MARGOTH 5
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L'appel du néant
Salò
Source Atone Records
17 avril 2024 à 15:37:01
Dématérialisé
2024
8 titres pour 38'58''
Une petite vidéo:
Salò est un trio du Cotentin, respirant la joie te la bonne humeur, à travers une musique détonante et efficace, à savoir un blackened crust teinté d'indus. Fort d'un premier Ep en 2021 'Sortez vos morts' (https://margothpdf.wixsite.com/margothpdf/coin-des-chroniques-1/sortez-vos-morts), le trio est de retour en grande forme et plus énervé que jamais par les travers des bouts de viandes que nous sommes.
Les 8 titres sont autant de passages de horde de mammouths en rut sous acide et, à l'image du premier Ep, ne font pas dans la dentelle ni la demi-mesure. Bien au contraire, le trio y va franchement. On retrouve au début les samples d'un film (le même que le premier Ep ou alors on y retrouve le même acteur (peut-être que Salò amènera l'info) et cette ambiance singulière, malsaine, mêlant le froid de l'indus à la furie de passages plus black et l'urgence du crust. Mais ne te méprend pas: même si le groupe récidive, il y a quand même une évolution entre les deux productions.
L'approche est plus virulente, jouant plus avec les mélanges crust teintés de black et l'indus. Le groupe y ajoute une forte intensité, de celle qui met en joie et te fout un sourire aux lèvres lorsque tu attends tranquillement que ton feu passe au vert, vitre baissée et que tu partages la délicatesse de la musique avec tes voisins proches. Mais qu'ils ne sont pas habitué à un registre extrême.
Au-delà de ça, c'est aussi une vraie déflagration construite, avec des codes spécifiques issus du premier Ep (et qui est l'ADN de Salò), explorant des thèmes grattant les croutes des plaies de ce qu'il y a de pire dans l'humanité (et qui amène la logique du choix des samples).
Le trio accentue les passages purement black qu'il va mettre en lien avec le crust et l'indus mais, à la différence du premier Ep, en n'hésitant plus à offrir quelque chose de tranché, offrant un contraste plutôt sévère très jouissif. La mécanique de base de la musique reste la même mais elle s'offre un lifting en amenant des associations radicalement différentes et en glissant vers des passages où une atmosphère poisseuse et malsaine vient assombrir le tout. Le but étant de nous offrir des facettes différentes qui, en se complétant, offrent l'effet du piétinement des hordes qui passent.
Si le trio choisit souvent un tempo très rapide aux structures marquées (rejeton du crust et du black), il n'hésite pas non plus à injecter des breaks où la lourdeur vient te décrocher les cervicales, de la manière la plus douloureuse possible. Il construit ainsi une trame particulière qui offre des arcs-boutants supportant la base black crust, l'indus (plus sale que jamais), offrant un liant entre les deux. L'indus est d'ailleurs plus présent, jouant sur la forme et un peu le fond, amenant à la fois des brides d'ambiances mais aussi des éléments plus directs, qui vont s'immiscer dans la musique, donnant différentes strates toutes aussi malsaines les unes que les autres. Le groupe offre aussi une approche des rythmiques qui s'appuient sur les codes des styles et en jouant, offrant des instants pouvant être survoltés ou apporter une approche plus réfléchie, poussant, avec les textes, à introduire, de la part de l'auditeur, une réflexion (sur la nature humaine, notre propre nature, comment est-il possible que 7,5 millions d'années dévolution ont pu déraper à ce point...).
Mais ce qu'il est vraiment plus net, c'est l'intensité que Salò nous balance sans coup frémir. Car les moments où le groupe ralentit un peu le rythme ne sont qu'un prélude vicieux à un déferlement de violence et de noirceur, jouant de temps à autre à glisser une étape intermédiaire entre les deux, offrant alors une lourdeur dotée d'une vélocité surprenante. C'est là que parfois le black se montre franchement, exposant sa noirceur qu'il peut accoupler à la froideur de l'indus (toujours avec le crust en embuscade). Ce qui permet au groupe de personnifier le cynisme qui peut exister dans les samples ou les paroles.
Quoi qu'il en soit, c'est clair que le groupe veut en découdre (putain, en live ça doit déboiter tout le service gériatrique de l'hôpital de Cherbourg).
Le groupe joue aussi sur la tonalité. Il glisse quelque chose de différents, ici et là, dans la musique ou par le chant, notamment avec Müttrelein, ce qui donne une autre dimension sur la fin de l'album, servant de paroxysme au cynisme, à la violence mais aussi de marqueur d'un palier largement franchit, glissant plus des strates indus glaçantes (mais non dénuées de beauté funeste). Comme si le point d'orgue était la rencontre de tout ce qui caractérise cet album, pour mieux te rassoir à ta place de morceau de viande.
Le chant est très caractéristique de Salò. Ce chant entre crust et black, avec ce timbre singulier et dont on ne peut pas imaginer Salò sans ce chant. Les paroles sont toujours en français, dans ce chant quelque part entre chant hurlé, un peu désincarné et surtout quelque part entre le guttural et un aspect éraillé, offrant un relent sale, malsain mais qui sied totalement au groupe. Les deux chants en plus (Karras et Mütterlein) sur les titres où il apparaissent joue sur la tonalité (bien que Karras soit plus orienté dans le direct en pleine gueule). Quoi qu'il en soit, le groupe s'octroie une ouverture vers des horizons intéressant, en terme de featuring.
Le son est excellent. Puissant, massif, avec un côté martial (qui permet à l'indus de s'exprimer pleinement). Il y a un côté un peu sale, qui est la marque du groupe. Sale mais clairement réfléchi pour être cohérent et audible, servant d'écrin à la noirceur des textes. Le mixe entre la musique, les samples et le chant sont en adéquation avec ce que le groupe transmet, laissant une part d'interprétation assez vicieuse.
Salò vient de lâcher une putain de déflagration! Si tu es un amateur de groupe extrême, tu ne peux pas passer à côté de cet album, avec un groupe en pleine possession de ces moyens et maitrisant son univers. Maintenant, je dois les voir en live, c'est obligé!