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Hic sunt Moundrages

Moundrag

Dyonisiac records

31 décembre 2022 à 09:15:06

Dématérialisé

2022

5 titres. Durée: 41'14''

Une petite vidéo:

Moundrag est un duo formé par deux frères bretons, ayant déjà eut un groupe (Smooth motion, avec 3 albums) qui nous offrent cet ovni anachronique musical, qui est le premier album de Moundrag du coup. C'est l'une des chroniques où j'ai le plus de retard cette année, ne sachant pas trop où commencer ou comment aborder ce singulier album. Explorons donc cet étrange objet en détail (et ça vaut le détour).

Commençons par la particularité: il n'y a pas de guitare, ni de basse. Tout se focalise autour d'une batterie et d'un orgue Hammond. Rien d'autre. Et c'est ainsi que dès les premières notes de 'La poule', le groupe va nous envoyé directement dans les années 70, tendances psychédélique, acide et fumette pour l'ambiance. Et c'est ainsi qu'ils nous dévoilent un univers étrange, une sorte de hard prog heavy psychédélique improbable, qui va en fait bien plus loin qu'un simple album. On est sur une entité plus spécifique, un mutant sublime et subtil, une ouverture sur un imaginaire offert.
Deep Purple nous jaillit en tête directement, sans transition. Du fait des structures et de l'orgue, plus vers des titres comme Child in time, qui va aussi s'appuyer sur d'autres groupes, réveillant des évocations plus diverses, auxquelles je ne raccroche pas nécessairement de noms mais qui me parlent. On est sur des ambiances portant la marques des années perdues, avec un amour absolue pour cette période et ce qu'elles ont eut comme impact musical pour le duo de frères. 'La poule' est aussi un titre monumental. De ce que l'on attend pas d'entrée de jeu (ni même que j'attendais tout court), offrant quelque chose de plus impalpable mais de très concret pourtant: un voyage. Le titre se déploie sur 20 minutes et le duo donne tout ce qu'il a (et de manière efficace dans le genre!).

Il y a cette ambiance particulière, portée par le son et les structures, ces évocations qui nous mènent ici et là, nous raccrochant à des choses que l'on connait, de notre passé et imaginaire collectif, nous reliant tous à la musique du groupe. La puissance psychédélique est énorme, le duo utilisant les codes du style mais les mêlant aussi à des choses plus modernes (notamment dans certaines rythmiques). c'est donc quelque chose de très posé, avec beaucoup de finesse. Même le chant se raccroche à ces éléments, laissant toute la subtilité de déployer (et juste avec un orgue et une batterie, je le rappelle). Et le duo nous délivre alors un étrange paradoxe: il utilise des codes qu'il va moduler pour offrir quelque chose bien ancré dans notre époque et qui, pourtant, nous renvoie directement dans les années 70 (que les plus vieux d'entres vous ont pu connaitre).
C'est aussi un partage de valeurs musicales et de cultures que les frères nous proposent. Et cela passe forcément par un état d'esprit qui s'incruste dans la musique et par extension, dans nos crânes. Alors, oui, on est très loin du bourrin et pourtant, ce qu'ils proposent me rapprochent de mon enfance (les années 80 ayant été une extension des années 70 pour certains aspects musicaux ou groupes - Deep purple en tête -mais aussi quelque chose de plus flou, comme le premier album de Scorpions 'Lonesome crow', très psychédélique).
'La poule' prend le temps d'explorer de nombreuses facettes, qui, étonnamment, entretiennent toutes un point commun (le côté psychédélique), créant quelque chose d'homogène et pourtant de varié. D'où le côté monumental évoqué. Car les 20 minutes offrent un véritable festival de musicalité, ancré à notre époque (des arrangements, des sonorités) et dans les années 701 (le style, l'approche et surtout cette ambiance singulière attachante). Et si on trouve ça déjà bluffant, il y a une autre dimension qui jaillit parfois soudainement.

Certains passages vont clairement taper dans la musique cinématographique, toujours de la même décennie mais lorgnant plus vers le cinéma fantastique (j'ai en tête les films de Fulci, Argento, Bava...) et la musique du groupe The Goblin. Et cet aspect apparaît beaucoup dans la musique de Moundrag, notamment les envolées de claviers, avec ses sonorités proches de chœur, renvoyant directement aux envolées horrifiques et gores d'Argento ou de Fulci. Moundrag livre finalement quelque chose qui est clairement un voyage temporel. 'La poule' offre ainsi une vision aguerrie et mûrie de ce qu'ont en tête les frères. C'est un voyage qui nous dévoile un univers musical très personnel et qui pourtant me parle et va parler à beaucoup, allant titiller notre mémoire et une certaine forme de nostalgie, mais plutôt joyeuse et festive cette fois. Ce premier titre permet au duo de poser directement les bases de quelque chose de plus vaste qu'une simple musique. C'est incroyablement dense, vivant et un déclaration d'amour à un style musical qui n'est pas désuet avec les deux frères.
Et ce mélange, entre musique cinématographique et ces pans psychédéliques, hard rock... créent une trame sur laquelle repose l'édifice que les deux frères génèrent, imposant un équilibre obligatoire en même temps qu'une cohérence nécessaire tout en offrant, paradoxalement, une liberté d'évolution musicale et une sincérité.

