Wurgilnõ est un one man band basé aux Pays-Bas et qui a mis en place son projet en 2023 et qui en est, du coup, à son deuxième album. Il œuvre dans un black atmosphérique chanté en néerlandais.

L'album est assez dense, se concentrant sur les légendes locales et ce qui semble centré sur le moyen-âge (hypothèse du fait des intros qui nous plonge dans cette période). L'album démarre très rapidement, avec un black atmosphérique rapide, où l'urgence semble être une nécessité, suintant parfois un côté black'n'roll . Les titres ne se bornent pas uniquement à une rapidité basse du front, loin de là.
Car dès le premier titre, C amène de la variété dans la rapidité, en jouant avec les structures et les rythmiques, qui, sur chaque titre, semble amener un cycle et créer une sorte de boucle qui subit des altérations, dans la rapidité et dans la manière de l'exécuter. Cette rapidité sert de terreau à une forme de violence latente, très subtile et inattendue, qui lui offre la possibilité de moduler sa musique et d'y intégrer des passages atmosphériques, plus ou moins lents et glissant de nouveau cette idée de boucle avec les riffs pouvant répéter un thème ou un motif.
Mais C joue la carte de l'altération, avec le son ou les structures (rythmiques et riffs) qu'il va accompagner par de la dissonance, des contre-temps et offrir des moments où la musique devient plus malsaine, du fait de l'altération marquée qui peut se dégager. Celle-ci est d'ailleurs une forme de gimmick pour l'album, servant aussi à brouiller les codes et placer des contrastes à différents niveaux. L'altération, sur différents niveaux et strates, permet de brosser une ambiance plus globale, qui va jouer sur une image du passé et une forme de nostalgie, sur certains segments (renforcée par les riffs parfois très ciselés).
Les rythmiques jouent avec les codes du genre mais offrent de la variété. Mais aussi quelques passages impromptus que l'on attend pas du tout, ouvrant une voie vers un aspect peut-être plus complexe et regardant vers une envie de créer une entité à part. Cela offre des patterns de batterie très variés, avec un jeu qui est parfois surprenant, dans l'exécution ou la structure, jouant aussi parfois la carte du décalage (musique / tempo / ce que l'on attend habituellement).

On a forcément le contraste avec la rapidité et les passages plus lents, entre la part atmosphérique plus posé et celle qui peut se cristalliser sur des passages rapides, plus agressifs (jouant à la fois sur le niveau de profondeur de la musique mais aussi l'identité du style) et un contraste dans le fond, nous livrant deux facettes différentes de sa musique. Même dans les moments plus posés, associés généralement à l'aspect atmosphérique, C va venir te briser les genoux par derrière, sans prévenir. Comme cette utilisation de riffs ciselés évoqué au-dessus auxquels il va confronter des riffs plus agressifs, distillant une forme de brutalité larvaire collant avec l'approche.
On retrouve aussi des plages de sérénité, nous permettant de reprendre un peu notre souffle car la musique offre un aspect très dense, parfois flirtant avec quelque chose de plus dantesque. Il glisse ainsi un aspect assez magistrale, parfois flirtant avec une approche cinématographique sur quelques passages ('Voor de Eeuwigheid Gehangen'). Et cela lui offre la possibilité de créer un lien entre les titres, tissant une trame globale qui nous immerge dans son album, malgré la langue et les aspects altérés, qui s'avèrent redoutablement complémentaires.

Les titres prennent le temps de se développer (mais toujours avec en ligne de mire l'aspect atmosphérique et cette volonté de l'altération), tissant cette trame que j'évoquais et toujours derrière cet aspect dense, qui ne laisse pas vraiment de place au hasard. Et qui, pourtant, donne des moments de pure violence, assez sombre (puisque jouant cette carte de nostalgie). Et C nous emmène ainsi dans les méandres des profondeurs de son album, nous guidant un peu avant de nous lâcher dans son univers, qui n'est pas sans nous évoquer une vision d'une époque perdue.
Les titres peuvent être longs ('Krijtland' et ses 12 minutes) mais du fait que C maitrise l'intérêt et les structures, on ne voit pas le temps passer, sans compter qu'il y a pas mal de choses qui se passent. On se retrouve avec un ensemble cohérent, où l'efficacité se marie à une certaine idée d'un onirisme malsain. Ce qui me frustrent, c'est que je ne pipe pas un mot de néerlandais et que même si j'avais les paroles, je ne serais pas fout de savoir ce qui est abordé.

Le chant qu'offre C est constitué de plusieurs facette: il y a celle du black, avec une voix agressive, qui pose une part de l'identité du projet. Son chant black offre des variations qui se teintent de l'essence de la musique et du moment. Le chant et la musique sont très ancrés dans le moment présent, du moins, comme je le ressens. Mais il va aussi explorer des chants clairs, usant de divers approches, sur quelques passages, semblant servir de trame narrative et apporter une autre dimension au chant et à l'atmosphère des titres.
Le son est bon, manquant un peu de puissance (mais c'est du chipotage). Car C apporte un soin évident à la texture du son, un peu sale, avec un grain singulier, raccord aussi avec cette idée d'altération (qui pourrait être celle du voile du temps perdu).Les guitares offrent des niveaux de tonalité différentes, jouant sur les contrastes, avec une basse bien présente qui vient en renfort de la batterie et de ces patterns parfois surprenants. Le chant est à l'équilibre, le mixe laissant clairement la clarté nécessaire pour la compréhension et l'aspect atmosphérique. Le côté brutal vient de ce son un peu sale mais pas seulement. Il y a quelque chose de plus profond, reposant sur la musique, les arrangements et surement le concept lui-même.

Wurgilnõ est une découverte fortement sympathique, avec une approche atypique qui surprend et nous capte aussitôt. Il n'y a pas de superflu et c'est efficace. Que demander de plus? Va découvrir ce projet intéressant!