

MARGOTH 5
PDF5
Insomnia
Sker
Autoproduction
23 janvier 2023 à 14:31:19
CD
2023
4 titres. Durée: 16'34''
Une petite vidéo:
Sker est un quintet formé en 2017, du côté de la région parisienne. Ils proposent un rock alternatif (est-ce que cela veut vraiment dire quelque chose? Il y a du rock continu?), qui ne rentre pas tout à fait dans la case dévolue.
Dès le début, le groupe nous plonge dans un rock qui fleure bon les années 90, avec un rythme assez tranquille. Mais on sent qu'il y a quelque chose de particulier derrière. Et le premier élément vient du chant de Samantha: un chant qui puise dans le chant lyrique et qui me fait penser un peu au Rita Mitsouko, à cause de ce chant. Mais qui sait aussi s'éloigné de ce repère. On y reviendra plus loin.
Musicalement, c'est sur une base rock que le groupe construit sa musique. Un rock qui puise, comme je l'ai dit, dans les années 90. Mais rapidement, il y a des éléments un peu plus divergents qui apparaissent, marquant une énergie indéniable. Car si le rythme est assez tranquille (si on compare à du death ou du grind), il sait déployer une certaine force, avec parfois une sorte d'approche plus punk. Notamment dans les structures qui sont parfois étranges ou surprenantes. Et ce n'est pas anecdotique.
Le groupe va nous planter en plein milieu d'un morceau, soudainement, sans prévenir, un truc improbable, jouant sur la tonalité, la tessiture mais surtout des sauts entre styles qui se retrouvent à s'entremêler. Le groupe brouille un peu les codes, rendant la musique à la fois plus chelou mais aussi, étonnamment, plus entrainante ('In the void' va vous faire bouger), lui permettant ainsi de moduler ce côté énergique qu'il cultive. On navigue quelque part à la lisière de différents genres, sans qu'un seul instant on perde la cohérence ('Feeling story' offre des passages plus pop rock, pour mieux rebondir sur de la fusion).
Au début, du coup, on est un peu déstabilisé (en tous cas, moi, ça m'a perturbé un peu). Et finalement, le groupe réussi le coup de force à nous faire entrer dans son univers assez rapidement, grâce, en partie, à la sacro sainte cohérence. Il n'est dès lors plus étonnant d'avoir une partie soudaine plus jazzy ou quelque chose qui lorgne d'un coup vers une sorte de neo metal, mais sans tomber dans la facilité de se planter dessus et d'y rester.
Mais ne vous fiez pas à leur airs de jeunes dans l'air du temps, bien dans leur époque. Car cet Ep dégage un côté plus sombre, qui se retrouve dans la musique et surtout les sonorités. C'est assez subtil sans pour autant être trop diluer pour perdre son impact. Le groupe déploie ainsi une approche plus singulière, qui se recoupe avec la thématique de l'Ep (les joies de l'insomnie) et sur l'artwork, livrant quelque chose qui tient plus au cauchemardesque où l'abstrait n'a pas sa place pourtant. Il y a un esprit un peu sombre qui baigne cet Ep, puisant là aussi dans les années 90 (genre Radiohead) mais qui s'appuie aussi sur cette essence un peu punk dans l'approche. Et le quintet n'est pas à un volteface près dans sa musique, qui au-delà d'amener de l'air, permet de nourrir l'intérêt, puisque l'on se demande parfois ce qui va arriver après. Mais c'est bien amener et surtout, l'Ep suit une trame assez globale, suffisamment vaste pour que Sker puisse commencer à nous faire explorer son univers.
Le chant de Samantha est très intéressant. Il puise dans le lyrique et se module au rock, permettant à Samantha de naviguer dans le style et d'offrir différentes facettes à son chant. Il y a ce côté Rita Mitsouko qui me reste en tête mais sans le côté agaçant que j'y trouve, du fait justement qu'elle ne s'aliène pas juste à cet aspect et va plus loin, accompagnant de son chant l'exploration musicale. De plus, le timbre de la voix a quelque chose de très particulier, oscillant sur une douceur et un côté plus brut, mais toujours sur cette base lyrique, assez détonante.
Le son est très bon, sans aller dans les excès, permettant au groupe de marquer son style qui se détache un peu du lot. Les instruments sont tous audibles. La basse est discrète mais pourtant présente, appuyant dans certaines structures des bizarreries que l'on ne peut que rattacher au groupe. Pas de fioritures, le groupe reste sur une base simple amis efficace, évitant d'embrouiller l'écoute de détails superflus.
Sker est une découverte. D'un abord un poil chelou, il faut le reconnaitre, c'est rapidement quelque chose qui nous devient familier, sans pour autant tomber dans une case prédéfinie. C'est très accrocheur car le groupe, au-delà de l'énergie, offre une vision un peu atypique qui fait plaisir (et qui me change un peu dans les écoutes).