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Holocene

The Ocean

Pelagic records

6 août 2023 à 09:20:43

Dématérialisé

2023

8 titres pour 52'28''

Une petite vidéo:

The Ocean (de son vrai nom The Ocean Collective) est un collectif de musiciens formé en 2000, ayant un peu évoluer musicalement depuis ces débuts et qui apportent un concept mêlant philosophie, modernité... à travers des albums qui ont tous un lien avec une période géologique qui se retrouve exploitée en titres qui regroupent alors les éons, les ères et les périodes (voir les étages des périodes) ou avec des albums touchant des thèmes plus parlant ('Anthropocentric', 'Pelagial'...). Le collectif compte 8 albums, un Ep, un live, deux split et une floppée d'apparition sur des compilations. 'Holocene' est leur 9ème album.

L'album se concentre sur l'holocène, notre ère géologique, commencée il y a 12000 (je n'ai pas la date précise).Et les titres font donc référence à ce qui nous concerne, à la fois en tant qu'espèce qu'en état des lieux de notre civilisation. Découvrant le collectif avec cet album, je ne sais pas si la thématique influe ou non leur musique.
En tous les cas, l'album repose sur des atmosphères très enveloppantes, prenant le temps de se développer et de glisser vers une forme progressive, plutôt posé, où les structures et les phases sont réfléchies. On se retrouve face à un album dense, qui prend son temps, posant des jalons qui vont nous guider tout au long de celui-ci. Mais il y a aussi un aspect tirant vers le sludge, qui imprime cette certaine lenteur progressiste (on ne peut pas parler de lourdeur), qui va aussi accompagner la musique du groupe.
Celui-ci va alors se manifester avec des rythmiques plus lourdes , sans qu'elle le soit vraiment, amenant un contraste avec le rythme du chant ou des certains riffs, introduisant des parties complexes, qui renforcent le côté progressif. Mais sans que cela ne vire au progressif chiant. On en est très loin.
Le groupe nous transporte dans des mélopées très accrocheuses, douces (contrastant avec les paroles pour le coup), posant un cadre dans lequel on se retrouve posé, créant une trame qui parait être volontairement tranquille, dans le but de nous emmener dans des mondes plus célestes (les mélodies sont parfois terribles, flirtant avec un onirisme puissant), associant les riffs et des claviers, le tout avec finesse mais efficacité. On plonge vraiment dans quelque chose qui va faire un lien entre le nom du groupe et la référence des titres au sujet abordé (tout en ayant un second sens plus analytique, en décalage complet assumé et très percutant).
La musique s'étire alors de façon sereine et l'on se dit que c'est pas mal du tout, malgré ce côté posé qui s'affirme vaillamment. On plonge dans cet océan de sérénité, à peine perturbé par quelques vaguelettes. Le mélange avec les claviers y étant pour beaucoup.
Entre les rythmiques, les claviers, les riffs, le groupe nous plonge dans quelque chose qui ne dépareillerait pas un bar lounge (mais en nettement plus cérébrale et réfléchi). Les trois premiers titres posent vraiment une vision et une trame que le groupe nous crée comme une toile qui est la seule voie que l'on a. Seuls quelques éléments rythmiques (patterns de batteries, percussions ou sons électroniques induits) viennent perturber cette continuité loin d'être ennuyeuse. Mais voilà, le groupe n'en est qu'à trois titres et n'a pas encore tout révélé. Les chenapans.

Car à partir du titre 'Atlantic', quelque chose change subrepticement (à moins que cela était déjà là et que l'on ne l'a pas entendu?), d'abord dans le tempo, un peu plus lent et les sonorités. Le titre prend là aussi son temps, s'expose progressivement, reprenant la trame des trois précédents, peut-être avec un peu plus de variations dans le chant et les tonalités. Mais restant en toute logique, offrant toujours le contraste mentionné plus haut. Et c'est là que soudainement, au détour de l'habitude que l'on a pris avec les premiers titres qu'explose soudainement aux trois quarts du titre la déflagration d'un soudain post metal où tout s'emballe, créant un contraste, amené pourtant avec beaucoup de soin dans une longue transition ne donnant pas son nom et qui va vraiment changer d'esprit. L'aspect serein disparaît et une certaine fureur vient se glisser alors dans ce monde feutré. Et c'est clairement un changement de cap que pose le groupe ici. La puissance, qui était toute en retenue, contrainte est totalement libérée ici.
Et cela glisse un nouvel aspect dans l'album, apportant un nouveau contraste, cette fois-ci purement musical. On va se retrouver avec ce côté atmosphérique progressif teinté de sludge à ce post metal puissant, parfois dissonant, qui lui aussi va intégrer des éléments du sludge. Et si depuis le début de l'album j'étais très accroché par l'approche, le groupe m'emmène bien plus loin encore, avec ses deux figures qui vont contraster les titres suivants, marquant un changement de teintes, d'enrichissement de la trame (qui est logique dans l'approche progressive) et surtout, cela va être modulé et non mis de façon binaire douceur / puissance.