Et ils le prouve avec les 4 autres titres, aux durées nettement plus conventionnelles, qui vont s'attarder sur certains aspects plus spécifiques. Et notamment permettre au chant de se déployer plus largement, ainsi qu'amener une certaine sobriété par instant, mettant ainsi en valeur ce chant. Mais le duo ne se borne pas à ça et il y a toujours cette évocation puissante en arrière plan ('Shade in the night' me renvoie vers quelque chose de flou mais qui a pourtant une forte évocation musicale). Le groupe a ce don de te rappeler des choses qui sont loin dans ta mémoire, de faire un lien entre deux temporalités et d'être pourtant ancré à notre époque. Les titres suivant ('the creation' et 'the demon race') vont plus se focaliser sur d'autres aspects, puisant plus dans des facettes hard rock, apportant un côté groovy très moderne et qui, pourtant, colle complètement à l'univers que nous dépeint le duo. Et ne laisse pas indifférent. 'The demon race' vous fera surement taper du pied. Et ces trois titres qui se suivent offrent ainsi une approche plus succincte mais qui permet d'amener du rythme dans l'album, celui-ci ayant une autre forme dans le premier titre. Ils offrent de la variété dans une trame pourtant très calibrée. Et il y a des ambiances plus légères, qui amènent quelque chose de plus aéré et qui va installer un contraste d'ambiance, notamment avec le dernier titre 'The hangman', à la fois plus rock et plus sombre.
Le duo joue sur les sonorités et les tonalités, qu'il module avec les rythmiques plus catchy, voir pied au plancher (dans le genre, on ne vire pas au grind, un peu de logique voyons!). Et ça appuie directement cette approche à la Deep Purple mais qui pourtant garde son identité, les bases de leur approche singulière, marquée par une dimension presque spirituelle parfois (et ça se retrouve tout au long de l'album), imbriquée dans une approche émotionnelle absolue. C'est là aussi un tour de force des deux frères, d'amener ce point sans que l'on y fasse vraiment attention alors que depuis le début, tout est là.

Mais il y a aussi ce recul que l'on fait ensuite, avec les éléments que l'on a en tête et qui soudain, éclairent quelque chose de plus surprenant, auquel on a pas vraiment fait attention, pris dans le jeu de la musique du groupe: quelque chose rode derrière, une sorte de relent de doom. Ou plutôt quelque chose plus proche d'un proto doom qui vient amener, de manière très subtile, quelques éléments qui vont enrichir et apporter encore plus de densité à la musique du duo. Ce qui nous fait alors ouvrir les yeux sur la musique du groupe qui se s'avère être une sorte de seuil de porte musicale, ouvrant un champ des possibles mais sans renier leur base ni trahir leur vision.
Et il y a le concept derrière l'album: l’histoire d’un monde dystopique apocalyptique causé par l’Homme. Et c'est ça que les deux frères vont développer à travers ce premier pan, qui aura ses suites, pour explorer le concept.
Mais les frères vont nettement plus loin car leurs vies sont liées à leur musique, cultivant les visuels, leur look renvoyant aux années 70, leur approche artistique complète. C'est plus que de la musique qu'il offre: c'est clairement un voyage temporel, une retour dans le passé mais sans les tracas du voyage dans le temps. C'est clairement quelque chose de calcul mais aussi d'assumé et qui marque vraiment l'immersion à son maximum.
Le chant est très typé, nous gardant dans cet esprit des années 70 mais en même temps, qui nous lie à notre époque, des liens évoquant Kadavar existant. Le chant est tout en finesse et repose aussi sur le timbre de voix, en même temps qu'il va s'inspirer de nos mémoires collectives. Et nous offrir quelques moments de bravoure, tapant dans une part d'émotionnelle.
Le son est excellent, marquant là aussi l'idée des années 70, mais avec la modernité des arrangements et de certains éléments clairement de notre époque. Le duo fait le choix d'un son chaleureux, caressant les années 70 mais qui est indéniablement originaire de notre époque. Un compromis intéressant, qui fait sens avec leur univers.

Moundrag livre un premier album, autour d'un concept sur sera développé, qui est à la fois une étrangeté, un anachronisme mais pourtant qui est excellent, très prenant et offre une claque dans le style, avec quelque chose que je ne voyais pas venir du tout! Soyez curieux sur ce coup là, c'est un très bon moment que vous passerez avec le duo!

© Margoth PDF

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