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Et facta est lux

Sektarism

End All Life Productions

15 décembre 2024 à 09:25:49

CD digipack

2023

2 titres pour 41'30''

Une petite vidéo:

Sektarism est un groupe toulousain formé en 2005, naviguant dans le funeral doom, auteur de 9 productions, dont 'la mort de l'infidèle' chroniqué ici même. Et voici le retour du groupe avec un quatrième album, qui repousse un peu plus loin les limites du genre.

Il n'y a que deux titres. La particularité de l'album est qu'il a été enregistré de manière instinctive et improvisée. Ce qui nous donne déjà un élément intéressant: le groupe se connait, connait sa musique et maitrise son art. Car une improvisation musicale cohérente, qui plus est dans la forme que nous offre Sektarism, relève d'une gageure.
Les deux titres sont dans un esprit cérémoniel, apportant une atmosphère très particulière, sur laquelle le groupe a ensuite bâti la structuration et les circonvolutions qui s'appuient sur un funeral doom intense et du ritual. Mais en allant vraiment loin, pour mon plus grand plaisir.

'Fiat lux' ouvre l'album, avec ses presque 22 minutes au compteurs. Il prend le temps de mettre en place une atmosphère où l'aspect rituel domine en première partie, d'abord par le son et une musique minimaliste lourde, pesante, amenant des éléments textuels sur les 7 premières minutes. C'est lent, volontairement, permettant d'amener un soudain contraste avec l'apparition de la rythmique après 7 minutes, appuyant nettement le côté rituel et cérémoniel. La section prend aussi son temps, développant son essence, marquant l'écoute, en laissant sourdre quelque chose de très particulier qui va prendre lentement forme, commençant à un moment intégrer l'aspect funeral doom (qui enfonce la lourdeur du titre et son côté oppressant), mettant en exergue la part rituelle du titre.
La rythmique va suivre la même trame, accélérant lentement, amplifiant la lourdeur et intégrant un jeu de batterie qui va jouer avec certains éléments (notamment le rythme de la grosse caisse). L'oppression reste une donnée importante avant un pont qui revient à l'atmosphère du début, laissant le chant décliner son texte en français, chargé de symbolisme, plaquant complètement l'aspect cérémoniel dans notre esprit.
Le moment devient très lent et plus lourd avec le jeu de la basse, dissonant et reposant sur un note répétée à distance. L'aspect sombre et oppressant est à son paroxysme, laissant alors le teinte du titre s'obscurcir encore plus (le jeu de la batterie est intéressant, car en arrière plan au début, avant de venir en avant progressivement).
Cela s'accompagne de riffs qui arrivent de la même manière, avec une montée en puissance surprenante, jouant avec les tonalités, tout en gardant l'idée de prendre son temps. Mais ce qui devient une montée en puissance finit par déraper en un flot de violence et prend alors une tournure où le cérémoniel devient un exutoire de violence, la lourdeur devenant rapidité (tout en gardant le lien rituel). Cela prend du temps, nous laissant mariner dans cette étrange paradoxe avant le final explosif du titre, intense et concis pamphlet musical sur un final qui prend une soudaine teinte funeral doom death teinté de black dans la trame des riffs. Démentiel!

'Le vent des serpents' est le second titre. Fort de ses 19 minutes et une trentaine de seconde, le titre change un peu de tonalité, le groupe jouant la carte des sonorités (déjà présent sur le premier titre). La lourdeur explose rapidement, marquant un funeral doom teinté de death implacable, immuable, amenant une autre atmosphère. Le côté rituel se tient en partie dans les riffs et l'essence de la musique (s'appuyant sur des arcs précis, malgré le coté improvisé). C'est extrêmement pesant, bien plus oppressant, nous plongeant aux limites du genre, le tout en prenant le temps de mettre en place une sorte de boucle où les riffs et la rythmique installent une structure en boucle.
Un contraste se fait avec la montée en puissance des riffs, gardant le même rythme lent avant un soudain break (vers les 4 minutes) où tout devient très lent, comme une sorte de breakdown ultra lent et lourd, le temps s'étirant avec un appui simplement sur une sonorité malsaine et exotique. Celle-ci s'étire à l'infini semble-t-il, nouant l'aspect rituel et entêtant à cette première partie. D'autant que d'autres éléments percent ce côté solennel ici et là, mais en étant vraiment étiré dans le temps (avec une voix sous forme de souffle ponctuelle).
L'atmosphère est complétement différente, de même que la manière d'aborder la musique. C'est plus solennel mais aussi plus malsain, avec un jeu sur le chant, les sonorités et un appel à divers éléments comme un carillon, qui apporte quelque chose de très particulier. Cela nous emmène aux confins de genres, entre ritual, funeral doom poussé à l'extrême où l'aspect cérémoniel devient l'essence même du titre. Sur un rythme que n'aurait pas renié Corrupted sur son album le plus expérimental (pour te situer, c'est l'album 'Llenándose de gusanos'). Sauf qu'ici, on est en oppression associé à un rituel cérémoniel extrêmement malsain, plaçant une profondeur abyssale à la musique. Avec cet étirement temporel de la musique. Complètement à l'opposé du premier titre. On flirte même avec une sorte d'ambient ultra malsain mais paradoxalement jouissif.
Alors quand le break à 15 minutes relance la machine, mêlant funeral doom et ritual, le retour de la musique offre un contraste mettant cette section en soudaine déflagration au contexte de la partie précédente. Mais le rythme n'en est pas pour autant très rapide. Et il y a une montée de puissance et de gamme qui se dessine au fur et à mesure que le temps défile, marquant de plus en plus quelque chose d'hybride entre funeral doom death et autre chose, d'étrange, de malsain mais de complètement cohérent avec le tout. L'atmosphère change complétement, gardant ce côté lancinant pourtant, où le chant est omniprésent. L'ensemble se maintient jusqu'à la fin, abrupte en en quelques mesures, apportant un ultime contraste.

Le chant oscille entre rituel, cérémoniel et funeral doom. Il explore diverses voies, allant du simple murmure malsain au chant guttural, volontairement pesant, mettant en valeur les éléments et les structures, dans l'idée de la cohérence, malgré le côté improvisé.
Le son est excellent, très riche, réfléchi, du fait de nombreuses circonvolutions dans la musique, avec un apport de sonorités liées à des instruments particuliers comme au besoin de tessitures caractéristiques que le groupe déploie. Il y a une profondeur et un contraste entre les aspects parfois ambient et les profondeurs furieuses du doom death existant brièvement. C'est à la fois intense, complexe et pourtant étonnamment instinctif.

J'ai bien conscience que Sekatrism offre une musique difficile d'accès pour certaines personnes. ce n'est pas un groupe qui vise la renommée mais les personnes amatrices du genre ou qui recherchent ce qui va au-delà des limites y trouveront leur plaisir, comme moi. C'est ce genre de groupe que j'apprécie, n'hésitant pas à sortir des sentiers battus, mettant leur musique au service de l'art et de convictions. C'est complexe, intense, jouant sur des émotions sombres, de manière improvisée et instinctive. Mais la magie opère et ça fonctionne!

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