approche lo-fi du groupe, il y a quelque chose de plus primitif dans le son, un côté un peu désuet dans la tessiture, permettant de nous plonger directement dans leur univers. Le son n'est pas pour autant mauvais, loin de là. Il permet juste d'avoir des sonorités plus naturelles pour les instruments et de glisser un sorte de grain d'une réalité découlant d'un univers altéré. Il y a une dimension chaleureuse à la musique, un paradoxe face à la noirceur de l'ensemble, qui vient peut-être de cette approche plus crue des sons. Quoi qu'il en soit, ce son est aussi l'identité du duo, sans le moindre doute, qui plus est mûri depuis leur début.

WuW a livre un album dense, très sombre, imprégné d'une lourdeur incroyable mais qui recèle à l'intérieur une beauté inattendue. Le groupe nous plonge dans un univers singulier, loin de toute joie de vivre et qui, pourtant, va nous emmener dans celui-ci en nous révélant des aspects à l'esthétisme léché, à l'approche mûrement réfléchie. L'album est un monument de lourdeur et une sorte d'hymne à un post-doom sublime qui mérite d'être découvert car simplement savoureux.

© Margoth PDF

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