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Kre^u

Kre^u

Ispantu Produtziones

30 janvier 2024 à 15:30:07

Dématérialisé

2023

6 titres pour 42'32''

Une petite vidéo:

Kre^u est un groupe de Sardaigne de black metal, formé en 2020 par trois gaillards portant en étendard la culture sarde, notamment axé sur les hors la loi et les bandits. Et c'est à peu près tout ce que je peux vous dire, vu que je ne parle un traitre mot de sarde.

L'album repose sur 5 titres principalement, le premier servant à poser une longue introduction et mettre en place une trame et une atmosphère particulière, au long des 9 minutes qui parcourent le titre. Celui-ci pose les bases dans le même temps, notamment l'esprit de la musique à venir. L'ambiance est assez sinistre, un peu délétère mais insiste vraiment sur une notion oscillant entre chant et narration, sur une base musicale puisant dans le folklore, avec une mandoline qui pose ses notes devant une guitare volontairement en retrait. Le titre pose aussi une gestion particulière du temps, avec un rythme extrêmement lent, jouant aussi bien sur l'ambiance que sur l'idée de mettre en perspective une époque révolue. Le titre s'avère un peu à part du reste, bien qu'il pose les éléments qui vont être les clés de voutes de la musique qui va suivre.

Le second titre embraye directement sur une ambiance tout aussi festive, en mettant en place un black mid-tempo, très empreint de cette notion d'une époque éloignée dans le temps. Le trio développe un black un peu singulier, reposant sur le choix de poser ce tempo régulier, qu'il va moduler avec des phases plus rapides ayant aussi un tempo régulier, comme si le groupe transposait deux facettes d'un black qui regarderait aussi bien veine une veine dark que folk, où il peut imbriquer sa trame et sa vision. Le titre pose d'ailleurs des éléments folkloriques puissants et intéressants passant par des éléments du chant très singuliers, que je rapprocherai de chants polyphoniques adaptés à leur musique.
On trouve une atmosphère qui oscille entre une vision d'une époque révolue et la mise en place de quelque chose de plus malsain (qui se met en place avec les singularités du chant et certains riffs, en plus du traitement particulier que le groupe a du son).
Les autres titres vont vraiment développer ce lien à l'atmosphère, plaçant une sorte d'empreinte diffuse plus pagan, sans pour autant quitter cette trame black qu'il développe. Car celle-ci revêt des éléments assez différents des conventions du style, allant assez loin dans l'approche. Car au-delà de l'aspect du tempo et des rythmiques, il y a une dissonance et une disharmonie qui sont mises en avant, nous enfonçant vraiment dans l'idée du transfuge d'une autre époque et d'un état d'esprit différent. Sur l'aspect black metal en lui-même, la base est très classique. Ce qui diverge est clairement sa représentation et sa mise en place, ayant vraiment une impression de mise en scène dans les titres. Et c'est une excellente idée qui est développée.

Car ainsi le trio peut placer, outre les alternances de phases avec ces tempos réguliers jouant sur un rythme plus ou moins rapide, les atmosphères et les éléments qui personnifient son black, passant par cette idée de donner une impression temporelle différente, en même temps que le trio va jouer volontairement, à l'aide de samples, avec la notion plus fou entre le sacré et le profane, celui-ci se plaçant ouvertement sur une voie obscure. Et pour ce faire, le chant polyphonique va offrir des alternances avec le chant black ou parfois clair (tout dépend de ce que le groupe veut tisser à la trame de l'instant)..
Et cela engendre dans les titres des tableaux musicaux servant à la mise en valeur des titres (et surement des thèmes abordés mais mon sarde se place à un niveau abyssale de nullité absolue). Et si je parle de sacré, c'est que le chant peut prendre un aspect de chant singulier, jouant du coup avec la notion du sacré qui est mise au service de la thématique du groupe. Mais ce chant polyphonique rejoint aussi la musique, en devenant une part essentielle, faisant écho à leur vision du black que le trio met en place.
Et c'est un moyen qui leur donne l'occasion de pouvoir développer des titres assez longs, sans ennuie car apportant une part de mystère et d'exotisme, sans avoir à aller bien loin. Cela ajoute à l'atmosphère de l'album, densifiant la trame et apportant clairement des accroches différentes qui font mouche.

Même si la base de leur black est très classique, plutôt tranquille en matière de tempo, le groupe s'offre aussi des moments nettement plus soutenus, n'hésitant pas à aller explorer une facette un peu plus dure, s'y focalisant plus nettement sur les deux derniers titres, dévoilant un visage plus agressif. On retrouve alors un black plus véhément, qui s'associe encore mieux avec le chant polyphonique et cette gestion temporelle que le groupe nous pose depuis le début, faisant un lien entre l'ancien et le moderne, en y associant quelque chose de folk (par la mandoline qui se présente judicieusement, à certains moments très spécifiques). Mais aussi en y glissant un aspect guerrier qui y est disséminé (que ce soit sur le début de 'Notturnu' ou dans certaines parties sans équivoques, rejoignant parfois le chant polyphonique et lui conférant alors un rôle différent. Cet aspect guerrier se retrouve plus dans les deux derniers titres, de manière plus nette mais imprègne aussi les autres titres, de part les alternances que le trio nous amène.
C'est nettement plus dense que à quoi l'on s'attend de prime abord car le groupe développe vraiment une approche assez singulière qui ne se dévoile que progressivement et éclate vraiment sur plusieurs écoutes. Il y a de la subtilité inattendue et cela renforce la trame de base.

Le chant est très intéressant et très riche car utilisant du chant clair comme le chant black. Mais l'ajout d'un chant polyphonique nous emmène à un autre niveau, ce chant évoquant parfois les chants de gorge. C'est très singulier tout en offrant une identité forte au groupe, en le liant à sa culture et à une vision que l'on a rarement du style et de ce chant. Le chant est aussi utilisé comme précurseur parfois à certains passages plus emblématiques de la musique du groupe, mettant en avant cette frontière ténu entre black, pagan, dark et folk. Le chant s'y ballade clairement, en nous emmenant dans l'univers du trio. Le chant plus typé black va aussi prendre des accents plus trainant parfois, s'adaptant au tempo mais aussi amenant une part de l'atmosphère qui imprègne l'album.
Le son est très bon. Mais ne t'attend pas à un son habituel. Ici, il y a une mise en scène et un traitement singulier de la texture du son, jouant sur cette dimension temporelle que j'évoque plusieurs fois. Le groupe offre un équilibre entre le modernisme du black et cette vision plus révolue, se basant en partie sur la mandoline ou le chant polyphonique et va jouer la carte de l'altération subtile, titillant la puissance en la modulant. La batterie est mise en avant (notamment la caisse claire et certaines cymbales) avec le chant, le choix de mettre légèrement en retrait la guitare et la basse (et pourtant, tu l'entends bien claquer celle-ci, avec un rythme particulier) donnant une part de l'atmosphère et de l'identité du groupe.

Kre^u est une découverte à faire, en plus de t'offrir un voyage et une dose d'exotisme. Premier album d'un groupe qui place une identité marquée et une vision singulière du black. Sois curieux, c'est vraiment profond et intéressant (et si tu comprends le sarde, alors tu es au top!).

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