The Ocean propose ainsi une approche et une lecture différente mais cohérente de la trame qu'il à mis en place, nous sortant d'une zone de confort artificielle qu'il a volontairement créé pour nous plonger dans ce qui me semble la réalité de leur musique. Et bordel, à partir de 'Subboreal', attendez-vous à des moments flirtant avec la bravoure, le contraste devenant, en partie, clé de voûte. Le groupe semble changer le paradigme qu'il a construit avec les titres précédents et pourtant, on n'a pas encore toucher le changement complet qui intervient avec 'Unconformities' qui va en partie offrir un rejet de ce que le groupe a construit auparavant, que ce soit l'approche rythmique (simplifiée ici mais toujours efficace), les sonorités, la construction même du titre, gardant juste cette notion de douceur teinté d'une puissance (plus émotionnelle) et cette idée de contraste.
Ce titre amène un chant féminin, sur une trame plutôt légère, touchant à la fois au céleste et à l'émotionnelle. Il s'avère complètement différent des autres titres, justifiant son titre. Ca contraste avec les autres titres de manière fluide et esthétique. Et c'est là, vers les cinq minutes, que le groupe appuie l'anti conformité dans son propre titre, en glissant avec une transition cette fois plus agressive vers le post metal nimbé de sludge (cette fois, ça en dégouline vraiment), amenant une forme de violence (brutalité?) qui diffère des autres titres (et d'environ la moitié du titre), se clôturant par les dissonances dans les sons, les tonalités, faisant un lien discret dans la continuité des titres précédents et servant de transition avec le titre suivant, 'Parabiosis', nous créant un titre unique avec deux titres, amenant à la fois deux aspects et deux traitements (parabiose: terme désignant un système de relations entre deux espèces d'organismes (parabionte), dans lequel un seul des deux partenaires a un avantage, sans nuire à l'autre, dans une relation indifférente).
C'est là que l'on prend aussi la pleine mesure de la réflexion qui pousse le collectif, à offrir cette approche très riche, dense et qui va forcément donner envie de creuser plus loin les titres, d'explorer à la fois cet univers dantesque et ce qu'il y a derrière, notamment les domaines évoqués. 'Parabiosis' est certainement un élément déclencheur dont 'Uncomformities' est le carburant nécessaire. Et en regardant l'ensemble des titres, on ne peut ne pas voir une progression dans l'album, semblant partir du début de l'holocène (préboréal, oui, cet album apporte de la culture et des approfondissements si tu t'intéresses à la géologie (entres autres)). Et l'album glisse forcément vers 'Subatlantic' (qui se rapporte aussi à l'anthropocène, qui est le terme actuel en débat), gardant là aussi les éléments constitutifs de la musique que le groupe a déployer jusqu'à maintenant (dans le contexte de l'album). Mais ce titre est aussi une transition globale, des éléments changeant dans la nature du titre, en jouant avec les codes que le groupe nous a posé auparavant, sans pour autant détruire la cohérence. Ce sont des changements subtils, étant différents sans pour autant être autre chose. Dis comme ça, c'est étrange mais c'est le ressenti qui s'en dégage. Et au regard des autres albums, c'est peut-être un titre de transition, comme les autres en ont probablement, pour lier l'ensemble du concept et de la discographie du collectif. Et avec un peu de recul, on comprend que l'on a pris en pleine gueule un album monumental, de ceux que l'on ne voit pas venir.

Le chant offre une facette tout en subtilité, ponctuant surtout les phases plus atmosphériques immersives, déployant un timbre de voix assez caractéristique (ma femme trouve qu'il s'approche de celui de Serj Tankian), donnat un chant modulé, avec des subtilités et une gestion de la puissance dans celui-ci. L'autre facette étant un chant typique du post metal, tout en puissance, plus virulent et qui, pourtant s'avère fortement complémentaire avec l'autre facette. L'une ne pouvant être sans l'autre. Le chant féminin sur 'Anticonformities' est aussi très beau, posé avec des subtilités et recélant une forme de puissance émotionnelle. Contraste intéressant avec la voix masculine, mais contraste qui nourrit le concept.
Le son est excellent. Je ne peux pas parler d'un son massif car beaucoup d'éléments constituent la musique du collectif, jouant sur les différents arcs et structures. Il y a une véritable recherche avec les sonorités, la volonté d'offrir à la fois immersion et contraste, tout en injectant des strates différentes. Le collectif apporte clairement un soin apportant au son, pour offrir cette richesse qui se déploie, n'hésitant pas à sortir du cadre.

The Ocean nous offre une immersion dans notre propre ère, mais avec une approche puisant dans la philosophie, une sorte d'état des lieux, tout en proposant un voyage qui offre parfois des éléments qui glissent vers un voyage initiatique et spirituel. Mais c'est clairement un album monstrueux, à la fois puissant et chargé de subtilités, où les différentes facettes demandent une exploration en plusieurs écoutes, sans le moindre risque d'ennui. Soyez curieux si vous êtes dubitatifs, ça vaut vraiment le détour.

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